Le «retrait de confiance » du Maroc à l'encontre de l'émissaire de l'ONU pour le Sahara Occidental, le diplomate américain Christopher Ross, tourne à la bérézina diplomatique. Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a réaffirmé, samedi, au Roi du Maroc en personne, son soutien à son émissaire. Ce soutien, il l'avait déjà clamé le 17 mai dernier, immédiatement après l'annonce par le Maroc de son « retrait de confiance » à l'envoyé spécial coupable, à ses yeux, de trop s'occuper des droits de l'homme au Sahara Occidental. Rabat n'a pas apprécié le rapport de l'ONU présenté le 24 avril au Conseil de sécurité qui consignait un certain nombre de faits. Il mettait en avance les contrôles mis en place par le Maroc pour entraver l'accès des « interlocuteurs locaux» au quartier général de la Minurso à Laayoune, le fait que les communications du QG de la Minurso avec New York (ONU) «aient été compromises occasionnellement», le recours aux « tribunaux militaires ou spéciaux pour juger des civils» sahraouis soupçonnés de violence. Une résolution du Conseil de sécurité avait validé ce rapport en critiquant le comportement de Rabat envers les Casques bleus de l'ONU dans la région et demandait au Maroc «d'améliorer la situation des droits de l'Homme au Sahara occidental». Des constats qui ne justifient pas, selon Ban Ki-Moon, les accusations marocaines contre Christopher Ross d'avoir des positions de «déséquilibrées» et de «partiales». UNE FERMETE QUI MENE A L'IMPASSE Le gouvernement marocain avait affirmé que les «comportements contrastés de M. Ross s'écartent des grandes lignes qui ont été tracées par le Conseil de sécurité». Le Front Polisario avait dénoncé une attitude «arbitraire» et «infondée» du Maroc qui « veut s'arroger sans vergogne le droit de dicter au secrétaire général de l'ONU, le contenu de ses rapports». La fermeté de Ban Ki-Moon a rapidement mis Rabat dans une situation d'impasse. Il y a deux semaines, le chef de la diplomatie marocain, Saad-Eddine Al-Othmani tentait de faire bonne figure en laissant entendre que le secrétaire général de l'ONU, avait besoin d'un «peu de temps» pour admettre la décision marocaine. La réponse est donc venue, transmise directement au roi Mohamed VI à l'occasion d'un entretien téléphonique : les Nations Unies n'ont pas « l'intention de modifier les termes de leur médiation, dont l'objectif est de promouvoir une solution politique au conflit, acceptable par les deux parties». Le communiqué de l'ONU enfonce résolument le clou en indiquant que M.Ban a également «réaffirmé que son émissaire personnel et son nouveau représentant spécial (pour le «Sahara occidental») rempliraient leurs mandats respectifs, en faisant avancer le processus de négociation, en s'efforçant d'améliorer encore les relations algéro-marocaines, et en supervisant les activités de maintien de la paix» dans la région, conformément aux résolutions de l'ONU. Ban Ki-Moon a eu beau saluer «contribution importante» du Maroc aux efforts de paix de l'ONU, c'est tout simplement une douche froide pour le Roi. L'échec diplomatique est patent. C'est un échec du Roi Mohamed VI puisqu'une telle décision de «retrait de confiance» ne pouvait en aucun être prise sans son aval. TRANSFORMER L'ECHEC DU ROI EN CELUI DU VIZIR La diplomatie marocaine semble avoir trop compté sur sa capacité à persuader les «amis» occidentaux de soutenir sa démarche. Le calcul a été totalement erroné, s'agissant des Etats-Unis qui ont soutenu avec force l'américain Christopher Ross. Paris a été plus «conforme» aux attentes du Maroc en appelant à «un règlement rapide du différend» entre Rabat et l'ONU tout en réitérant «son appui au plan d'autonomie marocain». Mais les efforts de Paris pour faire avaliser par l'ONU et les Etats-Unis le «caprice royal» ont été vains. Il semble que la diplomatie marocaine a trop présumé de la capacité du gouvernement français à faire avaliser cette grosse couleuvre. La balle est désormais dans le camp de Rabat qui devra se contraindre à accepter Christopher Ross ou maintenir une situation de crise larvée avec l'ONU. Il ne fait pas de doute que la décision, irréfléchie, de retirer la confiance à l'émissaire de l'ONU est venue du Roi. On le voit mal après ce message clair de Ban Ki-Moon s'entêter dans une attitude de rejet, sachant que Paris n'est plus d'aucun secours dans cette affaire. Le recul du Roi pourrait s'exprimer par le renvoi du ministre des affaires étrangères. Histoire d'essayer de transformer l'échec du Roi en celui du vizir.