Le changement de gouvernement du 11 septembre avait donné un sursis à la transaction Cevital Michelin-Algérie. Le droit de préemption de l'Etat est de retour. Prélude à un nouveau feuilleton judiciaire avec 600 travailleurs otages du chômage technique. Le premier ministre Abdelmalek Sellal est revenu à la charge. Il avait instruit début septembre dernier son ministre de l'industrie, Cherif Rahmani, pour acter un droit de préemption de l'Etat algérien dans la transaction signée le printemps dernier entre Michelin Algérie et le groupe Cevital. Il a confirmé son instruction au nouveau titulaire du poste, Amara Benyounes. Entre les deux actes, le mini-séisme du changement de gouvernement du 11 septembre dernier n'a rien changé sur ce dossier. Le gouvernement avait pris, l'été dernier, le temps de la consultation. Il semblerait en définitive que cela soit un avis documenté du ministère des finances qui ait poussé le premier ministre à engager la procédure du droit de préemption. Une décision finalement sans surprise provenant d'un ministre très soucieux de ne jamais contrevenir aux attentes supposées de sa hiérarchie. Le ministre des finances, Karim Djoudi a, en effet, toujours choisi d'arbitrer dans le sens du «politiquement correct», y compris, comme dans le cas de la désastreuse tentative de faire jouer un droit de préemption dans la transaction OTH-Vimpelcom, lorsque ses collaborateurs lui avaient bien signalé l'impasse juridique d'une telle démarche. Le notaire qui a traité le dossier Michelin Algérie devrait donc recevoir sous peu une réserve du ministère de l'industrie par laquelle celui-ci va s'opposer à la transaction de mai dernier au titre du droit de préemption par l'Etat algérien sur les cessions d'actifs étrangers en Algérie. DROIT DE PREEMPTION ET AUGMENTATION DE CAPITAL Contacté par Maghreb Emergent, le groupe Cevital a préféré ne pas commenter, il y a quelques semaines, la déclaration du député du parti des travailleurs, Smain Kouadria, annonçant la mise en œuvre du droit de préemption de l'Etat dans la transaction avec Michelin Algérie. L'argument du président de Cevital, Issad Rebrab, soutenu à l'antenne de Radio Maghreb M, en mai dernier, est qu'il ne peut pas exister de droit de préemption de l'Etat dans le cas d'une augmentation de capital dans une entreprise étrangère présente en Algérie. Conclue en mai dernier à Alger, entre l'ex-PDG de la Société Michelin Algérie (SMA), Igor Zyemit, et le patron de Cevital, Issad Rebrab, la transaction rend le groupe privé algérien propriétaire de 67% des actifs de la SMA par un apport en capital. Michelin ne vend pas ses parts à Cevital mais se dilue dans le capital de la même entité suite à l'augmentation de capital. Smain Kouadria a déclaré à Maghreb Emergent que cet argument n'était pas légalement valable. Il semble que c'est également le point de vue des juristes du ministère des finances. UNE TRANSACTION QUI NE PEUT PAS CONTENTER LES POUVOIRS PUBLICS A la décharge du gouvernement, il faut bien admettre que la transaction Michelin Algérie-Cevital est loin d'être vertueuse dans ses premiers impacts. Principale faille dans cette transaction, le sort fait à l'activité industrielle sur le site de Bachdjarrah. Elle s'arrêtera totalement avant la fin de l'année 2013. Ce qui devrait d'ailleurs conduire au retrait complet de Michelin du capital de SMA avec probablement la dissolution de la filiale et la reconversion du site de production. 600 travailleurs sont en chômage technique ou en voie de l'être depuis l'annonce de l'accord en mai dernier. Cela avait déjà provoqué le courroux de Cherif Rahmani, prévenu par Issad Rebrab au tout dernier jour de la transaction en cours. Le droit de préemption de l'Etat, s'il devait aller à son terme va très vite poser le problème de l'usage qui sera fait du site de Bachdjarah ; un site que va dans tous les cas laisser en friche Michelin, décidé à stopper sa production de pneus industriels. Le président de Cevital, Issad Rebrab a annoncé sur Radio Maghreb M que Bachdarrah avait changé de nature en 50 ans et qu'il ne se prêtait plus à une activité industrielle. Cevital prévoit d'y déployer un pôle urbain autour d'un centre commercial, d'un hôpital et d'une université privée. L'Etat devra faire mieux que pour Djezzy pour proposer un plan de reprise, un prix d'acquisition et un projet de reconversion.