L'Europe a son scandale : l'affaire " LuxLeaks " ou la grande évasion fiscale. Curieuses révélations à moins de deux mois de la suppression du secret bancaire par le gouvernement du Luxembourg (en 2015). Scoop politico-financier au sein de l'Union européenne (UE) : le Grand Duché du Luxembourg, paradis fiscal et hôte pour les fraudeurs fiscaux ! Jeudi matin, les médias européens ont repris en chœur " l'exclusivité " du scandale du siècle diffusé simultanément par 40 premiers médias internationaux sous le titre fascinant de " LuxLeaks " : 28.000 documents confidentiels récupérés par le Consortium international de journalistes d'investigation (ICIJ) révélant la liste de 340 multinationales et familles de milliardaires qui auraient fraudé le fisc de leurs pays respectifs avec la bénédiction du gouvernement luxembourgeois. Ce que ce dernier récuse par la voix de son Premier ministre Xavier Bettel qui affirme que les lois sur la fiscalité et les banques de son pays sont conformes à la légalité internationale. L'enquête précise que cette pratique dite " Tax-Ruling " concerne la période de 2002 à 2010. Problème : c'est Jean-Claude Juncker, actuel président de la Commission européenne qui était 1er ministre et ministre des Finances du Duché du Luxembourg ainsi que le président de l'Euro-Groupe. Il doit sommer le Luxembourg de s'expliquer sur ce scandale. Ubuesque : il doit se demander à lui-même des explications, puisque il était le 1er responsable de son pays durant la période incriminée. Du coup, des députés européens, notamment les Verts, l'accusent de "conflit d'intérêts " : il ne peut être juge et partie. Au-delà de cette soudaine découverte du Luxembourg comme " Paradis fiscal ", d'autres questions sur le timing et la forme de cette enquête menée, selon ses auteurs, depuis six mois : y a-t-il un rapport entre ces révélations et la décision du Duché du Luxembourg d'abandonner le secret bancaire en 2015, soit dans moins de 2 mois ? Par quel argument juridique, si tel est le cas, l'Europe va-t-elle condamner aujourd'hui le Luxembourg pour pratique concurrentielle illégale en matière fiscale, alors qu'elle n'a émis aucune réserve à son encontre par le passé ? Et enfin, le fait de mettre au centre de ce système d'évasion fiscale le président de la Commission européenne qui vient tout juste d'entamer son mandat, obéit-il au seul souci de la justice et de l'éthique de la pratique des gouvernants ? Invité à répondre à l'accusation de son pays, Jean-Claude Juncker a renvoyé les journalistes basés à Bruxelles vers la Commissaire en charge de la concurrence, Mme Margrete Vestager et annulé sa participation à des réunions professionnelles. Quant aux multinationales et fortunes privées mises en cause, aucune réaction n'a filtré. Des firmes comme Pepsi, Amazone, Axa, Apple, Ikéa.. etc. ne montrent aucune inquiétude après ces révélations. Elles renvoient au cabinet d'audit et de conseil Price Waterhouse (PWC) qui a négocié en leurs noms les accords avec le gouvernement du Luxembourg. Conclusion : les entreprises et firmes internationales justifient leur pratique fiscale par les " lois " avantageuses en la matière offertes par un gouvernement, membre et fondateur de l'UE qu'est le Luxembourg, et ce dernier évoque la conformité de sa législation fiscale avec les textes de l'UE. Grosse impasse juridique et politique pour l'Union et pour chaque pays membre. Clairement, cette affaire va compliquer l'ambition de Jean-Claude Junker, lui qui a annoncé vouloir " révolutionner " le fonctionnement de la Commission européenne en lui assignant un rôle plus politique que technique. Il est servi d'entrée de jeu : l'affaire LuxLeaks c'est un peu comme WikiLeaks de l'américain Snowden, exilé en Russie, ou encore l'affaire du Watergate qui a fait chuter le président Nixon.