Redevabilité ! Le terme qui peut se définir comme étant une «obligation de rendre compte de l'exercice d'une responsabilité» fait partie du lexique civique pour ne pas dire politique qui semble «effrayant» - que le groupe Nabni met en avant dans des propositions-alertes pour éviter un naufrage corps et bien du bateau Algérie. A Meftah, ville-village où est implantée une importante cimenterie, les habitants auraient bien aimé trouver quelqu'un qui se sente suffisamment «redevable» pour leur expliquer pourquoi ils sont sans eau depuis trois semaines. Suffisamment «redevable» pour proposer des solutions alternatives (distribution d'eau par camion citerne par exemple en attendant que le problème très récurrent soit résolu) à des habitants forcés à la débrouille. Suffisamment redevable pour s'inquiéter de la rage silencieuse qui est entrain de s'emparer des gens. Les habitants traduisent les choses simplement : la ville est près d'Alger sans en être et elle est administrativement dépendante de Blida qui se trouve très loin. Personne n'est donc vraiment redevable. Avec beaucoup d'humour noir, les habitants qui n'ont pour s'occuper que des cafés et une salle de sports toujours pleine de jeunes apprentis judokas sont désormais conviés à s'amuser au jeu épanouissant de la quête de l'eau. Difficile dès lors de croire que la redevabilité et les autres idées de Nabni ne sont pas politiques. Elles le sont. En Algérie, avoir des idées est nécessairement politique. Cela va à l'encontre de la désertification en marche que de défendre des idées et des libertés qui ne peuvent qu'être fécondes. En attendant, c'est un désert où l'on s'ennuie ferme. Alger, comme les autres villes du pays, suinte le «digoutage» national. Le «loisir», activité économique rentable, créatrice d'emplois et apaisante, est le cadet des soucis. Il faut aller «ailleurs» pour dépenser. Voir un film dans un cinéma, plus personne ou presque n'y pense. Le théâtre, c'est épisodique. On est «sérieux» en Algérie. Tellement sérieux que le projet ludique et vaguement écolo du «Parc des grands vents» d'Alger s'est petit à petit transformé en quelque chose «d'utile», en un projet immobilier. Il faut bien que les riches habitent quelque part. Quitte à détourner des centaines d'hectares de leur vocation. C'est comme si le message adressé aux Algériens est, «ennuyez-vous» à défaut du très équivoque «enrichissez-vous» ! A Alger, ceux qui ne désolent pas de voir le parc zoologique laissé à l'abandon s'alarment : la spéculation immobilière pourrait venir se proposer comme solution «utile». Il n'est pas inutile de noter que les principaux lieux de loisirs à Alger ont été conçus et réalisés au temps «sévère» du socialisme algérien. Là également, dans cet Algérie poussée à l'ennui, on redécouvre que le pays avait de meilleures idées il y a trente ans qu'aujourd'hui.