«Si tu fais des plans pour un an, sème du blé; pour cinq ans plante des arbres ; pour une vie, forme et instruis l'homme». Il est vrai que nous semons chaque année du blé, mais pas à hauteur de nos besoins, au point ou notre pays est considéré comme un des premiers importateurs de céréales, à défaut de rendements acceptables ! Nous plantons aussi des arbres, mais sans trop se soucier du choix approprié des espèces, de la nature des sols et des taux de réussite de nos plantations ! Tel est le cas de cette grandiose opération « barrage vert », cette idée généreuse du service national, de par son effet mobilisateur de la jeunesse autour de ce projet d'utilité publique de grande envergure, mais faiblement ancrée dans une démarche scientifique et dont il ne reste par bien des endroits, que des reliques ! Nous formons aussi à bras le corps, mais sans trop se soucier de la qualité de l'éducation de nos enfants, devenus pour certains, agresseurs de leurs professeurs ! Quelle honte pour ces enfants mal élevés et pour leurs parents, non moins laxistes ! Eh oui ! Il est bien loin, le temps ou l'on changeait de trottoir lorsqu'on était sur le point de croiser son maître ! De nos jours, le respect à l'égard surtout des femmes et des « cheveux blancs », est devenu une denrée rare, au point ou dans notre imaginaire collectif, toutes catégories confondues, peu d'intérêt est accordé à ceux qui détiennent le savoir et la connaissance ! Par contre, ceux sont les nouveaux riches, du négoce de l'import import et du trabendisme, qui ont le vent en poupe, parce que courtisés et plagiés dans leurs travers, dés lors, qu'ils sont devenus modèles de réussite pour tous ceux, en quête du gain facile ! Force est donc de constater, que nous n'avons pas pris en considération le proverbe chinois et que nous sommes de toute évidence, de mauvais élèves de cette grande école de la sagesse et de la philosophie de Confucius, mais pas seulement ! CRAINTE DE LA REUSSITE D'AUTRUI A l'image de ces athlètes de performances, réduits au banc de touche, s'échauffent comme pour garder la forme, bon nombre de nos cadres, mis au « frigo» ou démis de leurs fonctions pour des raisons bien souvent subjectives, essayent de s'occuper à travers la recherche d'activités qui maintiennent l'esprit en éveil, comme pour ne pas sombrer dans la déprime ! Mais il est bien évident que ce n'est là, qu'une manière de vaincre l'oisiveté, chaque fois que possible ! Entre la reconnaissance des uns et le mépris des autres, le doute finit par s'installer au fil du temps, le moral vire au plus bas et l'angoisse prend chez eux, le dessus ! Quelle force devrions-nous déployer pour continuer à croire aux possibilités d'émancipation de notre société ! C'est par rapport à ce manque d'intérêt pour sa ressource humaine, que notre pays reste à la traine des autres, sans que pour autant, ses derniers ne disposent de meilleures capacités ! On tergiverse, on hésite et on perd confiance en nous-mêmes ! Pourquoi sommes nous ainsi, comme pour se distinguer des autres ! Ces autres qui ont su se forger un avenir, pour avoir compris que c'est dans la protection et la considération de la ressource humaine, que réside le secret de la réussite. Comment vaincre nos égoïsmes personnels, nos attitudes partisanes, la crainte de la réussite d'autrui, pour devenir finalement semblables à ceux cités en exemple, pour avoir su tirer leurs forces de la mobilisation de leur intelligentsia et de la civilité qui régit les rapports, dans un même élan, qui est celui de l'intérêt national ! Il y a là certainement bien du chemin à parcourir. Les jours passent et se ressemblent, ils sont ignorés, comme s'ils n'avaient jamais existé ou pour avoir trop travaillé, qu'il faille les mettre prématurément à la retraite, ou comme si notre pays avait du temps à perdre, pour avoir accompli d'énormes progrès qui le dispensent de la mobilisation de toute sa ressource humaine ! C'est vrai que l'embellie financière, sous le signe de laquelle ceux sont inscrits les différents plans de développement, étaient de toute évidence, une opportunité pour l'arrimage de notre pays dans le giron des nations émergentes ! Ce rêve d'espoir et de bien être partagés a été en quelque sorte contrarié, dans la mesure où l'effort colossal d'investissements, jamais égalé, ne s'est pas accompagné par une mobilisation optimale de la ressource humaine qualifiée et de toutes les forces saines de la nation, dans un même élan qui donne un sens réel à la volonté de s'en sortir. Oui, c'est bien dommage, que ceux animés par le seul souci de servir au mieux les intérêts de leur pays, sans gloire ni dividende, soient de la sorte marginalisés ! Déjà laminés par la décennie noire, ils ne sauraient survivre longtemps aux coups de boutoir de ceux, qui ont pris