Des F4 Phantom turcs comme celui abattu par l'aviation syrienne «Ce sont des choses non intentionnelles qui se produisent en raison de la vitesse des avions», a expliqué le président turc, Abdullah Gül. La Turquie a reconnu hier que l'avion de chasse turc abattu la veille par la Syrie a pu violer l'espace aérien de ce pays, dans une note apaisante après ce grave incident qui attise les tensions entre Ankara et Damas et menace de lourdes conséquences internationales. «Quand vous pensez à la vitesse des jets lorsqu'ils volent au-dessus de la mer, il est courant qu'ils passent et repassent les frontières pour un court laps de temps», a déclaré le président turc Abdullah Gül. «Ce sont des choses non intentionnelles qui se produisent en raison de la vitesse des avions», a-t-il souligné. La Turquie a coupé les ponts avec le président Bachar Al Assad, depuis les événements sanglants qui agitent la Syrie, pays voisin de la Turquie sur plus de 900 km. Alors que la presse turque était unanime hier à tirer à boulets rouges contre le régime syrien à cause de cet incident, exigeant qu'il en «paye le prix», le vice-Premier ministre Bülent Arinç a adopté une position modérée. «Nous devons rester calmes. Ne nous laissons pas aller à des déclarations et attitudes de provocation», a-t-il déclaré, cité par l'agence Anatolie. Il a précisé que le F4 turc «accomplissait une mission de reconnaissance-entraînement», et n'était pas armé, espérant que les circonstances de cet incident seraient éclaircies dans les plus brefs délais. Vendredi, Ankara a attendu près de douze heures pour confirmer que l'un de ses F-4 Phantom avait été abattu par la DCA syrienne, excluant la thèse d'un accident. Des recherches étaient en cours hier en Méditerranée, au large de la province turque de Hatay (sud), pour tenter de retrouver les deux pilotes de l'appareil, des opérations auxquelles participe la Syrie, a indiqué le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, qui a tenu une réunion de crise à Ankara. «Après évaluation des données (...), on comprend que notre avion a été abattu par la Syrie», avait annoncé dans la soirée un communiqué de son service de presse. «La Turquie fera connaître son attitude définitive et prendra avec détermination les mesures qui s'imposent quand toute la lumière sera faite sur cet incident», indiquait le communiqué. Des hauts responsables civils et militaires turcs se sont de nouveau réunis hier au ministère des Affaires étrangères. Aucune déclaration n'a été faite au terme de cette réunion. Un porte-parole de l'armée syrienne a confirmé vendredi soir que l'appareil turc avait été abattu «après être entré dans l'espace aérien syrien». Il a ajouté que les radars syriens avaient détecté une «cible non-identifiée» ayant pénétré dans l'espace aérien syrien, à grande vitesse et à basse altitude. Ankara a opté pour la retenue et annoncé attendre les conclusions d'une enquête complète avant de définir sa réponse, afin, selon les observateurs, éviter d'être entraîné dans une confrontation militaire. Et ce alors que la Syrie est au bord de la guerre civile, avec des combats quotidiens entre armée régulière et différents groupes rebelles et mercenaires, après plus d'un an de manifestations anti-gouvernementales. Autrefois partenaire politique et économique de la Syrie, la Turquie réclame aujourd'hui le départ du régime en place. Elle abrite des camps de réfugiés et de déserteurs syriens -dont le chef de l'Armée de déserteurs syriens (ASL) Riad al-Assaad- provoquant l'ire de Damas qui l'accuse d'armer les rebelles. Autant de raisons de redouter que le grave incident aérien ne provoque une dangereuse escalade entre les deux pays voire au-delà, l'un allié de l'Otan et des Etats-Unis, l'autre allié de la Russie et de l'Iran. La Turquie a prévenu récemment qu'elle pourrait invoquer l'article 5 du traité de l'Otan, qui prévoit une action de tous les membres de l'Alliance atlantique, pour protéger sa frontière avec la Syrie, après des tirs des forces syriennes vers le territoire turc. Selon l'analyste Hasan Köni de l'Université Kültür d'Istanbul, en abattant un chasseur turc, la Syrie a peut être voulu faire une démonstration de force avec les armes russes en sa possession, «pour montrer qu'elle n'est pas la Libye», visée en été 2011 par les raids de l'Alliance. «C'est une façon de dire: Gare à vous si vous songez à nous attaquer», a-t-il estimé sur la chaîne privée NTV. L'Otan a plusieurs fois exclu une intervention en Syrie.