Au Maroc, ce ne sont pas seulement les «dangereux révolutionnaires» du Mouvement du 20 février qui estiment que le protocole royal de l'allégeance (beia ou moubayaa) est aussi suranné qu'humiliant pour les citoyens marocains. Même dans les monarchies absolutistes du monde arabe, le pouvoir n'a pas besoin de ces signes humiliants de génuflexions, de prosternations collectives pour s'affirmer. Pour eux, ce protocole d'un autre âge n'a pas sa place sous un monarque qui officiellement fait profession de foi de «réforme». Les appels à l'abolition de ce protocole se sont multipliés ces dernières années. Certains ont appelé prudemment à son «assouplissement» pour ne pas froisser le Palais. La plupart ont en ligne de mire le «baisemain» qui est devenu, par exemple dans les forums internet, un incessant objet de moquerie contre les Marocains dans les pugilats absurdes qui les opposent aux internautes algériens. Le baisemain n'est plus en théorie une obligation, il est laissé à l'appréciation du sujet qui est «libre» de le faire ou de s'abstenir. Mais comme il n'y a pas d'abrogation officielle de cette pratique, il est clair que cela n'incite pas ceux dont la carrière dépend de la bienveillance royale à s'abstenir. La cérémonie d'allégeance rassemble tout ce que compte comme responsables au Maroc dont le chef du gouvernement Benkirane. Cette année, la cérémonie d'allégeance n'a pas eu lieu le 31 juillet, comme il est de coutume. Elle a été reportée, pour «cause de Ramadhan», au 22 août. Ce retard a donné lieu à des spéculations sur une éventuelle réforme. Elle a aussi donné lieu à des polémiques entre ceux qui estiment que la cérémonie d'allégeance donne une image passéiste du Maroc et ceux qui s'y disent attachés. La révision purement cosmétique de la Constitution - en dépit des applaudissements hypocrites des Occidentaux - n'augurait en tout cas pas une révision ou une remise en cause d'un protocole destiné à affirmer, de manière constante et régulièrement, l'assujettissement des acteurs au sein de l'Etat et de la société. D'ailleurs, le ministre des Affaires religieuses Ahmed Taoufik a tenu avec insistance à faire référence au Prophète. Cette cérémonie où le roi, à cheval, protégé par une ombrelle, reçoit cette allégeance «renvoie indubitablement au symbole de l'arbre sous lequel le prophète Sidna Mohammed (prière et paix soient sur lui) avait reçu la beia, tel que rapporté dans le Saint Coran», a-t-il déclaré. La réponse royale est venue également sous le style d'un commentaire en «bois» du directeur de l'agence MAP soulignant que la tenue de la cérémonie était une «réponse claire et sans ambiguïté» de la monarchie. «Le Maroc ne cédera rien face aux sirènes d'un changement qui ne correspond pas aux aspirations et aux intérêts réels d'une nation profondément attachée à ses institutions Il ne cédera rien non plus face aux injonctions de groupes minoritaires qui veulent imposer leur point de vue à la majorité. Le processus de transition politique au Maroc vers la démocratie est conduit au Maroc sous le leadership de la monarchie et non pas en confrontation ou en concurrence avec elle». Le roi, ajoute-t-il, est «l'acteur, prépondérant et légitime, qui organise le changement et garantit la transition et pas l'inverse». Le message est dénué d'ambiguïté en effet. Les Marocains devront continuer de lutter pour sortir de l'assujettissement à la citoyenneté.