La Méditerranée est devenue un cimetière pour les candidats à l'eldorado européen. Dimanche, au moins 160 personnes ont trouvé la mort dans le naufrage d'un bateau qui transportait plus de 200 immigrés clandestins au large des côtes libyennes, selon un porte-parole de la marine, Kassim Ayoub. Le bateau à destination de l'Europe a coulé près de Tajura, à une vingtaine de kilomètres à l'est de Tripoli. Quarante des passagers clandestins ont été secourus et les autres auraient péri, selon le porte-parole. Un grand nombre de cadavres flottaient sur la mer et les gardes-côtes libyens ont eu des difficultés à mener une opération de secours faute d'équipement approprié. Ce naufrage fait suite à une série d'autres recensés en Méditerranée, notamment dans les eaux italiennes, au cours de ces dernières semaines, à la suite d'un mouvement massif d'immigrants de toutes nationalités, à la faveur du beau temps en Méditerranée. Ainsi, la marine italienne a indiqué hier avoir porté secours à 2.380 personnes au cours du week-end dans le cadre du vaste programme «Mare Nostrum», un programme mis en place après la mort de plus de 400 migrants dans deux naufrages en octobre 2013. Plusieurs autres naufrages se sont déroulés ces derniers jours dans les eaux libyennes. Au large du village de Guarabouli, à 60 km à l'est de Tripoli, 102 autres migrants subsahariens ont été secourus hier lundi, a déclaré un agent des gardes-côtes libyens, Abdellatif Mohammed Ibrahim, faisant état de trois morts et trois disparus. Les migrants, tous des hommes, étaient à bord d'un canot pneumatique. Leur embarcation de fortune commençait à se dégonfler et à prendre l'eau quand ils ont appelé les gardes-côtes au secours, a ajouté M. Ibrahim. Par ailleurs, quelque 170 Subsahariens avaient disparu fin août dernier dans un autre naufrage au large de la Libye d'où les départs vers l'Europe se sont multipliés ces dernières semaines. 500 personnes portées disparues Mais, plus que les accidents de «pateras», c'est souvent le comportement des passeurs qui est décrié sinon dénoncé par les ONG, ainsi que l'organisation internationale pour les migrations. Cette fois-ci, ce sont près de 500 personnes qui sont portées disparues près de Malte. Le récit de deux rescapés, des Palestiniens de Ghaza, recueillis par l'OIM, est effrayant. Les deux Palestiniens, sauvés jeudi dernier près de Malte par un porte-conteneurs panaméen, qui les a débarqués samedi à Pozzallo, dans le sud de la Sicile, ont raconté être partis le 6 septembre de Damiette, en Egypte, avec environ 500 autres personnes, dont des Syriens, Palestiniens, Egyptiens et Soudanais. Parmi ces immigrants clandestins, il y avait également des familles avec leurs enfants, ainsi que des mineurs seuls. Pendant la traversée, les passeurs, dont on ignore la nationalité, ont obligé les clandestins à changer plusieurs fois d'embarcation. Le drame va se passer mercredi, en pleine mer. Les passeurs ont cette fois-ci encore demandé aux clandestins de changer d'embarcation et de monter sur un nouveau bateau plus petit. Mais, les passagers ont refusé cet énième transbordement et se sont rebellés, selon les deux rescapés palestiniens. Les passeurs, qui se trouvaient sur une autre embarcation, plus solide et plus rapide, ont alors éperonné à la poupe l'embarcation des migrants qui a coulé, racontent encore les deux Palestiniens. Ce n'est que le surlendemain du drame que les deux Palestiniens ont été recueillis par le porte-conteneurs panaméen. L'un d'eux portait un gilet de sauvetage, alors que l'autre s'était accroché à une bouée avec sept autres personnes, dont un enfant égyptien, qui ont toutes succombé d'épuisement. «Neuf autres survivants ont été secourus par des navires grecs ou maltais, mais il semble que tous les autres aient péri», a ajouté Flavio Di Giacomo, porte-parole de l'OIM en Italie. Il s'agit là de l'un des drames humanitaires les plus importants de ces dernières années, et un homicide massif, selon l'OIM. Les autorités italiennes ont ouvert une enquête sur ce drame, mais si ces informations sont confirmées, «il s'agirait du naufrage le plus grave de ces dernières années», d'autant plus qu'il ne s'agirait pas d'un accident mais d'un «homicide de masse», estime l'OIM. Selon la marine maltaise, une collision a impliqué un navire transportant 300 à 400 migrants et un autre avec 30 personnes à bord, qui prenait vraisemblablement l'eau et a tenté de forcer l'autre à s'arrêter, provoquant le naufrage des deux navires. En visite dimanche au centre de secours en mer de Malte, le haut commissaire de l'ONU pour les réfugiés, Antonio Guterres, avait plaidé pour un «effort réellement collectif» de l'Europe afin d'éviter que de nouvelles vies ne soient perdues à ses portes. Plus de 2.200 personnes avaient péri, selon le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), ou ont été portées disparues en tentant de traverser la Méditerranée depuis juin dernier. Par contre, au moins 130.000 migrants clandestins, en majorité des Subsahariens, ont réussi à rejoindre l'Europe par mer depuis le 1er janvier, plus de deux fois que pendant toute l'année 2013. Le HCR explique d'autre part que quelque 118.000 personnes ont été reçues en Italie, pour la plupart secourues dans le cadre de «Mare Nostrum». Ce programme doit s'achever d'ici à novembre, précise le HCR.