Il y a près d'une année (3 novembre 2011), dans ces colonnes, exerçant notre droit à l'expression sans contrainte, on avait écrit que Charlie Hebdo était une publication excrémentielle. Il n'y a rien à modifier à ce constat. Il reste, encore une fois, à espérer que les musulmans ne cèdent pas à l'émotion devant une nouvelle provocation, se bouchent le nez et passent leur chemin. Il n'y a rien d'autre de plus à dire sur ce nouveau coup de pub de la bande de petites frappes réacs et racistes qui anime Charlie Hebdo. On ne va pas revenir sur la relativité de la liberté d'expression dans les pays d'Occident Quant à la caricature, exercice historiquement complexe, on se souvient que les nazis avaient d'excellents dessinateurs. On sait où cela a mené l'Europe de la Civilisation. Pas plus qu'on ne reviendra sur le fait que Charlie Hebdo est, en terme de ligne, un journal néoconservateur, réactionnaire et opportuniste. Son impertinence post-soixante-huitarde, très convenue, ne sort pas du cadre de l'idéologie dominante et derrière la modernité des mœurs et de ton, il défend un ordre social conservateur qui a besoin, en temps de crise, de trouver les boucs émissaires commodes. Pour le reste, il faut se faire une raison, le journal ne pouvait pas résister à l'opportunité de se faire de la pub quitte à mettre dans l'embarras des officiels, au fond satisfaits que l'on parle d'autre chose que de la crise économique. En réalité, il ne faut pas discuter du caractère «absolu» de la liberté d'expression - même si on n'a pas le droit de tout dire - en Occident et même si beaucoup n'ont aucun accès à l'expression. C'est un combat perdu d'avance, la liberté de s'exprimer étant toujours - et à juste titre - préférable à la censure et à l'autocensure. Dans ce domaine, il vaut mieux discuter avec les Occidentaux des tabous et des limites qu'ils imposent à la liberté d'expression plutôt que de leur demander de censurer ou d'interdire. La partie est perdue d'avance si on part de l'idée qu'il faut limiter l'expression alors qu'il faut, au contraire, défendre son élargissement, chez nous bien sûr, mais aussi chez eux Tout le monde ne s'exprime pas comme il veut en Occident, c'est un fait, même si les interdits et les bâillons sont plus habilement institués. Il y a suffisamment de travail documenté sur le fonctionnement de plus en plus encadré des médias en Occident, sur la fonction centrale de chiens de garde, pour que la contradiction soit portée, non au nom de la défense du sacré, mais au nom du caractère présumé universel du droit à l'expression. On ne doit pas se tromper de controverse. Il faut empêcher les plus bruyants dans le monde musulman - et qui ne sont pas les plus pertinents - de décider de nos indignations et de la manière dont elles doivent être exprimées. Il faut cesser de réagir de manière pavlovienne aux stimulations des médias «libres» d'Occident et d'être prévisible. Il faut savoir manier l'arme du mépris, être capable de suggérer le bruit de chasse d'eau que l'on tire derrière les déjections de vulgaires folliculaires Aucun journal ne pourra entacher l'image du Prophète de l'Islam aux yeux des musulmans, ce ne sont pas les caricatures ou les crachats de quelques racistes qui pourraient l'atteindre. Il n'y a pas à s'inquiéter pour le Prophète et nous le savons tous. Ce dont il faut s'inquiéter, encore et toujours, c'est plutôt la propension d'une frange, minoritaire, des musulmans à sauter sur l'occasion pour créer l'esclandre dont les seuls bénéficiaires sont les petites frappes du monde de l'imposture qui posent aux chantres de la liberté. Il faut apprendre la dérision et faire l'éloge de la réponse par le mépris. Et laisser ceux qui baignent dans les fosses septiques mourir de leur propre poison.