En Egypte, le président Mohamed Morsi a apparemment renoncé à se montrer intransigeant aux exigences de l'opposition qui réclame l'abrogation du décret présidentiel lui ayant octroyé les pleins pouvoirs et le report du référendum sur le projet de la nouvelle Constitution du pays. Il a en effet fait annoncer par son vice-président qu'il serait disposé sous certaines «conditions» à reculer la date du référendum. L'opposition qui s'est refusée à tout dialogue avec lui tant que ses deux revendications n'ont pas été satisfaites, refuse de se contenter de l'hypothétique promesse présidentielle. Loin donc d'avoir baissé après le discours à la nation prononcé par Mohamed Morsi, la tension politique en Egypte est encore montée d'un cran faisant craindre de nouveaux affrontements sanglants entre pro et anti-Morsi. Une crainte qui a fait réagir l'institution militaire égyptienne qui a fait savoir qu'elle ne « tolérerait pas » la réédition d'incidents de rue violents, tout en affirmant que les militaires n'interviendront pas contre le peuple. L'éventualité d'un « arbitrage » de l'armée dans leur conflit est redoutée autant par le camp des pro-Morsi que celui de ses opposants. Les premiers savent qu'un retour ainsi sur la scène politique des militaires se conclura inévitablement par l'amoindrissement des pouvoirs que leur « héros » était parvenu à leur arracher dans la foulée de son élection en juin dernier. Pour le camp de l'opposition, ce retour serait celui d'une force qui ne partage pas les revendications qui ont été l'âme de la révolte anti-Moubarak et dont elle a grandement contribué à les faire avorter. La question est donc de savoir si les deux camps vont parvenir à s'entendre tacitement pour éviter que ne se crée en Egypte une situation qui rende inévitable l'intervention des militaires. L'évolution des événements dans les deux camps antagonistes rend ce sursaut aléatoire. Les extrémistes des deux bords semblent effectivement déterminés à en découdre. Les jeunes activistes du «6 Avril» se sont pris à rêver à l'accomplissement d'une révolution dont ils ont été frustrés. Ceux de la confrérie des Frères musulmans sont déterminés à protéger le pouvoir qui avec Morsi projette de réaliser leur « idéal sociétal ». C'est dire que ces acteurs de la crise politique égyptienne sont difficilement contrôlables car réfractaires aux compromis que la classe politique égyptienne est susceptible d'accepter pour éviter « le pire » au pays. En cas d'aggravation de la situation prévisible au cas où Morsi et l'opposition persisteront à camper sur leurs positions, les partenaires stratégiques de l'Egypte ne verront pas d'un mauvais œil un retour « provisoire » de l'armée avec une feuille de route qui sauvegarderait l'apparence d'un projet « démocratique » pour l'Egypte post-Moubarak. Ainsi, l'armée en s'interposant entre les deux camps pourrait se prévaloir de sa position pour obtenir de Morsi et de ses adversaires qu'ils engagent un dialogue national pour la recherche d'une solution de sortie à la crise politique et du même coup redorer son blason passablement terni dans l'opinion égyptienne par les manœuvres tout sauf subtiles auxquelles a eu recours le fameux Conseil suprême des forces armées que présidait le maréchal Tantaoui. Mais un tel scénario peut-il être dans l'esprit d'une caste militaire dont les membres s'estiment avoir été humiliés et frustrés par les événements dont l'Egypte a été le théâtre et ont conduit à la chute du régime Moubarak puis à l'élection d'un président issu de la confrérie des Frères musulmans ? Beaucoup d'entre eux ne pensent en effet qu'à solder leur compte avec les acteurs qui les ont rendus possibles.