L'ambitieux programme d'introduction d'entreprises publiques en Bourse qui est sur la table mettra-t-il fin à la très faible animation du marché financier ? Pour l'heure, c'est le scepticisme qui domine A moins que les banques et autres investisseurs institutionnels ne s'impliquent. A u moment de l'entrée de son entreprise en Bourse, Slim Othmani, patron de NCA Rouiba, Slim Othmani, confiait que « l'animation du titre sera extrêmement importante » et qu'il comptait se montrer offensif et « exigeant » à l'égard des IOB (Intermédiaires en Opération de Bourse). Aujourd'hui, il est déçu et plutôt en colère : « C'est le plat total, l'animation du marché n'a pas évolué. Il nous faut des professionnels et des gens engagés ».Dans le collimateur du patron de NCA, les banques publiques, seuls IOB agréés actuellement (avec récemment BNP Paribas), qui selon lui « ne jouent pas le jeu et ne se sont pas engagées». Pour Slim Othmani, « le métier d'une banque c'est aussi de faire gagner de l'argent à ses clients sur la place boursière. Leurs chargés de clientèle devraient proposer des placements boursiers à leurs clients particuliers à ceux qui possèdent une épargne dormante ou aux entreprises qui disposent des excédents de trésorerie. Mais ce n'est malheureusement pas dans la culture de nos banques publiques qui semblent penser que le métier de banquier consiste encore à attendre que les gens viennent faire des retraits ou des dépôts ». Le PDG de Nomad Capital, Adel Si Bouakaz, n'est pas loin : le public a toujours très bien réagi aux appels à l'épargne, souligne-t-il, mais il reste encore sur sa faim, pour ceux qui ont franchi le pas, en raison de l'absence d'animation du marché ». « Ce que les investisseurs attendent c'est non seulement un rendement mais également une appréciation de leur titre » ajoute-t-il. Il considère que le rôle des IOB est essentiel et que les banques publiques s'abritent derrière des arguments bureaucratiques comme l'absence de feu vert de leur comité de crédit pour justifier leur manque d'engagement. UN PROGRAMME «SUR LA TABLE DEPUIS 3ANS» L'ambitieux programme d'introduction en bourse d'une cinquantaine d'entreprise dans les 5 ans pourrait-il être réalisé dans les délais annoncés ? Slim Othmani,dont l'entreprise, NCA, est la dernière en date à avoir été admise à la Bourse d'Alger, se montre sceptique «c'est bien d'annoncer un programme. C'est bien aussi de tout mettre en œuvre pour le réaliser ».Liès Kerrar, d'Humilis Finance, rappelle que ce programme et ces objectifs « sont sur la table depuis près de 3 ans » et qu'il s'agit maintenant de « mener les actions pour l'appliquer. ». L'ampleur de l'appel à l'épargne que ces nombreuses entreprises vont effectuer risque d'être considérable au regard de la taille actuelle du marché financier algérien .Il dépendra en premier lieu du niveau d'ouverture du capital des entreprises qui sera retenu par les pouvoirs publics. L'hypothèse la plus couramment évoquée aujourd'hui est celle d'un minimum de 20%. En raison de la taille de son capital, le CPA (Crédit populaire d'Algérie) pourrait cependant, nous dit-on, faire exception avec un niveau d'ouverture limité par dérogation à 5 ou 10%. Slim Othmani note en outre que l'entrée en Bourse du CPA devrait Selon Slim Otmani l'entrée en Bourse du CPA devrait en outre soulever une série de problèmes juridiques qui « rendront nécessaire la révision de la loi sur la monnaie et le crédit ».Liès Kerrar élargi la réflexion en rappelant que les 20% d'ouverture du capital sont en fait « le minimum légal pour la cotation d'une entreprise en Bourse ». Cette question renvoie, selon lui, à des enjeux plus importants. D'une part, les « objectifs en matière de taille critique du marché financier algérien » et, d'autre part, l'« l'enjeu essentiel de la gouvernance des entreprises concernées qui doit évoluer vers plus de transparence et plus de performances économiques ». LE ROLE DES INVESTISSEURS INSTITUTIONNELS En dépit de ses ambitions élevées, les chances pour ce programme de trouver un écho favorable auprès des épargnants ne sont pas négligeables, soulignent nos interlocuteurs « à condition que les opérations soient bien menées». Ils attendent en premier que le Trésor « instruise les investisseurs institutionnels » pour jouer le rôle de locomotive et ouvrir la voie à l'épargne des particuliers qui n'a jamais été aussi importante. « Les banques et les compagnies d'assurances publiques mais également les caisses de retraite ou d'assurance chômage ont un rôle essentiel à jouer dans l'animation du marché financier pour lequel elles n'allouent aujourd'hui aucun montant, leurs excédents de trésorerie étant placés en totalité en Bons du Trésor notamment depuis l'affaire Khalifa » note Liès Kerrar. L'EXPERTISE NATIONALE EST DISPONIBLE Pour accompagner les entreprises vers leur admission en Bourse,l'ensemble de nos interlocuteurs expriment le souhait que les pouvoirs publics fassent appel en priorité à l'expertise financière nationale, aujourd'hui bien présente dans le secteur, sans exclure l'éventualité d'appels d'offres nationaux et internationaux. Liès Kerrar défend cette option : « il est très important de faire appel à l'expertise nationale qui est disponible et qui a déjà fait ses preuves». Son entreprise a déjà accompagné des entreprises publiques dans les nombreux emprunts obligataires réalisés au milieu de la dernière décennie. Le patron d'Humilis Finance estime qu'une telle démarche «permettra de consolider les firmes locales existantes comme le montre l'expérience dela Tunisie ou du Maroc ». Mais, relève-t-il, le recours à des banques d'affaire étrangères pourrait en revanche se justifier « en cas d'ouverture de la Bourse d'Alger à des investisseurs étrangers, ce qui n'est pas encore le cas ».