En France, c'est l'onde de choc. L'assassinat dans des conditions horribles du français Hervé Gourdel, en Kabylie, par un groupe terroriste se réclamant de l'Etat islamique, a provoqué une réaction en chaîne dans l'Hexagone, autant des milieux musulmans qui ont dénoncé cet acte odieux, que des autorités. A droite comme à gauche de l'échiquier politique français, les condamnations fusent. A travers le monde, les réactions ont été nombreuses. Moins de 48 heures après son enlèvement dans le massif du Djurdjura par un groupe terroriste se réclamant de l'Etat islamique (Daech), Hervé Gourdel est décapité mercredi, à l'issue d'un ultimatum fixé à la France pour cesser ses interventions en Irak. Une vidéo postée mercredi sur le Net intitulée 'Message de sang pour le gouvernement français», montrait son exécution. A New York où il assistait aux travaux de l'Assemblée générale de l'ONU, le président français François Hollande a condamné le «lâche» et «odieux» assassinat de M. Gourdel. Il ajoute : 'La France vit une épreuve», mais «ne cède jamais devant le chantage», devant l'Assemblée générale de l'ONU. Le Premier ministre français Manuel Valls a twitté : 'Effroi devant la barbarie. Soutien de la Nation tout entière à la famille d'Hervé Gourdel. La France ne cèdera jamais», a-t-il écrit. En France, des rassemblements de soutien à la famille ont été organisés, ainsi que dans son village. Consterné par cette nouvelle, le Conseil français du culte musulman (CFCM) s'est dit «horrifié», dénonçant un «crime barbare». «Le CFCM s'associe à la douleur de la famille et à l'ensemble de la Nation devant un tel crime qui ne mérite qu'un châtiment exemplaire par la justice de Dieu et celle des hommes», selon un texte du Conseil. Le président du CFCM, Dalil Boubakeur, a appelé de son côté «les musulmans et leurs amis» à se rassembler vendredi après-midi devant la Mosquée de Paris pour dénoncer «l'horreur barbare et sanguinaire des terroristes» de l'EI. Plusieurs personnalités musulmanes, arabes, maghrébines et algériennes se sont élevées contre ce crime dans une motion envoyée aux journaux français. Hier vendredi, des rassemblements ont été organisés dans plusieurs villes françaises à la mémoire de Gourdel.»Nous, musulmans de France, disons halte à la barbarie», a lancé après la prière du vendredi Dalil Boubakeur, face à des centaines de personnes rassemblées devant la Grande mosquée de Paris. «Ce rassemblement, c'est l'expression forte et vivante de notre volonté d'unité nationale et de notre volonté inébranlable de vivre ensemble», a-t-il ajouté, en présence de personnalités non musulmanes, comme la maire de Paris, Anne Hidalgo, ou un représentant de la Conférence des évêques de France, Mgr Jean-Michel Dubost. «Nous sommes là en solidarité avec Hervé Gourdel, pas pour nous justifier», a rétorqué Abdallah Zekri, président de l'Observatoire contre l'islamophobie, lié au CFCM. Dans une tribune publiée par Le Figaro et Libération, qui en fait sa Une, ces personnalités musulmanes ont manifesté leur solidarité avec les victimes de l'EI et déclaré que 'nous sommes aussi de +sales Français+». Une réponse en fait au groupe de l'EI, qui avait appelé lundi les musulmans à travers le monde à tuer des «incroyants» et «en particulier les méchants et sales Français», deux jours avant que l'otage français ne soit décapité. Parmi les signataires de cette tribune figurent le recteur de la mosquée de Lyon, Kamel Kabtane. Après les messages de soutien de la communauté internationale, dont l'UE et les Etats-Unis, la France a annoncé qu'elle maintient son action militaire en Irak contre Daech. Menaces d'attentats en France Mais la situation reste tendue en France où la menace d'attentats terroristes que mèneraient des éléments de Daech est prise au sérieux. Jeudi, le président Hollande avait présidé un conseil de défense à l'issue duquel il a été décidé que la France «intensifierait son soutien aux forces de l'opposition syrienne qui combattent aujourd'hui les groupes jihadistes» et «poursuivrait son action» en Irak «afin d'affaiblir» l'EI. Le même conseil de défense a également décidé de renforcer les «mesures de prévention contre les risques terroristes» dans les lieux publics et dans les transports, élevant le degré de la menace avec la réactivation du plan Vigipirate à l'ensemble du pays. En outre, il a décidé d'ajouter une dizaine de pays où les Français sont appelés à faire preuve de la «plus grande vigilance», à sa liste qui en comprend désormais une quarantaine. «Aujourd'hui, nous avons étendu l'appel à une dizaine de pays de plus», explique Didier Le Bret, chef du centre de crise du ministère, en marge d'un salon du tourisme organisé à Paris. Onze pays ont été ajoutés jeudi à la liste initiale. Ainsi, l'Indonésie, Malaisie, Philippines, Afghanistan, Pakistan, Ouzbékistan, Comores, Burundi, Tanzanie, Somalie et Ouganda s'ajoutant maintenant à la liste déjà existante : Arabie Saoudite, Yémen, Tunisie, Syrie, Qatar, Oman, Maroc, Liban, Algérie, Iran, Irak, Emirats arabes unis, Egypte, Ethiopie, Djibouti, Kenya, Mali, Soudan, Mauritanie, Bahreïn, Sénégal, Koweït, Jordanie, Israël/Territoires, Turquie, Tchad, Nigeria, Niger, Burkina. Pour autant, Top Resa, directeur du centre de crise du Quai d'Orsay a appelé à «ne pas surréagir». «Nous devons vivre, ne pas cesser d'être nous-mêmes. Il faut continuer d'exercer nos activités à l'étranger», a-t-il dit. Bref, l'onde de choc djihadiste alimente de nouveau le débat politique dans une France divisée entre le soutien à la campagne militaire anti-Daech américaine en Irak et en Syrie et ses intérêts dans la région. D'autant que les craintes d'attentats terroristes en France sont nourries par le retour dans le pays de centaines de djihadistes français qui étaient en Syrie et en Irak.