Nouvelle escalade dans les relations déjà sulfureuses entre la Syrie et la Turquie, deux pays voisins qui se regardent depuis plus d'un an en 'chiens de faïence'' depuis le début des manifestations anti-régime et la répression des forces gouvernementales qui s'en est suivie. L'affaire de l'avion militaire turc abattu vendredi par la défense antiaérienne syrienne a pris une autre tournure après les premières conclusions des enquêteurs qui ont établi que l'appareil, un Phantom, a été abattu dans l'espace aérien international et non syrien. Du coup, les relations entre les deux pays, déjà au plus mal, risquent de se raidir. La Turquie, qui a reçu et pris en charge des milliers de réfugiés syriens fuyant les violences, a accusé officiellement hier Damas d'avoir abattu l'avion de combat dans l'espace aérien international et non dans l'espace syrien et a réclamé une réunion de l'Otan. «D'après nos conclusions, notre avion a été abattu dans l'espace aérien international, à 13 milles nautiques de la Syrie», a déclaré le ministre des Affaires étrangères, insistant sur le fait que le F-4 Phantom volait seul, vendredi, et n'avait «aucune mission, y compris de collecte d'informations, au-dessus de la Syrie». M. Davutoglu a cependant reconnu que l'appareil était entré un moment dans l'espace aérien syrien lors de l'incident vendredi. «L'appareil n'a montré aucun signe d'hostilité envers la Syrie et a été abattu 15 minutes environ après avoir violé momentanément l'espace syrien», a-t-il dit. Il a ajouté que les radars turcs ont demandé aux deux pilotes de l'appareil de quitter l'espace syrien, mais qu'aucun avertissement n'est venu de la Syrie. «Les Syriens savaient bien qu'il s'agissait d'un avion militaire turc et la nature de sa mission», a-t-il ajouté, avant de relever qu'ils auraient dû lancer des avertissements, selon les usages militaires. Vendredi soir, la Syrie avait confirmé avoir abattu l'avion de chasse, disparu des écrans radars, affirmant qu'il avait pénétré dans son espace aérien, au-dessus de ses eaux territoriales. Selon Damas, les forces syriennes n'ont découvert qu'après avoir ouvert le feu sur l'appareil qu'il s'agissait d'un avion de l'armée turque. Selon le ministre turc des Affaires étrangères, l'avion effectuait sans armes une mission d'entraînement et de test d'un système radar en Méditerranée. Par ailleurs des équipes de garde-côtes turcs et syriens poursuivaient hier des opérations de recherche conjointes pour sauver les deux pilotes de l'appareil, mais l'espoir de les retrouver vivants est très faible, selon les spécialistes. Selon la presse turque, la Turquie prévoit de riposter essentiellement sur le terrain diplomatique, estimant être en position de force, car même en admettant qu'il y ait eu violation de l'espace aérien syrien, la réponse syrienne ne devait pas être d'abattre l'avion mais de le mettre en garde ou de le forcer à atterrir, selon l'usage militaire. Une source gouvernementale citée par le journal Milliyet précise que la méthode employée par l'armée syrienne contre le F-4 turc est «totalement contraire aux règles d'engagement militaire». Hier, la Turquie a annoncé qu'elle avait demandé une réunion d'urgence de l'Otan, après que son avion militaire a été abattu dans l'espace aérien international au-dessus de la Méditerranée. L'Otan avait ensuite confirmé qu'une réunion du Conseil de l'Atlantique Nord se tiendra mardi à Bruxelles à la demande de la Turquie. «Le Conseil de l'Atlantique Nord se réunira mardi à la demande de la Turquie», a indiqué la porte-parole de l'Otan, Oana Lungescu. Sur le front diplomatique, des réunions de haut niveau se sont tenues samedi à Ankara sous la présidence du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan et de son ministre des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu pour établir les circonstances exactes de cet incident et la riposte à donner à la Syrie. M. Davutoglu s'est entretenu samedi soir au téléphone avec son homologue américain, Hillary Clinton, ainsi qu'avec les chefs de la diplomatie des autres pays membres permanents du Conseil de sécurité de l'Onu (France, Chine, Grande-Bretagne et Russie) ainsi qu'avec ses homologues allemand et iranien, a précisé une source diplomatique. La Turquie pourrait demander à la Syrie de formellement s'excuser et de payer des réparations pour la chute de son F-4 Phantom. De son côté, l'Iran a demandé hier à Ankara et à Damas de faire preuve de «retenue» et 'espère que la question sera réglée pacifiquement par le dialogue et la tolérance et que la stabilité et le calme seront préservés dans la région». Hier, en milieu de journée, la Turquie a annoncé avoir localisé dans les eaux syriennes l'épave du Phantom, mais les avis restent sceptiques sur les chances de survie des deux pilotes, portés disparus.