pour habitude de les exclure en toute impunité, et sans raison apparente. C'est là, une atteinte aux intérêts de la Nation, dès lors que ce vivier de femmes et d'hommes de savoirs, formés au prix de lourds sacrifices de tout un peuple, est cette caution morale qui entretient l'espoir. Il faut pour cela les préserver des aléas de cette conjoncture politique, qui donne la primauté à l'action partisane et à ses courtisans, même si ces derniers sont souvent démunis de talents, de créativité et d'intégrité. Mais, il est vrai que d'un point de vue systématique, dans le sens biologique du terme, selon le classement par catégorie de groupes, de clans, de partis et d'associations conjoncturelles, l'option du non alignement n'est pas forcément la meilleure façon pour s'assurer une pérennité dans ce conglomérat d'individus avides de pouvoir, qui s'interfèrent, se confédèrent, s'allient au gré des circonstances et s'autodétruisent, quand cela s'avère nécessaire. Dans ce jeu là, où l'on ne compte que de par son appartenance à un groupe d'intérêts communs, il n'y a guère de place pour ceux qui affichent leur seule compétence, leur abnégation et leur loyauté au service de leur pays, surtout quand l'enjeu reste la course aux privilèges, dans un paysage où la médiocrité fait légion et où la course effrénée aux postes de responsabilité, prend l'allure d'une bousculade, où tous les coups sont permis. Entre ceux qui veulent se servir pour assurer leurs arrières et l'avenir de leurs progénitures, objet de scandales à répétitions, depuis déjà quelques années, et ceux dont le seul intérêt réside dans le développement du pays, se creuse alors le fossé entre deux rives. L'une étalant sa richesse mal acquise et son arrogance en toute impunité, au mépris des lois de la République, et l'autre, son amertume et son désespoir dont la finalité ne saurait être dans la situation présente, que le repli sur soi ou l'exil. Dans cette situation anachronique, où les uns s'ingénient à prendre et les autres à donner le meilleur d'eux-mêmes, pour peu qu'ils soient sollicités, l'on est dans cette impossibilité mathématique de deux droites parallèles qui ne peuvent jamais se rencontrées. Alors, que l'on ne s'étonne pas de voir en guise de réaction chez les commis de l'Etat, des attitudes bureaucratiques, du laxisme et du laisser faire, ce qui perturbe bien entendu, l'évolution normale de notre société et retarde par conséquent, la sortie de crise de par le fait, qu'elle soit entretenue par cette dichotomie qui oppose les uns aux autres dans un jeu d'intérêts divergents. Cette réaction inavouée par crainte de représailles fait que l'on vient au travail par habitude, comme pour justifier son salaire ou par besoin biologique de mobilité, sans grande conviction que cette présence soit de nature à changer le cours de l'évolution de notre société, qui peine à s'aligner sur les valeurs universelles de travail, de compétence, d'efficience, de respect de la chose publique et de loyauté à l'égard de la nation. Dans cet horizon bloqué, aux contours flous que seuls les initiés au fonctionnement du système savent décrypter, il est bien triste de constater que nos experts dans différents domaines, soient réduits au rôle de figurants, à défaut de celui d'acteurs essentiels à la locomotive du développement. Ce développement, faut-il le souligner, ne saurait se réaliser indéfiniment, selon la formule «clé en main », avec des partenaires étrangers peu attentifs à l'évolution de notre société, parce que très naturellement proches de leurs intérêts et ceux de leurs pays. C'est pourquoi, la réhabilitation de notre ressource humaine, s'avère être d'une nécessité absolue, dans la mesure où elle peut constituer l'interface aux actions partenariales si nécessaires pour notre pays, et à son ouverture sur le monde. NEGATION DES VALEURS ET DU MERITE En cette occasion de la commémoration du 50ème anniversaire de l'indépendance de notre pays, l'on doit interroger nos consciences quant à la considération accordée à nos cadres, cette ressource stratégique de la nation ! Ces compétences, fierté de l'Algérie indépendante, étaient à l'école primaire et/ou l'école coranique, quand la révolution a commencé ! Ils ont aujourd'hui la soixantaine et n'ont pas été tous présents pour commémorer cet évènement historique. N'est-il pas triste de constater toute cette indifférence manifeste, à l'égard de commis de l'Etat ayant le plus souvent servi leur pays avec loyauté et abnégation, sans toutefois réclamer des dividendes, sinon, cette reconnaissance légitime qui réchauffe le cœur et rehausse le moral, que rien ne prédispose autrement, à être au beau fixe ! Et pourtant, la considération n'est en fait, qu'un geste de courtoisie de nature à anoblir celui qui l'exprime ! Cet acte de bienveillance, n'est