Le président François Hollande pense qu'il est aujourd'hui possible de construire une relation politique et économique sereine parce que les deux pays ont un nouvel âge, 50 ans après l'indépendance de l'Algérie du joug colonial français. C'est dans ses propos liminaires à la conférence de presse qu'il a animée, hier à l'hôtel Sheraton d'Alger, que le président français a évoqué ce «nouvel âge, 50 ans après l'indépendance de l'Algérie». Il estime que son voyage en Algérie devrait être «un aboutissement mais aussi comme un nouvel âge que je voudrais engager avec l'Algérie, 50 ans après». Il remerciera le président de la République ainsi que le peuple algérien pour le chaleureux accueil et de l'hospitalité qu'ils lui ont réservé. Il saluera aussi «le travail remarquable que les deux gouvernements ont fait». Le «bon nombre d'accords qui seront signés entre les deux pays ont, a-t-il dit, «un sens, celui d'améliorer notre coopération mais ce que je veux définir, c'est un partenariat d'égal à égal». Il a annoncé la signature d'un pacte d'amitié au lieu d'un traité qui aurait poussé, selon lui, à un grand nombre d'interrogations de part et d'autre alors que le pacte est bien plus approprié. Pacte qui, indique-t-il, «devra préparer un autre document-cadre de partenariat sur 5 ans en économie, agriculture, santé, industrie, même de défense ( )». Il pense qu'il est possible d'améliorer la relation de la France avec l'Algérie parce que «nous avons des liens humains, économiques, culturels que nous devons amplifier». Il reconnaît qu'il y a «une vérité à dire sur le passé mais je pense surtout qu'il y a une volonté à prononcer sur l'avenir non seulement parce qu'une page se tourne mais il faudrait qu'on en écrive bien d'autres». Il qualifie la décision de Renault de construire une usine en Algérie d'importante, «pas seulement pour l'Algérie mais aussi pour le continent parce que c'est un projet de coproduction, c'est-à-dire une capacité à pouvoir faire que ce qui va être produit ici serve aux Algériens, et ce que nous pourrons également donner comme apport, encadrement, comme technologie, voire comme produit semi-fini serve aussi à l'Algérie et à la France». LES AFRICAINS SONT LES SEULS A POUVOIR DECIDER Pour ce qui est des conflits dans le monde, Hollande dira que «nous avons également une responsabilité, la France et l'Algérie, nous sommes deux pays respectés dans le monde avec des principes pour la politique extérieure, qui nous réunissent». Il dira en premier à propos de ce qui se passe en Syrie «de faire en sorte qu'on puisse aboutir à une transition politique, que nous puissions lutter contre la prolifération nucléaire mais surtout lutter contre le terrorisme dont l'Algérie a suffisamment souffert ( )». Il estime qu'aujourd'hui «un terrorisme s'est installé pas uniquement au Mali et avec une confusion avec un trafic de drogue et un trafic d'armes». Il déclare qu'à partir de là, «nous voulons soutenir tous les efforts de la communauté internationale mais aussi du Mali pour lutter contre ce terrorisme et préserver son intégrité territoriale». Il affirme alors que «nous sommes en convergence avec le Président Bouteflika, lui et moi, nous pensons qu'il convient de faire du dialogue politique, de faire tout pour que les négociations puissent permettre au Mali de recouvrer son intégrité territoriale mais uniquement avec les mouvements ou les forces qui se séparent du terrorisme par la lutte directement contre le terrorisme». Il ajoute que «nous sommes avec le gouvernement malien et l'armée du Mali pour permettre la réunification du pays». Il fait savoir que «la France est partie prenante de l'initiative qui va conduire le Conseil de sécurité à prendre une résolution qui ouvrira la possibilité aux Africains d'intervenir aux côtés des Maliens pour les aider à retrouver la stabilité et l'unité. Ce sont les Africains qui sont les seuls à pouvoir décider à mettre en œuvre même si la France, l'a à plusieurs fois affirmé, aura à donner son appui logistique et d'informations». Il continue sur le Mali en estimant que «l'Algérie joue un rôle très important à la fois pour lutter contre le terrorisme mais aussi pour favoriser la négociation politique inséparable donc de ce que nous avons à faire sur le plan sécuritaire». Il dira aussi que «nous n'accepterons pas qu'Aqmi s'installe au Mali mais l'intervention militaire, ce n'est pas la France qui la décide, c'est le Conseil de sécurité». Il terminera son