Jeudi au soir d'une journée durant laquelle se sont produits de sanglants affrontements place Tahrir au Caire entre pro et anti-Mohamed Morsi, le président égyptien a adressé un discours à la nation pour tenter de calmer la tension politique provoquée dans le pays par la promulgation du décret présidentiel lui conférant les pleins pouvoirs, exécutif, judiciaire et législatif, et plaçant ses décisions ainsi que la contestée commission constituante à l'abri de tout recours en justice. Il n'y est pas parvenu car il est resté « droit dans ses bottes » et a exclu de procéder à l'abrogation du controversé décret et au report du référendum sur le projet de nouvelle Constitution égyptienne ainsi que l'exigent l'opposition et les manifestants de la place Tahrir. Depuis son élection en juin, Mohamed Morsi a fait la preuve de sa détermination contre les oppositions qu'il rencontre. Contre les militaires d'abord qui ont voulu limiter ses prérogatives présidentielles, puis contre les institutions judiciaires qui refusaient son ingérence dans leur fonctionnement et décisions. Dans les deux cas, il a fait preuve d'une habileté manœuvrière qui a étonné tant il a été présenté comme en étant dépourvu. Face à ses opposants qui entretiennent place Tahrir depuis le 22 novembre la contestation contre son décret présidentiel controversé, Morsi use également de la manœuvre. Dans son discours à la nation, il a en effet essayé de dissocier le peuple de ces opposants en laissant entendre que les violences dont la place Tahrir a été le théâtre sont le fait de provocateurs ayant partie liée avec des représentants du régime déchu. Mais il a surtout voulu « enfariner » l'opposition en lui proposant de prendre part ce samedi à un dialogue national sans qu'il soit question pour lui d'abroger le décret présidentiel contesté et de surseoir à l'organisation la semaine prochaine du référendum constitutionnel ainsi qu'exigé par elle et les manifestants de la place Tahrir. Son appel au « dialogue » a été lancé avec pour visée de diviser les rangs de ses opposants dont certains pourraient effectivement accepter le principe. Mais c'est plus à destination des partenaires principaux étrangers de l'Egypte dont les Etats-Unis son allié stratégique que Morsi a pensé en lançant son appel au « dialogue national ». En se montrant inflexible sur les exigences de l'opposition tout en se déclarant ouvert au dialogue avec elle, le président égyptien veut convaincre ces partenaires étrangers de l'Egypte qu'il fait siens les « conseils » d'ouverture et de dialogue qu'ils prodiguent en tant que démarche en vue de la résolution de la crise politique égyptienne. Partenaires dont il escompte le soutien au cas probable où l'opposition refusera de s'associer à un dialogue dont les dés sont pipés dès lors qu'il a refusé de faire marche arrière sur un processus engagé par lui et ses partisans islamistes consistant à faire passer en force leur projet de société qui effraie une bonne moitié du peuple égyptien. Derrière des apparences palatines et de trompeuses promesses de réaliser les objectifs de la « révolution de la place Tahrir », le président Morsi avance impitoyablement vers l'instauration d'un ordre politique tout aussi antidémocratique que celui déchu de la période Moubarak. Même au prix de la violence à laquelle ses soutiens membres de la confrérie des Frères musulmans n'ont pas hésité de recourir contre les manifestants de la place Tahrir. Dans le face-à-face qui a lieu en Egypte, l'opposition n'a pour atout que l'adhésion populaire à sa contestation dont elle perdrait le bénéfice en se confrontant dans la dispersion au pouvoir des Frères musulmans qui est en train de phagocyter l'Etat égyptien et ses institutions.