Les présidents des clubs professionnels se retrouvent ce mardi 04 septembre pour coordonner leur action. Objet de la colère, l'argent de Sonatrach qui va soutenir quatre SSPA et pas les 29 autres. La décision «venue d'en haut» de remettre le géant pétrolier le nez dans le football a fait quelques heureux, notamment chez le MC Alger. Elle provoque surtout des vagues et même un risque de boycott du championnat. Sans parler de l'incompréhension à l'intérieur de Sonatrach. «C'est un retour pur et simple au socialisme des années Boumediène» a déclaré un chef d'entreprise algérois en lice pour la recapitalisation du MCA en juillet dernier. L'annonce de la venue de Sonatrach comme actionnaire majoritaire «voire à 100%» dans le capital de la SSPA le doyen qui gère le football au MCA a provoqué un séisme sur l'archipel volcanique de la balle ronde en Algérie. Le gouvernement algérien et Sonatrach ont beau apporter des «correctifs» à leurs annonces précédentes, les vagues se lèvent depuis plusieurs semaines. Les présidents des clubs professionnels, elles sont 33 sociétés par actions (SSPA), ont menacé le 27 août dernier de ne pas participer au championnat qui devait démarrer le 11 septembre prochain s'il se confirmait que l'argent du grand groupe pétrolier allait profiter à seulement 04 clubs : le MC Alger, le MC Oran, le CS Constantine, et le JS Saouara nouveau pensionnaire de première division à Béchar dans le sud-ouest algérien. :«Nous avons décidé de ne pas retirer les licences des joueurs la veille du démarrage des championnats». a déclaré un dirigeant de l'ESS, champion d'Algérie la saison dernière. «Il n'y a aucune raison pour que la Sonatrach qui est une entreprise qui appartient à la communauté nationale soutiennent quelques clubs et pas les autres». Les présidents des clubs professionnels se sont donné rendez-vous ce 4 septembre pour donner une suite à leur mouvement de protestation. Entre temps, la communication du ministère de la jeunesse et des sports (MJS) a tenté de calmer le jeu en évoquant une directive en cours de finalisation qui ferait que chaque club professionnel «serait parrainé par une entreprise publique». Un dispositif quasi identique à celui de la fin des années 70 lorsque le secteur privé étant trop faible, le financement du football reposait intégralement sur l'argent public par le canal des entreprises d'Etat. Deux ans après le lancement à la hussarde du professionnalisme dans le football en mai 2010 dans l'euphorie de la participation de l'équipe nationale à la coupe du monde en Afrique du sud, la machine arrière est engagée. Les investisseurs privés sont venus en trop petit nombre dans les clubs de football. Les bilans financiers des deux premiers exercices sont désastreux. L'Etat veut reprendre la main pour éviter la paralysie. Et pour cela il a lancé comme toujours son mastodonte pétrolier. Sans réfléchir. UNE DECISION VENUE «D'EN HAUT» C'est une décision «sans délibérations» à la mi-juin qui a tout précipité. Un conseil interministériel exécute une orientation de la Présidence de la république : faire revenir Sonatrach au MC Alger. Pas comme sponsor principal, mais comme propriétaire. La nouvelle se diffuse à partir d'Ifrane au Maroc où se trouve en stage avec ses athlètes, Amar Brahmia Conseiller du PDG de Sonatrach pour le sport. Le contexte est alors des plus tendu. Tous les jours des attroupements occupent le cœur de Bab El Oued pour exiger le départ des propriétaires du club le plus populaire du pays, le MCA. Avec 125 millions de dettes sur l'exercice 2011, la société par action qui gère le football est en route vers la liquidation. Le dernier candidat à la reprise du club le franco-algérien Eddir Loungar est éconduit. Plusieurs cadres de l'équipe passent à «l'ennemi» voisin, l'USMA. La chaine privée En Nahar TV est envahie par des supporters qui exigent le départ d'Omar Ghrib, l'homme fort du conseil d'administration, et de ses amis. Le gouvernement va donc recourir à l'argent des entreprises publiques pour calmer la rue. La maitrise des annonces est cataclysmique. Le PDG de Sonatrach Abdelhamid Zerguine multiplie les déclarations contradictoires sur comment il compte amener son entreprise dans le capital du MCA. Puis, face à la montée d'une lame de protestations, il étend l'implication de son groupe à trois autres sociétés par actions du football. Naftal se rapprocherait du MC Oran, Tassili Airlines du CS Constantine, et Enafor de la JS Saoura (Béchar). Loin de calmer le mécontentement des recalés de l'argent des entreprises publiques, l'annonce radicalise la contestation. Le ministère de la jeunesse et des sports est alors arrivé à la rescousse en exhumant le schéma de la réforme de la fin des années 70 avec une entreprise publique par club de l'élite. «Entre l'annonce et la mise en œuvre il y'a un océan», constate un dirigeant de l'USMBA (Sidi Bel Abbes), anciennement soutenue par ENIE le leader public de l'électronique dans les années 80. «ENIE est totalement déstructurée et ne veut surtout pas entendre parler de devenir actionnaires d'un club de football». Le principal actionnaire de ce club de l'Ouest revenu en première division en mai dernier après 18 années de purgatoire, est l'un des frères Hasnaoui du puissant groupe Eponyme. «Cette arrivée progressive des investisseurs privés dans le football, l'Etat n'a pas su l'accélérer. Aujourd'hui il nous dit presque, même dans le football je n'ai pas besoin de vous» commente dépité, le candidat investisseur au MC Alger. SI TASSILI AIRLINES POUVAIT FAIRE DU CSC UN CHAMPION Le retour de Sonatrach comme acteur patrimonial dans le football n'a bien sur pas que des adversaires. Ceux qui, au MCA d'abord, vont en profiter se sont organisés pour l'accueillir. Le club sportif civil (CSA) a élu, mi-août, Amar Brahmia, un produit du mariage historique entre le club et le pétrolier, à sa tête avec un bureau consensuel réunissant presque toutes les tendances de l'assemblée générale. Première mission, réussir la fusion entre le GSP et le MCA dans le sport hors football. En 2008, l'ancien ministre de l'énergie et des mines, Chakib Khelil, avait enlevé 16 sections sportives du MC Alger pour les transférer à Sonatrach sous l'appellation peu inspirée de Groupement sportif pétrolier (GSP). Prétexte, c'est Sonatrach qui était bailleur de fonds quasi unique de l'omnisport au MC Alger. Le GSP a perdu l'ancrage populaire et le prestige historique du MC Alger, et ses sociétaires, les sportifs, n'ont pas caché leur spleen d'évoluer dans l'indifférence générale. Mais, si le retour des disciplines olympiques sous l'enseigne du MCA parait bien engagé avec le CSA présidé par Amar Brahmia, l'arrivée de Sonatrach dans l'actionnariat de la SSPA du football MCA est une autre histoire. Personne ne veut réellement d'une main mise de Sonatrach sur le football. Ni au MC Alger ni ailleurs. Un actionnaire de référence tout au plus. La gestion de la compagnie pétrolière est réputée peu efficace dans les métiers lointains des champs du Sahara. Entre 1978 et 2011, période où elle a géré le football au Mouloudia Pétrolier d'Alger (MPA), Sonatrach a obtenu seulement deux titres de champion d'Algérie en 23 ans. C'est ce qui fait dire à Ahmed Yahlaoui un commerçant constantinois «si tu dis à un supporter vert et noir que Tassili Airlines va faire du CSC un grand club de football, il te rit au nez». Sonatrach compterait apporter un milliard de dinars de capital social au MC Alger en 2012-2013