Ghaza espérait que le nouveau cours en Egypte pourrait contribuer à lever un blocus inhumain et injuste avalisé et soutenu par le régime de Moubarak. Alors que de timides progrès étaient enregistrés, la ville assiégée se retrouve aujourd'hui, à la faveur d'une attaque terroriste menée par des djihadistes, ineptes et sans doute instrumentalisés, à nouveau coupée du monde, ses accès fermés à double tour. L'armée égyptienne au prétexte que des tirs de mortier auraient été effectués à partir de Ghaza - les responsables palestiniens le démentent mais s'abstiennent de polémiquer sur le sujet - a immédiatement réagi en fermant le point de passage de Rafah. L'armée du maréchal Tantaoui en profite également pour détruire les tunnels qui ont été le seul moyen d'atténuer l'effet du blocus imposé à 1,7 million de personnes. Les Frères musulmans égyptiens ont accusé le Mossad, qui a procédé à l'évacuation ces derniers temps des Israéliens de la zone, d'être derrière cet attentat. La détermination des instigateurs réels est en général impossible dans ce genre de situation. Mais une analyse politique peut, à défaut d'informations, relever à travers une mise en perspective à qui cette étrange attaque profite et qui en souffre. La réponse tombe sous le sens avec l'étau qui se resserre, à nouveau, hermétiquement sur Ghaza et l'isole du reste du monde. Au plan interne, en Egypte, les militaires égyptiens prennent les choses en main et réduisent les politiques élus à faire de la figuration. Les Frères musulmans cherchaient à rompre les liens sécuritaires entre l'armée égyptienne et Israël, ils sont désormais contraints de l'accepter sans mot dire. Ils se sont certes saisis de l'affaire pour redire tout le mal qu'ils pensent des accords de Camp David qui démilitarisent le Sinaï égyptien et le transforment en zone grise. Mais déjà l'armée égyptienne opère dans cette zone avec l'accord, et sous l'égide, des Israéliens qui sont, sans discussion aucune, les grands gagnants de cette attaque meurtrière contre des gardes-frontières égyptiens. Les citoyens-otages de Ghaza sont dans cette affaire les victimes de ce que des journalistes palestiniens ont nommé le «crétinisme politique des islamistes ultras». Il est difficile en effet de ne pas constater que depuis septembre 2001, le courant de «l'alqaïdisation» dessert avec constance et détermination les intérêts des peuples arabes et musulmans. Un courant d'autant plus dangereux qu'il parvient encore à fourvoyer des jeunes fanatisés par le désespoir et l'ignorance dans des actions politiquement absurdes, souvent purement criminelles. Cette survivance tenace de la djahiliyya forme, le constat est d'évidence, une authentique armée de réserve de l'obscurantisme au service de l'impérialisme. L'Egypte qui avait timidement commencé à assouplir les conditions de passage à Rafah réagit, par le biais des militaires, par un raidissement sécuritaire aussi aveugle que brutal. La non-ouverture de passage de Rafah était un signe du maintien d'un statuquo qui se situe à l'opposé du souffle de liberté porté par la Place Tahrir. Les actions d'un crétinisme djihadiste alimenté par le wahhabisme saoudien, ses prédicateurs illuminés et ses pétrodollars fournissent à perte de vue la justification et l'argument imparable aux tenants du système égyptien pour reporter aux calendes grecques l'ouverture totale de Rafah souhaitée par le peuple égyptien.