malheureusement plus le signe distinctif de bon nombre de hiérarchies, qui ne considèrent les rapports de travail, qu'en termes de domination et de pouvoir, faisant fi des sensibilités humaines de subordonnés voués à l'oubli et dans bien des cas, de leur vivant, au rejet et à la disgrâce. Dans ces rapports immoraux, signe de déclin des valeurs universelles régissant les relations entre les hommes, il est à craindre une amnésie totale chez notre société, pour n'avoir pas su se préserver des attitudes égoïstes, de l'individualisme et de toutes les tares de ce matérialisme qui ont pris le dessus sur les rapports sains, qui régulaient les relations humaines de cette société d'antan, conviviale à souhait, fraternelle et totalement baignée dans les valeurs humanistes. A bien y réfléchir, la négation d'autrui, n'est certainement pas la meilleure manière de se mettre en valeur. Elle est tout au contraire, l'expression d'une forme de violence, assimilable aux autres fléaux sociaux, qui endeuillent et menacent la cohésion de notre société. C'est par la suite, qu'on dira de celui qui l'a pratiqué, d'avoir été un personnage infâme, voué à son tour à l'oubli. Il est vrai, que lorsqu'on élude le mérite personnel et qu'on pratique à outrance la cooptation, le clanisme, la soumission et l'allégeance, il n'est pas tout à fait indiqué de mettre en valeur les exploits de bon nombre de nos grands commis de l'Etat, après s'être entouré par un encadrement complaisant, sans ambition autre, que son maintien jusqu'à l'avènement de sa retraite, sans trop heurter les susceptibilités de sa hiérarchie. Dans cette attitude de négation du mérite et des valeurs sûres, comment s'étonner que des milliers de cadres en quête de reconnaissance ont du quitter à jamais notre pays au prix d'un déchirement et d'un exode, non sans impact négatif sur la dignité humaine. Comment peut-on les blâmer, quand le SMIG reconnaissance ne leur a pas été reconnu ! L'on dit vouloir les ramener lorsqu'on est acculé dans un dernier retranchement face à la complexité d'une situation socioéconomique, née d'une ouverture à la mondialisation, à laquelle on ne s'était guère préparé ! Comment croire à cette volonté manifestée à travers les discours, lorsque d'autres milliers de cadres résidents en Algérie, sont eux aussi écartés, mis prématurément à la retraite ou tout simplement marginalisés, alors qu'ils sont la sève et l'énergie vitale, dont a besoin l'Algérie. Il faut croire, qu'on se soucie peu de la gestion de cette ressource humaine, au point ou il parait difficile aujourd'hui, d'associer un nom pour chacune des réalisations majeures de notre jeune République ! Alors essayons de voir, qui se souvient de ces grands commis de l'Etat qui ont géré avec succès, le complexe sidérurgique d'El Hadjar, ceux du machinisme agricole de Constantine et de Sidi Bel Abbès, l'ENIEM de Tizi-Ouzou dans l'électroménager, l'ENIE de Sidi Bel-Abbès dans l'électronique, l'INELEC de Tlemcen dans les télécommunications et BCR dans la coutellerie ! Qui se souvient aussi, de ces gestionnaires des complexes de textile de Guelma, de Souk-Ahras, de Draa-Ben-Khedda, de M'Sila, de Tlemcen et de Sebdou ! Qui se souvient de ces grands managers de cimenteries, de briqueteries et de carrières d'agrégats qui ont fait le bonheur du secteur du BTPH et de la construction ! Qui se souvient de ces concepteurs de l'industrie pharmaceutique, de l'industrie agroalimentaire, de ces gestionnaires de grandes sociétés nationales du bâtiment, de l'hydraulique et de ces bâtisseurs tous corps d'état confondus ! Qui se souvient de ces scientifiques qui ont géré les universités, les centres de recherches, l'institut Pasteur et l'institut nucléaire, après le départ des coopérants ! Qui se souvient au niveau local et régional, de ces grands gestionnaires de programmes spéciaux, de ces super-walis qui ont créés la prospérité à l'échelle des grands ensembles territoriaux, du Titteri, de Grande Kabylie, des Aurés, du Hodna, du Constantinois, de la Saoura, des Oasis et de bien d'autres régions, jadis enclavées et sous équipées ! C'est en fait, des milliers de cadres intègres et compétents dont les noms ont été soustraits de la mémoire collective, à défaut d'être récompensés! Qu'ils soient scientifiques, intellectuels, femmes et hommes de culture ou managers, ils émargent tous, au chapitre de l'oubli et de l'indifférence! Comment alors, peut-on demander aux plus jeunes de prendre option pour la voie du savoir et de la connaissance, quand la considération de leurs ainés ne relève pas forcément du mérite et de l'effort personnel ! Comment glorifier auprès d'eux la valeur travail, quand on éclipse la compétence et qu'on développe en guise de gestion de la ressource humaine, la culture de l'oubli ! ESPRIT DE