préambule en faisant savoir que «je suis venu avec une délégation importante composée à la fois de responsables politiques non seulement ceux qui sont membres du gouvernement mais d'autres soit par leur histoire liée à l'Algérie soit par leur responsabilité, notamment Jean-Pierre Raffarin ( ), des élus locaux qui ont des liens avec l'Algérie, des coopérations, des jumelages, je suis venu avec des responsables économiques très importants, des chefs d'entreprises, de grandes mais aussi des petites, et les plus grandes qui sont conscientes qu'ici en Algérie, il y a des potentiels considérables mais à condition d'être les meilleures dans beaucoup de domaines, télécommunications, infrastructures, énergie, l'automobile, mais nous ne demandons rien, nous ne demandons aucune faveur, ce n'est pas parce que nous avons une relation d'amitié que nous aurons des privilèges, nous voulons simplement être au service de l'économie algérienne de la même manière que nous espérons que les Algériens peuvent être au service de notre propre économie, nous en avons besoin, nous avons à mener des politiques ensemble sur (autour de) la Méditerranée». Une délégation composée de personnalités culturelles et artistiques l'accompagne aussi dans son voyage qui, dit-il, «peuvent avoir des amitiés ici en Algérie où qui aident, c'est aussi un symbole de savoir qui m'accompagne». Il estime qu'il y a «tant de personnes qui sont intéressées par ce qui se passe en Algérie, parce que nous pouvons construire ensemble, par ce nouvel âge, il y a d'abord les Algériens eux-mêmes, il y a aussi beaucoup de Français qui ont avec l'Algérie une relation humaine, singulière, particulière, parfois douloureuse parce que justement il y a cette relation exceptionnelle que nous devons faire un partenariat d'égal à égal». VERITE SUR LE PASSE «Nous avons à définir des relations d'avenir, nous sommes là pour préparer l'avenir qui dépend du présent à régler des sources de conflit qui existent, nous avons à faire ensemble qu'il n'y ait pas de tension entre les pays du Maghreb, nous avons à porter une politique qui sur bien des points est commune». De par «notre propre histoire, la France et l'Algérie ont une responsabilité commune pour la Méditerranée». Ce qui le ramène à l'Union pour la Méditerranée pour noter que «l'idée doit être retenue mais elle doit être repensée, la France et l'Algérie doivent être si je puis dire des moteurs, donc nous allons y travailler». Il estime qu' «il y a des âges qui ne sont plus les mêmes, après 50 ans, il est nécessaire d'ouvrir une nouvelle page, il y a tellement de besoins, de ressources, de volonté d'agir ensemble que nous devons faire davantage que nous avons fait jusqu'à présent. Hollande affirme qu'il s'accorde avec Bouteflika sur le fait que le diplomate Lakhdar Brahimi doit chercher des solutions pour la transition en Syrie. Cependant «sur la coalition que nous avons reconnu, là il y a une différence (avec le président Bouteflika), et je la respecte, mais nous avons considéré dès lors que nous souhaitions une transition, qu'il y ait bien un interlocuteur légitime qui représente la Syrie de demain, c'est le choix que nous avons fait.» A propos d'un «printemps arabe» en Algérie, il dira que «je n'ai pas à me mêler des affaires internes «mais les Algériens disent qu'ils l'ont vécu il y a longtemps.» Il ajoutera encore «vous avez vu ce pays ce qu'il a traversé comme épreuves, un terrorisme qui a fait nombre de victimes, après un processus de réconciliation, de reconstruction et de rénovation, je pense que le parlement algérien va bientôt être saisi de la dernière étape de la révision constitutionnelle.» Il soulignera encore «je veux saluer le courage des Algériens dans ce qui s'est produit dans toutes ces années et la manière avec laquelle ils ont réussi à rester unis.» La repentance ? «Les autorités algériennes nous disent, nous vous faisons confiance, c'est à vous de trouver les formes et les mots, moi, j'ai toujours été clair sur cette question : vérité sur le passé, vérité sur la colonisation, vérité sur la guerre avec ses drames, ses tragédies, vérité sur les mémoires blessées, mais en même temps volonté de faire que le passé ne nous empêche pas, au contraire, de faire le travail pour l'avenir. Le passé dès lors qu'il est reconnu, doit nous permettre d'aller beaucoup plus vite et beaucoup plus loin pour préparer l'avenir.» Les moines de Tibhirine ? «J'en ai parlé avec le président Bouteflika, ce