Certains anniversaires sont faits pour être oubliés ou occultés en attendant des jours meilleurs. C'est le cas de l'Union du Maghreb (UMA) : peu de gens auraient eu l'idée de vouloir fêter son quart de siècle moins une année. L'état du Maghreb n'inspire en effet guère de l'enthousiasme ; les efforts, louables, menés par Moncef Marzouki pour redonner vie à l'idée se sont heurtés aux vieilles réalités. Il n'y a rien à fêter à l'échelon du Maghreb, si ce n'est souhaiter que la transition tunisienne parvienne à dépasser les difficultés et les antagonismes qui se mettent en scène pour la bloquer. L'idée maghrébine se joue, en bonne partie, en Tunisie ; ou, pour être plus précis, de la réussite ou non du processus démocratique dans ce pays. Moncef Marzouki a été capable de lancer au début de l'année 2012 une campagne volontariste pour le Maghreb car il était porté par l'optimisme démocratique qui avait cours en Tunisie. Aujourd'hui, les difficultés de la transition ne permettent pas un activisme maghrébin de la Tunisie et c'est la vieille force d'inertie qui reprend sa place. Pas de quoi donc célébrer ne serait-ce que l'ombre d'une promesse de relance. On s'était fait à l'idée d'oublier l'UMA où rien ne bouge. Histoire de ne pas associer cette vaine structure bureaucratique à la belle idée maghrébine de Tanger. Malheureusement, le secrétariat général de ladite Union du Maghreb arabe s'est rappelé à notre bon souvenir en publiant un communiqué sidérant. En politique, quand on n'a rien à dire, on brasse du vent à coups de mots creux. Et comme ladite structure bureaucratique ne peut pas dire franchement que l'Union du Maghreb ne sert strictement à rien, elle se lance dans un discours lénifiant sur la «nécessité» d'un Maghreb «plus efficient». Les bureaucrates en charge de la rédaction du communiqué ont probablement fait un effort extraordinaire pour sortir un texte plat - comme il est de rigueur - qui essaie de glisser, comme le faisaient les journalistes du temps du parti unique en Algérie, quelques pâles allusions à la terne situation présente. Et cela donne une formule épique : le secrétariat général de l'UMA émet le vœu de «voir la volonté politique au sein de l'UMA fusionnée à travers une nouvelle démarche adaptée aux mutations effrénées et aux exigences de la mondialisation et ses effets néfastes ainsi qu'aux objectifs du développement durable que les pays de l'Union œuvrent à atteindre au mieux du citoyen maghrébin». Quelle tirade ! Et surtout quelle «témérité» ! Décodée en termes «normaux», la phrase signifie que les pouvoirs politiques en place se moquent complètement de l'Union du Maghreb et n'ont aucune volonté de la faire bouger. La référence aux «mutations effrénées» de la mondialisation est censée être une mise en garde Le plus piquant est que le communiqué affirme que «quelles que soient les circonstances, le citoyen maghrébin doit être fier du bilan important de l'Union du Maghreb arabe en 24 ans d'existence, vers la mise en place de la base adéquate pour la consécration de l'intégration maghrébine». Quel est donc ce bilan censé inspirer la fierté alors que le Maghreb est le plus attardé des ensembles régionaux qui se constituent dans le monde ? On baigne dans l'autosatisfaction béate. Tout ça pour ne pas dire que l'idée du Maghreb souffre prosaïquement de l'absence de démocratie et de la mise à l'écart des sociétés... Le processus maghrébin a été monopolisé par les pouvoirs et c'est la raison pour laquelle il n'avance pas. Le Maghreb ne peut se faire que par la démocratie.