NOVEMBRE REVISITE Ignorée chez elle, ou tout au moins sous-utilisée, cette ressource humaine formée au prix de lourds sacrifices, fait dans son exil forcé, le bonheur de ceux qui ont su l'accueillir. Elle continue à participer au développement de bon nombre de pays occidentaux, à apporter son concours aux institutions internationales, aux multinationales et chez nous, dans une faible proportion, au secteur privé. Certains parmi cette élite, sont des références sûres au plan international, dans les domaines pointus de la médecine, de l'informatique, de l'électronique et de bien d'autres disciplines, tirant ainsi leurs révérences, à ceux qui les ont ignorés, chez eux. C'est là certainement, une perte et un manque à gagner énorme, pour un pays comme le notre, qui peine à asseoir cette dynamique de développement durable, si nécessaire à sa cohésion sociale et à son unité nationale. Cette ressource humaine, jadis choyée et courtisée, est aujourd'hui, reléguée au second plan, pour n'avoir pas été totalement associé au processus décisionnel d'un développement, qui peine à s'inscrire dans une démarche rationnelle, totalement ouverte sur le souci de construction d'un avenir meilleur, pour les générations futures. Cet objectif majeur pour l'Algérie d'aujourd'hui et plus de demain, fait appel au savoir et à la connaissance, vecteurs essentiels à l'arrimage de l'Algérie dans son siècle, sans pour autant, se départir de son passé et sans se défaire de son authenticité. Ainsi, la reconnaissance salutaire de ces cadres, prend la signification d'un choix stratégique que l'on devra faire au plus vite, entre ceux assimilés aux « bourdons » qui font du bruit par l'agitation de leurs ailes, en brassant de l'air dans la proximité des centres de décisions et ceux, assimilés aux « abeilles », qui s'affairent à butiner pour faire du miel, pour la demeure Algérie. Ce n'est que dans l'option qui donne la primauté au travail et à la compétence, que le discours aura un sens et qu'il sera alors possible, d'engager autrement l'avenir de notre pays, que dans l'allégeance et la soumission, sans grande certitude, que cela soit dans l'intérêt de la nation. C'est dans cette voie, qu'il sera alors possible de faire de la commémoration des événements historiques et particulièrement, du 1er novembre et du 16 avril ( youm el ilm) une halte d'évaluation des progrès accomplis par notre société d'une année à l'autre, au plan de la maîtrise des connaissances scientifiques et technologiques et de la mesure du niveau de bien être de nos concitoyens. C'est à ces occasions que doivent être primés les plus méritants de nos scientifiques, de nos cadres et de nos gestionnaires, en hommage aux efforts qu'ils auront déployé au service de l'Algérie. Avec sa ressource humaine locale et celle d'outre mer, notre pays a les moyens de ses ambitions de modernité, pour peu que l'on puisse sortir des effets d'annonce et des shows médiatiques et événementiels, sans lendemain, pour s'inscrire durablement dans cette volonté nationale du compter sur soi, sans autre arrière pensée, que celle de la quête de la dignité restaurée. Avec près de 400.000 cadres dans différents secteurs économiques européens, auxquels s'ajoutent, ceux qui la servent au quotidien, l'Algérie n'est certainement pas démunie d'atouts. L'assistance de cette diaspora et sa mise en réseau avec la ressource locale, est certainement, un acte bien inspiré de bonne gouvernance et un geste salutaire pour la réhabilitation de l'esprit de novembre, dans sa continuité scientifique et technologique. L'Algérie pourra ainsi, à l'instar de la Chine, de l'Inde, du Brésil, de la Malaisie, de l'Indonésie, de la Turquie et de bien d'autres, espérer compter parmi les nations émergentes, au bout de tout au plus, une décennie de labeur dans la production scientifique, technologique et intellectuelle, loin du brouhaha de ceux qui cherchent à la confiner dans le statut peu valorisant de « vache laitière « dont ils tirent profit! C'est de cette manière qu'elle pourra y parvenir, et non pas par le verbe du discours pompeux et vaniteux. Il sera alors possible de rêver à des technopoles, à des agropoles, à des universités et grandes écoles performantes, et à bien d'autres réalisations aussi prestigieuses que nécessaires au bien être de nos concitoyens et à l'émancipation de notre société. Cette Algérie du sérieux, de l'abnégation, de la connaissance et du savoir, s'inscrit forcément, à contre courant de celle de ces parasites, qui gravitent les marches par la triche, les diplômes falsifiés et la corruption ! C'est en fait, cet esprit revisité de novembre, qui donnera un sens au sacrifice de nos aînés et à leur espoir, quant à un avenir prospère, dans l'intérêt de toute une nation, qui n'a pas le droit de les décevoir *Professeur