A un peu plus d'un mois après la présidentielle de mai, les socialistes devront savoir, aujourd'hui, ou au plus tard dans une semaine,s'ils auront les coudées franches pour mener les réformes promisespar leur candidat et actuel président de la République française. A se fier aux différents sondages, la gauche plurielle est assurée de remporter ces élections législatives, mais l'incertitude se résume dans la capacité du parti socialiste à obtenir la majorité absolue au Parlement, histoire d'éviter une cohabitation avec la droite, qualifiée de pire scénario pour le mandat de François Hollande. A propos de ce dernier cas de figure, le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a déclaré que «ce serait une paralysie si vous avez d'un côté un président et de l'autre une majorité (parlementaire) qui n'en veut pas. Cela ne marche pas !». Ce premier tour devra répondre à plusieurs questions qui redéfiniront le paysage politique hexagonal pour les cinq prochaines années. Où en est la droite après la défaite de Sarkozy ? Les extrêmes, gauche et droite, vont-elles confirmer leurs avantages engrangés lors de la dernière présidentielle ? Le parti de Martine Aubry sera-t-il obligé de composer avec les différentes sensibilités qui traversent le camp de la gauche et principalement avec le Front de gauche et son irréductible président, Jean-Luc Mélenchon, dont les rapports conflictuels avec le PS ne sont un secret pour personne. Ainsi, et selon toute vraisemblance, l'objectif des 289 sièges à l'Assemblée donnerait la majorité absolue à la gauche plurielle et conduirait automatiquement le parti socialiste à composer avec ces courants, à commencer par le Front de gauche qui veut confirmer son avancée de la présidentielle et peser sur la politique de la majorité de gauche à l'Assemblée, en passant de 19 à une trentaine d'élus. Quant aux Verts, ils sont déjà représentés au gouvernement. Selon un sondage de OpinionWayFiducial pour Le Figaro et LCI publié mardi dernier, la gauche composée pourrait obtenir entre 310 et 347 députés à l'issue des élections législatives. Dimanche, le PS et les diverses gauches (DVG) recueilleraient 31%, Europe Ecologie Les Verts (EELV, alliés au PS) 5,5%, et le Front de gauche 8,5%, soit un total de 45% (46% en ajoutant l'extrême gauche). La droite, elle, est largement devancée avec 33% des intentions de vote. Par ailleurs, selon ce sondage, 48 % des Français, contre 43%, souhaitent éviter une éventuelle cohabitation. Un autre sondage, réalisé les 5 et 6 juin par BVA pour Le Parisien Aujourd'hui en France, relève que le PS et ses alliés radicaux et DVG font jeu égal avec l'UMP (32%) pour le premier tour des législatives et ne devancent la droite parlementaire qu'avec l'appui des Verts. BVA souligne que l'équilibre des forces se fait donc à 33% pour la droite parlementaire et à 36,5% pour le PS et ses alliés. Quant au FN, il recueille 15,5% des intentions de vote, le Front de gauche 9%, le Modem 3,5%, Lutte ouvrière, le NPA 0,5% et l'Alliance écologiste indépendante 1%. L'autre interrogation qui se pose, c'est l'état de santé de l'UMP de Jean-François Copé qui n'aborde pas ce rendez-vous électoral en toute sérénité. Ces accointances suspectes avec l'idéologie «Fnésite» avait déjà causé du tort à Sarkozy et la priorité actuelle est de se débarrasser de cette proximité en hurlant haut et fort son autonomie vis-à-vis de l'extrême droite. Pour l'UMP, en plus de cette volonté, c'est d'avoir «le plus de députés possible», selon son président pour empêcher la gauche de totaliser 3/5 des sièges au Congrès (Assemblée et Sénat réunis) et interdire toute réforme constitutionnelle, notamment le droit de vote des étrangers aux élections locales. Pour le Rassemblement bleu marine de Marine Le Pen, il s'agit d'abord d'éviter une rechute comme en 2002, puis 2007, avec des contre-performances aux législatives dans la foulée de la présidentielle alors que son objectif avoué est l'affaiblissement de la droite parlementaire et «la recomposition de la droite». Pour cela, c'est sa présidente qui doit donner