Il est clair que le vainqueur du scrutin du 17 avril et le camp de ses soutiens rejettent la proposition d'aller à une transition démocratique qui a été avancée par les partis et personnalités politiques de l'opposition regroupés en une coordination nationale pour les libertés et une transition démocratique. Pour eux, en effet, l'élection présidentielle aurait démontré que les Algériens n'adhèrent pas à la nécessité d'une transition politique et feraient confiance au président réélu pour prendre les initiatives qui aboutiront à la réalisation des mêmes objectifs assignés à celle-ci par ses promoteurs. De fait, dans le passage de son intervention durant le Conseil des ministres qu'il a consacré à la révision de la Constitution dont il a décidé la relance, Bouteflika a fixé à celle-ci des buts qui ne se différencient en rien de ceux dont l'opposition ambitionne la concrétisation au travers de la transition politique dont elle est en train de peaufiner les formes qu'elle prendra et de s'entendre sur les conditions. Il a en effet annoncé que le projet de révision de la Constitution qu'il entend soumettre à la nation portera sur des amendements destinés à consolider « la démocratie participative, de renforcer les droits et libertés individuels et collectifs et de conforter l'Etat de droit dans notre pays » et que plus concrètement ils sont destinés à renforcer « la séparation des pouvoirs et le rôle du Parlement, à conforter l'indépendance de la justice, à affirmer la place et les droits de l'opposition et à consolider les droits et libertés des citoyens ». Toutes ces promesses dont Bouteflika affirme qu'il va les concrétiser avec son projet de révision de la Constitution recoupent les revendications de l'opposition politique et de la société civile d'une manière générale. Sauf que ni cette opposition ni la majorité de la société civile n'ont confiance dans celui qui en a fait l'annonce. Et c'est bien cette absence de confiance entre lui et ces milieux qui fait que son appel à ces derniers à s'associer à une concertation sur la révision de la Constitution n'a pas eu l'accueil qu'il a escompté. A partir du moment où Bouteflika s'estimant être le pouvoir légitime et donc se montre fermé à la proposition de l'opposition d'une transition conduisant à l'instauration d'un régime basé sur les principes censés faire le contenu de son projet de révision de la Constitution, et que l'opposition refuse quant à elle de donner sa caution à celle-ci, l'on se dirige manifestement vers un bras de fer entre ces deux acteurs de la scène politique. Que l'opposition fasse le vide autour du processus de consultation sur le projet de révision de la Constitution, n'empêchera pas Bouteflika d'aller au bout de celui-ci. Mais avec finalité qu'il aura subi l'échec de son ambition de réunir le consensus national sur son projet. L'opposition, surtout si elle reste unie dans son rejet, parviendra à démontrer l'isolement du pouvoir, mais sans arriver à lui imposer d'accepter la mise en place de la transition politique voulue par elle. Le seul acteur en mesure de peser sur le débat ainsi en cours dans le pays est le peuple. Cette réalité, des acteurs de la société civile l'ont comprise, comme le prouve leur tentative de créer des espaces de concertation dont le mode d'organisation et de fonctionnement serait de nature exclusivement citoyenne. Ce n'est effectivement qu'en permettant aux citoyens de devenir des acteurs politiques libérés des combines politiciennes du pouvoir et celles étroites des oppositions partisanes qu'il sera possible de concevoir un projet de changement qui s'imposerait tant à ce pouvoir qu'à l'opposition partisane.