Yasser Arafat est mort empoisonné, c'est en tout cas l'intime conviction des Palestiniens qui se basent, notamment, sur les rapports médicaux transmis par un laboratoire suisse et l'Agence fédérale russe d'analyses biologiques qui montrent la présence de doses de polonium 210 jusqu'à 20 fois supérieures à la normale sur des os et effets personnels de Arafat. Même si cette affirmation n'est pas nouvelle en soi, cette fois-ci elle est accompagnée de preuves matérielles fournies par deux laboratoires différents, en attendant les résultats français. Juste après son décès, à 75 ans, le 11 novembre 2004, à l'hôpital militaire de Percy, en France, des voix se sont élevées pour dénoncer un meurtre commandité par Israël. C'est le cas de Nasser Al-Qidoua, neveu de Yasser Arafat et représentant de la Palestine aux Nations unies, qui a, immédiatement, accusé l'Etat hébreu d'avoir été à l'origine de l'empoisonnement de son oncle et d'avoir mis en scène cette mort. Pour sa part, Khaled Mechaal, le chef du Hamas palestinien, qui lui-même a échappé à une tentative d'assassinat, perpétrée par deux agents du Mossad, en Jordanie, a explicitement accusé les tueurs des services secrets israéliens d'avoir assassiné Arafat. Le Dr Abdallah Al-Bachir, chef de l'équipe médicale de la commission d'enquête officielle palestinienne, sur la mort du président palestinien, a affirmé, sur la base de ces analyses que « Yasser Arafat n'est mort ni de vieillesse, ni de maladie, mais par empoisonnement ». Les experts suisses du Laboratoire de Lausanne qui ont remis leur rapport d'expertise, mardi, à la veuve d'Arafat, Souha, et à l'Autorité palestinienne qui les avaient mandatés, ont jugé, jeudi, que la thèse de l'empoisonnement au polonium était « plus cohérente » avec leurs résultats, sans pouvoir affirmer, catégoriquement, que cette substance est la cause du décès. « On n'absorbe pas, par accident ou volontairement, une source de polonium. C'est quand même un produit qui n'est pas présent dans l'environnement, en concentration telle que cela permettrait de s'intoxiquer de façon accidentelle ou involontaire », a expliqué le professeur Patrice Mangin, directeur du Centre universitaire romand de médecine légale, lors d'une conférence de presse. «Nos résultats soutiennent, raisonnablement, l'hypothèse de l'empoisonnement », ont, également, avancé les experts. L'équipe suisse a d'abord analysé des échantillons provenant des effets personnels contenus dans un sac de voyage de Yasser Arafat, puis d'autres provenant de sa dépouille, lors de l'exhumation de son corps à Ramallah, en novembre 2012, à laquelle elle a participé. Les Suisses ont insisté sur le fait qu'ils n'avaient pas pu obtenir des échantillons biologiques du leader palestinien, recueillis lors de son hospitalisation à Paris, ce qui leur aurait permis « certainement d'être plus catégoriques ». Mais ces prélèvements de sang, d'urines et de liquide céphalo-rachidien ont été détruits après quelques années. C'est, aussi, ce jeu trouble de la France, dans ce dossier, qui exaspère les Palestiniens qui l'ont sommée de leur communiquer les résultats des analyses des échantillons biologiques de M. Arafat, demandées par la justice française, dans le cadre d'une information judiciaire pour assassinat, ouverte en 2012, en France, à la suite d'une plainte déposée par Souha Arafat. LA PALESTINE ACCUSE, ISRAËL DEMENT « Nous n'avons reçu aucune réponse jusqu'à présent de la partie française. Nous avons envoyé une nouvelle lettre aux Français, demandant d'accélérer l'envoi des résultats et nous attendons toujours », a déclaré, pour sa part, le ministre palestinien de la Justice Ali Mhanna. Pourtant, les analyses auraient pu ne rien relever puisque du temps s'est écoulé entre la mort de Yasser Arafat, en 2004 et le début des investigations du laboratoire suisse en 2012. Des analyses qui ont d'abord révélé « une quantité anormale de plomb et de polonium ». Dans le sac, le sous-vêtement de Yasser Arafat était même l'élément « le plus radioactif », selon François Bochud, le directeur de l'Institut de radio physique appliquée de Lausanne et un des auteurs du rapport suisse. Il précisera que « le polonium a une période de 138 jours, tous les 138 jours son activité est divisée par un facteur 2. Cela signifie donc qu'après 8 ans, il n'y a plus qu'un millionième de l'activité qui était présente 8 ans auparavant » et le fait d'en retrouver de telles doses, 8 ans plus tard est un des arguments accréditant la thèse de l'empoisonnement au polonium, tout comme les symptômes cliniques présentés par Yasser Arafat avant sa mort qui ont mis les chercheurs sur la piste d'une intoxication. Si l'empoisonnement de Yasser Arafat ne fait plus aucun doute scientifique, qui est donc le commanditaire de son assassinat ? La réponse la plus logique est Israël mais cette dernière rejette cette accusation « sans fondement et sans la moindre preuve. « Israël est le premier, le principal et unique suspect dans l'affaire de l'assassinat de Yasser Arafat », a affirmé Tawfiq Tiraoui, le président de la commission d'enquête officielle palestinienne sur la mort du leader palestinien. Pourtant, ces révélations peuvent mettre dans l'embarras les dirigeants palestiniens, à leur tête Mahmoud Abbas, engagé dans des négociations de paix avec Israël, pendant lesquelles il a accepté de suspendre toute démarche auprès des organisations internationales, y compris les instances judiciaires susceptibles de poursuivre Israël. Lors de l'ouverture de la tombe de Arafat, M. Tiraoui avait annoncé que si les résultats confirmaient la thèse de l'empoisonnement, les dirigeants palestiniens saisiraient la Cour pénale internationale (CPI), un recours qui paraît compromis, dans l'immédiat. Dans des interviews télévisées, Souha Arafat avait estimé que le polonium avait, sans doute, été administré à son mari par un membre de son entourage ce qui renforce davantage les soupçons autour du service de sécurité chargé de protéger Arafat et accusé de complicité avec le Mossad.