Des milliers d'Egyptiens sont descendus dans les rues du Caire et d'Alexandrie vendredi pour protester contre l'armée au pouvoir, après que des heurts meurtriers près du ministère de la Défense mercredi eurent fait monter la tension à l'approche de la présidentielle. Au Caire, les manifestants se sont rassemblés sur la place Tahrir dans le centre-ville, ainsi qu'un peu plus loin, dans le quartier d'Abbassiya, à proximité du ministère. L'armée, qui a émis jeudi de fermes avertissements de ne pas menacer les bâtiments militaires, a déployé des troupes et installé des barrages de barbelés pour protéger le bâtiment. Ces manifestations sont soutenues par plusieurs mouvements pro-démocratie ainsi que par des organisations islamistes comme les Frères musulmans, première force politique du pays. Une manifestation a également eu lieu à Alexandrie (nord), deuxième ville du pays et fief islamiste, a constaté un photographe. L'Egypte a déjà connu de nombreuses manifestations, parfois meurtrières, contre le pouvoir militaire depuis la chute de M. Moubarak en février 2011 et la prise de contrôle du pays par le Conseil suprême des forces armées (CSFA). Mercredi, des affrontements entre des manifestants réunis à proximité du ministère de la Défense et des assaillants en civil ont fait 9 morts selon les autorités, vingt selon des sources médicales. De nombreux manifestants venus défiler vendredi exprimaient la crainte de voir l'armée manipuler l'élection présidentielle historique dont le premier tour est prévu les 23 et 24 mai. «Nous ne voulons plus du CSFA, nous ne lui faisons pas confiance, il suit l'exemple de Moubarak », affirmait Mohammed Badawi, membre de la «Coalition des jeunes de la révolution », venu de la ville d'Ismaïliya, sur le canal de Suez, pour manifester dans la capitale. Un manifestant originaire de Mansourah, dans le delta du Nil, Ahmed Gamal, redoute de voir les élections «truquées ». « Après la révolution, nous aurions dû avoir une commission électorale intègre. A la place, nous en avons une corrompue », affirme-t-il. Treize candidats sont en compétition, après que dix autres aient vu leur candidature invalidée. Le Conseil suprême des forces armées, qui dirige le pays, a promis jeudi que cette élection serait «100% honnête et transparente » et rappelé son engagement de revenir à un pouvoir civil avant la fin juin, dès que le nouveau chef de l'Etat aura été élu. «Nous sommes engagés à assurer des élections 100% honnêtes », a déclaré le général Mohammed al-Assar, membre du Conseil militaire, lors d'une conférence de presse. «La transparence de l'élection ne fait pas de doute », a-t-il ajouté. « Nous ne soutenons aucun candidat », a-t-il aussi déclaré, en assurant «qu'il n'y aura pas de falsification de la volonté du peuple de nouveau », en allusion aux pratiques du temps de M. Moubarak. Le CSFA a dans le même temps fermement prévenu qu'il ne tolèrerait aucune atteinte aux bâtiments de l'armée, «qui sont un symbole de l'honneur militaire et du prestige de la nation ». Deux des principaux candidats sont des anciens du régime de Hosni Moubarak: l'ex-ministre des Affaires étrangères et ancien chef de la Ligue arabe Amr Moussa, et le dernier Premier ministre du régime déchu Ahmad Chafiq. Le camp islamiste est principalement représenté par un candidat des Frères musulmans, Mohammed Morsi, et un dissident de la confrérie, Abdel Moneim Aboul Foutouh, soutenu par un large éventail politique allant des salafistes à des jeunes militants pro-démocratie.