Le ministre des Finances, Karim Djoudi, a lancé hier une sévère mise en garde contre les dépenses en hausse constante de l'Etat, et particulièrement les dépenses de fonctionnement, c'est-à-dire celles liées aux salaires. Selon M. Djoudi, «il faut qu'il y ait aujourd'hui une prise de conscience sur le fait que nous avons besoin d'une approche beaucoup plus prudente en matière de dépenses, notamment celles de fonctionnement et surtout celles relatives aux salaires de la Fonction publique où nous avons atteint le plafond». Le constat est alarmant dès lors que l'on appose ces déclarations au seuil actuel du niveau des prix du baril de pétrole, qui a atteint une marge préoccupante à moins de 90 dollars/baril. Or, selon le rapport 2011 de la Banque d'Algérie, le budget ne peut être équilibré en 2012 que dans le cas d'un baril à 110 dollars. Selon un responsable à la Banque d'Algérie, l'équilibre budgétaire de l'Algérie a aujourd'hui besoin d'un prix du brut à plus de 110 dollars/baril. Une chute des cours du brut impliquerait le recours instantané à l'épargne publique, qui est de 5.500 milliards de DA. En fait, «il n'y a pas le feu», a relativisé M. Djoudi dans des déclarations à la presse à la fin de la session de printemps du Parlement, mais la prudence est nécessaire. Pour lui, il s'agit juste d'une approche «prudentielle» en matière de gestion du budget de fonctionnement, car «une forte réduction des dépenses d'investissement impactera alors la croissance économique, l'emploi et les revenus». «Il ne s'agit pas d'une action purement mécanique», a-t-il précisé, mais de «décisions (relatives aux dépenses) que nous pourrions prendre non pas sur un fait ponctuel mais sur la base de nos observations à moyen terme». La pression sur le budget de fonctionnement, et particulièrement le volet salaires des fonctionnaires, sera moindre en 2013, car les rappels au titre des régimes indemnitaires et statuts particuliers ne sont pas renouvelables, a-t-il relevé. L'autre point chaud de la dépense publique sera celle des dépenses d'équipements. Le ministre des Finances a précisé que«les projets en cours continueront d'être financés alors que les financements de nouveaux projets seront étudiés au cas par cas selon les priorités fixées et selon les capacités de financements». Le ministre lance-t-il déjà un message pour préparer l'opinion publique à un resserrement financier drastique dans les principaux secteurs budgétivores ? Le rythme annuel des dépenses d'investissement va baisser, prévient M. Djoudi qui a précisé que l'enveloppe consacrée au plan d'investissement public 2010-2014 a été inscrite à hauteur de 87% depuis le lancement du plan, et il ne restait que 13% du budget quinquennal à allouer. Le même constat a été par ailleurs mis en évidence, dimanche, par la Banque d'Algérie dans son rapport annuel 2011 sur l'économie algérienne: elle a lancé une sérieuse mise en garde contre la poursuite de la hausse des dépenses publiques. «Les dépenses budgétaires ont progressé de 28,3% en 2011 contre 5,2% en 2010, tirées par l'envolée des dépenses de fonctionnement les plus importantes de la décennie ( ), un tel rythme n'est pas soutenable, alors que la vulnérabilité des finances publiques aux chocs externes s'est encore accentuée», précise ce même rapport. Une éventuelle chute des cours du brut à un niveau similaire de celui de 2009 (autour de 60 dollars) conduirait l'Algérie à devoir recourir au Fonds de régulation des recettes (FRR) qui couvrira, le cas échéant, dix ans de déficit budgétaire, a précisé Djamel Benbelkacem, directeur conseiller à la Banque d'Algérie. Les dépenses budgétaires se sont établies en 2011 à 5.731,4 milliards de DA contre 4.466,9 mds DA en 2010, en hausse de 28,3%. Le solde budgétaire réel, basé sur le prix réel du pétrole, affichait un léger déficit estimé à 28 mds DA. A l'international, le ministre des Finances a manifesté ses craintes quant à une poursuite de la crise économique en Europe, tout en laissant entendre que l'Algérie, avec de bons indicateurs économiques, reste à l'abri de ces turbulences. L'épargne publique ou le Fonds de régulation des recettes (FRR) est de 5.500 milliards de dinars, et les réserves de change devraient s'établir à plus de 205 milliards de dollars à fin 2012, selon le FMI. Mais «si la crise financière européenne se confirme, nous serons obligés d'avoir des reports de projets inscrits et une plus grande rigueur dans nos dépenses de fonctionnement», a-t-il affirmé, faisant remarquer, par ailleurs, que le niveau de l'inflation est devenu alarmant.