La Russie est montée au créneau mercredi pour tenter de mettre un peu d'ordre dans la situation autant diplomatique que sécuritaire en Syrie, où les combats font rage depuis six jours à Alep et d'autres villes du pays. Le tollé international né des déclarations d'un officiel du ministère syrien des Affaires étrangères sur la possible utilisation d'armes chimiques par l'armée du régime de Bachar Al Assad dans le cas d'une intervention étrangère, a été quelque peu refroidi hier mercredi par Moscou, l'un des derniers alliés de Damas. Selon le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Guennadi Gatilov, la Syrie a donné des «garanties fermes» à la Russie que ses armes chimiques sont en parfaite sécurité. Il a notamment affirmé à l'agence Itar-Tass que «nous avons reçu des garanties fermes de Damas selon lesquelles la sécurité de ces arsenaux (chimiques, NDLR) est totalement assurée», avant de mettre en garde le régime syrien contre le danger que ces armes ne tombent «aux mains de l'opposition armée» en Syrie. Il a également appelé la Syrie, qui avait ratifié en 1968 le protocole de Genève de 1925 interdisant l'utilisation de gaz étouffants, empoisonnants ou d'autres gaz de ce type, à «respecter ses engagements». De son côté, le ministre russe des Affaires étrangères Serguei Lavrov a dénoncé la démarche adoptée par les Etats-Unis dans la crise syrienne, estimant que les Américains soutiennent directement le terrorisme en Syrie à travers leur soutien à l'opposition. Pour le ministre russe, ce soutien à l'opposition est «une «justification du terrorisme». Au passage, il s'est interrogé sur le silence des officiels à Washington sur l'attentat du 18 juillet contre des généraux proches d'Al Assaad, qui avait décapité le système de la sécurité et du renseignement militaires syriens. «C'est une position assez horrible», a déclaré M. Lavrov en évoquant cet attentat dans lequel plusieurs hauts responsables du régime syrien ont été tués. «Je n'arrive même pas à trouver les mots pour formuler notre position à ce sujet. C'est une justification directe du terrorisme», a-t-il ajouté lors d'une conférence de presse. Lavrov, qui a stigmatisé la position US au Conseil de sécurité de l'ONU, donne une idée claire que se fait Moscou de cette position : «en d'autres termes, cela signifie que «nous» (les Etats-Unis) allons continuer de soutenir de tels actes terroristes aussi longtemps que le Conseil de sécurité ne fera pas ce que nous voulons». Les critiques de la Russie touchent également l'Union européenne, qui avait décidé d'étendre ses sanctions contre la Syrie au transport aérien et maritime, les qualifiant de «blocus». Entre autres, les nouvelles sanctions économiques européennes vont du gel des avoirs à l'obligation de contrôle des navires et aéronefs soupçonnés de transporter des armes à destination de la Syrie. «De fait, les mesures prises par l'Union européenne peuvent être considérées comme un blocus aérien et maritime», a déclaré le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué. Pour la Russie, ce type de sanctions «ne contribuent pas à normaliser la situation en Syrie et ne correspondent ni à la lettre ni à l'esprit du plan de l'émissaire de l'ONU et de la Ligue arabe Kofi Annan». Par ailleurs, les défections de proches du régime continuent avec l'annonce, mercredi, de la défection de la chargée d'affaires syrienne à Chypre, Lamia Hariri, ainsi que son époux, Abdel Latif al-Dabbagh, ambassadeur aux Emirats arabes unis. Le 11 juillet, l'ambassadeur de Syrie en Irak, Nawaf Farès, avait quitté son poste et trouvé refuge au Qatar. Mardi, deux généraux de brigade syriens avaient franchi la frontière pour se réfugier en Turquie. VIOLENTS COMBATS A ALEP A Alep, centre économique de la Syrie avec 2,5 millions d'habitants, au nord du pays, les combats, pour le 6ème jour consécutif, seraient intenses entre l'armée régulière et l'opposition, dont les combattants arrivent par centaines depuis plusieurs régions de Syrie. Selon Rami Abdel Rahmane, président de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), «les rebelles envoient de nombreux combattants à Alep pour combattre le régime, car pour eux Alep est aussi importante que Benghazi pour les opposants libyens à Mouammar Kadhafi. Alep est la capitale du nord et les régions septentrionales sont aux mains des rebelles, donc si cette ville tombe, le régime est fini et les deux adversaires le savent». «Des centaines de rebelles venus de tout le nord de la Syrie arrivent à Alep dans ce qui semble être devenu la bataille décisive», a affirmé le correspondant d'un journal syrien dans la ville. «Une dizaine de quartiers périphériques sont encore aux mains des rebelles et la ville résonne de bombardements et de tirs d'armes automatiques», a-t-il ajouté. Les affrontements se déroulent également dans plusieurs autres villes du pays, devenu un vaste champ de batailles. Enfin, Amnesty International a confirmé mercredi les informations sur des exécutions sommaires perpétrées par les troupes du régime contre les opposants. Selon Ann Harrison, directrice adjointe chargée du Moyen-Orient et l'Afrique du Nord à Amnesty, «un grand nombre de personnes, notamment d'hommes et de jeunes garçons, qui pour la plupart n'étaient pas engagés dans les hostilités, ont été sommairement exécutés par les forces du gouvernement ou les Chabbiha, les fameuses milices pro-gouvernementales» dans le nord de la Syrie. L'organisation dit également vérifier des informations impliquant l'opposition armée dans des «exécutions de membres capturés des forces de sécurité et d'autres exécutions illégales».