l'exemple et s'imposer avant tout devant son ennemi déclaré Jean-Luc Mélenchon. Le représentant du FG avait créé la sensation de ce premier tour en annonçant, en mai, qu'il tenterait d'obtenir le siège de député de la 11e circonscription du Pas-de-Calais que convoite aussi la chef du Front National. LES CANDIDATS DE LA DIVERSITE Cette bataille de Hénin-Beaumont exacerbe toutes les passions et il n'est pas rare d'assister à des coups bas orchestrés par les militants de l'extrême droite. Les deux politiciens se sont affrontés à coups d'insultes où Marine Le Pen qualifiait son adversaire d'«hurluberlu d'extrême gauche» parachuté qui «vomit la démocratie». Reprenant une des thématiques préférées du Front National, elle affirme que le candidat d'extrême gauche envisage de «noyer la circonscription sous une marée de clandestins attirés par sa promesse de régularisation massive». «Dorénavant, ce n'est pas nous qui rasons les murs, c'est eux qui vont les raser. Nous allons les faire partir, les chasser», a prévenu M. Mélenchon, qui compare Marine Le Pen à «Dracula». La campagne électorale de Mélenchon a sérieusement irrité le PS qui présente un maire local, Philippe Kemel, comme candidat de la 11e circonscription du Pas-de-Calais, ce qui augure déjà d'une cohabitation difficile au Parlement avec le PG. Un récent sondage du Figaro indique que Marine Le Pen arrivera en tête au premier tour avec plus de 32% des voix devant Philippe Kemel et Jean-Luc Mélenchon, qui suivent avec sept et huit points de retard. Le politicien d'extrême gauche sortirait cependant gagnant d'un duel au second tour si le représentant socialiste se désistait à son profit ou ne réussissait pas à atteindre le seuil minimal requis pour se qualifier pour la phase finale du scrutin (12,5% des électeurs inscrits). Par ailleurs, la diversité des candidats reste l'une des grandes absences de ces législatives puisque ni la gauche, ni la droite n'ont fait d'effort pour promouvoir des candidats issus de l'immigration dans des circonscriptions où ils auraient de fortes chances d'être élus. Ainsi, et selon un décompte réalisé par le Cran (Conseil représentatif des associations noires) et Banlieue citoyenne, les premiers partis à présenter le plus grand nombre de candidats noirs, arabes ou asiatiques, ce sont le Modem (6,6 %) et Europe Ecologie les Verts (6,5%). Le PS vient après avec 3,7% et l'UMP vient ensuite avec 2,5% suivi du Front de gauche (2,2%) et, en dernier, le FN (0,5%). Parmi ces candidats de la diversité, Razzy Hammadi, né à Toulon, le 22 février 1979, d'une mère tunisienne et d'un père algérien. Candidat dans la 7ème circonscription de Seine-Saint-Denis, ce socialiste pure souche pourrait bien être l'un des rares candidats issus de la «diversité» à se faire élire même s'il réfute cette étiquette. Alors que beaucoup ont été parachutés dans des circonscriptions perdues d'avance, lui se retrouve dans une circonscription gagnable puisqu'il bénéficie même du soutien de Dominique Voynet. Razzy Hammadi intègre le Parti socialiste en 1998. En 4, 5 ans, avec les socialistes toulonnais, il développe des structures associatives, et réussit à créer des emplois associatifs. En 2002, il prend le choc frontiste de plein fouet et entre au Mouvement des jeunes socialistes (MJS) et en devient le président en 2003. Sous sa présidence, l'organisation passe de 3 000 à 10 000 adhérents en deux années. François Hollande, secrétaire national du Parti Socialiste à l'époque le repère et le nomme en 2008 secrétaire national du PS au service public. En 2008, il accepte d'être candidat à Orly (Val-de-Marne). Avec 5 ou 6 listes de gauche, le combat est perdu d'avance. Il termine loin derrière le maire sortant et le candidat PC. Soutenu par François Hollande et Martine Aubry, Razzy Hammadi lance sa campagne en décembre dernier. Depuis, rien ne lui est épargné. «Dans certaines boîtes aux lettres à consonances francophones dans des quartiers où le FN a fait un bon score, l'équipe du député sortant a déposé des tracts expliquant qu'il ne fallait pas d'Arabes à l'assemblée».