La colère des Marocains après l'octroi d'une grâce royale à un violeur d'enfants de nationalité espagnole était inattendue pour le Roi Mohamed VI. Devenue sur twitter le «DanielGate», l'affaire s'est transformée en crise politique. Elle a en tout cas relancé, de plus belle, la contestation politique appelant à aller vers une monarchie constitutionnelle. Mohamed VI tente de s'extirper du bourbier de la grâce en faisant valoir, sans convaincre, qu'il s'agit d'une faute commise par l'administration. L'argument laisse froid de nombreux marocains, humiliés de voir le Palais royal envoyer un très mauvais signal en direction des touristes sexuels occidentaux. Le même Palais royal a décidé, dimanche soir, de retirer la grâce accordée au pédophile de nationalité espagnole Daniel Galvan Fina. Sans s'excuser le moins du monde au sujet d'un fait qui a heurté des Marocains qui se disent «violés par la grâce royale», selon le nom d'un groupe créé sur Facebook. Le communiqué du Palais royal indique que le retrait «à caractère exceptionnel» a pris en «considération des défaillances qui ont marqué la procédure, de la gravité des crimes commis et du respect du droit des victimes». Le pédophile ayant été libéré avec une grande célérité ne se trouve pas au Maroc, cette mesure restera purement symbolique à moins que l'Espagne n'accepte de le remettre aux autorités marocaines. Le communiqué du Palais royal demande d'ailleurs au ministre de la Justice «d'examiner avec son homologue espagnol les suites à donner au retrait de cette grâce». LE VIOLEUR EST SORTI PAR CEUTA Le retour du pédophile au Maroc est cependant totalement improbable. Le journal El Pais qui révèle que Daniel Galvan est entré jeudi en Espagne, par l'enclave de Ceuta, a indiqué qu'il ne peut être extradé au Maroc car il est un citoyen espagnol. Dans le meilleur des cas, il pourrait, en vertu des accords hispano-marocains, purger sa peine en Espagne. Ce geste, pour l'instant purement symbolique, ne calme pas la colère des Marocains dont la réaction montre que le pouvoir royal a outrepassé toutes les limites en accordant la libération au violeur de onze Marocains entre 3 et 15 ans. Installé à Rabat depuis huit ans, ce pédophile, un ancien des services irakiens retournés par les Occidentaux qui a collaboré à l'invasion du pays, jouissait d'une fausse identité octroyée par les services espagnols. Ses victimes étaient parfois filmées ou photographiées dans des positions obscènes. Une vie de pédophile protégé par son statut d'agent des services occidentaux et qui profitait, selon les conclusions du tribunal de Kenitra qui l'a condamné à trente ans de prison, de la «la précarité des familles». Le geste, pour l'instant pure symbole, du «retrait de la grâce» ne convainc pas les Marocains. DES DENONCIATIONS AU VITRIOL CONTRE LE ROI L'Association des Marocains de Belgique pour la défense des droits de l'homme (AMBDH), l'exprime sans ambages dans un communiqué intitulé «à l'insu de son plein gré » qui estime qu'en accordant sa grâce à un violeur d'enfants, le roi Mohamed VI «démontre à la face du peuple marocain et du monde entier son mépris des lois et des institutions du pays qu'il gouverne selon son « bon plaisir ». Pour l'association, c'est en prenant «tardivement conscience de l'énormité de sa «bourde» et en raison de l'ampleur des manifestations des Marocains qu'il a commis le 3 aout, «un communiqué de presse tout aussi indigne que sa décision de grâce royale, déclarant qu'à l'insu de son plein gré, « il a signé sans savoir qui il graciait » ?. L'association, très offensive, a estimé que le roi ne faisait que démontrer «publiquement son manque de courage, son irresponsabilité et par là son « indignité » à continuer à gouverner le peuple marocain qui entend désormais se libérer d'un régime prédateur qui le méprise». 71 VIOLS D'ENFANTS PAR JOUR Et de fait, Mohamed VI fait face, avec cette colère généralisée, à une crise politique sans précédent. Sa décision de «retirer» la grâce est une tentative de calmer une colère qui n'a fait que monter à mesure que les révélations sortaient sur les conditions de la libération du pédophile. Les dénégations royales et sa recherche évidente du bouc émissaire au sein de l'administration ont aggravé la situation. Sans compter la répression policière brutale qui s'est abattue sur les manifestants. La décision d'annuler la grâce ne met pas fin aux appels à manifester. Les sit-in pour aujourd'hui à Casablanca et demain mercredi à Rabat sont maintenus. La pédophilie est une plaie au Maroc. On estime à 71 le nombre d'enfants violés par jour. Les réseaux de pédophilie pullulent pour offrir des «services». Ils sont présents dans les hautes sphères. «Et une partie de ces délits est commise par des réseaux de pédophiles bien organisés, qui évoluent dans le milieu de la jet set de Marrakech (...), y compris par de puissants hommes politiques et chefs d'entreprises européens», relève El Mundo.