sujet fait partie de la sensibilité qui est forte compte tenu de la tragédie, il m'a dit qu'il avait donné toutes les instructions autant qu'il est possible, à la justice d'aller au bout de l'enquête.» Autopsie alors ? «La réponse on ne peut plus claire, c'est à la justice algérienne avec la justice française de faire toute la lumière sur ce qui s'est produit,» affirme-t-il A propos des essais nucléaires français en Algérie, il répond : «la loi de 2010 qui prévoit une indemnisation des victimes, elle doit être appliquée pleinement et s'il apparaît qu'il y a des conditions qui ne permettent pas aux victimes de ne pas avoir leurs droits, nous regarderons comment faire. Je veux que cette loi soit pleinement appliquée.» Pour ce qui est de la détermination des sites contaminés dans le Sahara algérien et leur décontamination, le président français affirme que «les démarches sont engagées et elles se poursuivent et il va falloir la transparence, c'est le principe que j'ai posé.» Pour la veuve de Maurice Audin, il a déclaré avoir «tant souhaité avoir ce moment de recueillement, et j'ai demandé au ministre de la défense de rencontrer la veuve de Maurice Audin, pour que toutes les informations que nous recevrons doivent lui être communiquées dans la transparence.» VISAS ET DIGNITE Accord 68 ? «c'est l'accord sur les visas, on ne savait pas dans quel le sens le réviser, plus restrictif ? ce n'est pas la position de l'Algérie, plus ouvert ? ce n'est pas forcément la position de la France, donc, nous nous sommes dit c'est un bon accord, et on peut améliorer son exécution, c'est ce que les deux ministres de l'intérieur ont convenu de faire, aller plus vite, être plus respectueux, traiter avec toute la diligence nécessaire sur le plan administratif dans les consulats les demandes de visas. Il a déclaré «la dignité, ce mot clé qui doit définir nos deux peuples, la reconnaissance, nous avons des mémoires mais nous avons aussi des vies. Ce sera l'esprit de l'application de l'accord de 68.» Il est d'accord que la réalisation de l'UPM oblige à des préalables, le règlement du conflit israélo-arabe et celui du Sahara Occidental, «il faut y travailler,» a-t-il dit. Pour ce qui est de Renault, il affirme que «l'Etat français est actionnaire, nous n'avons pas eu besoin de faire pression parce que c'est un bon projet pour l'Algérie, pour Renault, et pour la France, les véhicules ne vont pas être destinés qu'au marché algérien, et ce n'est pas une délocalisation, on ramène de l'emploi en France parce qu'une partie des approvisionnements viendra de France.» Un fonds souverain algérien pour investir en France ? «Tous les fonds sont les bienvenus, c'est aux Algériens de décider de venir investir en France.» Circulation des personnes et la réussite des franco-algériens en France ? «C'est une chance formidable pour nos deux pays, il y a un enrichissement et non une perte d'identité ( ) ; l'accord de 68 est restrictif parce qu'il vise à maîtriser mais il l'est moins que d'autres accords, c'est une question d'application, ce qui est insupportable c'est d'attendre très longtemps ou de ne pas pouvoir avoir des visas pour de brefs séjours ( ), c'est ça qui doit être appliqué avec discernement et avec respect. Et je crois que c'était mieux de ne pas changer l'accord parce que si on l'avait fait, il y aurait toute sorte d'interprétations ( ).» Des signes, des mots, des gestes pour ce qui est de la mémoire ? «J'ai invité le président Bouteflika à venir en France au moment où il sera possible pour lui de le faire, il pourra s'adresser aussi à la France. Moi, je m'adresse aujourd'hui aux deux, pour dire que je suis lucide sur le passé, mais pour dire surtout que je suis désireux de faire avancer les deux pays, donner un nouvel élan.» Sur les droits de l'homme, il dira que«je recevrai (aujourd'hui ndlr) la société civile, les jeunes, je serai devant le parlement, donc des choses seront dites, mais je ne viens pas donner des leçons ( ).» Il saluera «la presse algérienne libre et indépendante pour l'être restée pendant les périodes éprouvantes de l'histoire de l'Algérie.» Pourquoi l'Algérie en premier ? «Parce que j'ai voulu commencer par l'Algérie. Aussi pour des raisons du 50 ème anniversaire, nous avons tenu à être là pour dire que nous avons des choses à faire ensemble et aussi j'ai moi-même des relations personnelles avec l'Algérie ( ).» Il annonce sa visite au Maroc au début de l'année prochaine et aussi pour la Tunisie.