Mohamed Aïssa donne une image positive du gouvernement en s'affichant ouvert envers les autres religions. En termes de discours «global», le progrès est réel. On ne devrait pas - du moins espérons-le - connaître des situations absurdes où des médias ont été instrumentalisés pour faire campagne contre les adeptes des autres religions. On ne doit pas oublier l'incessante et odieuse campagne de presse qui s'est étalée sur plusieurs années contre les chrétiens après l'adoption en 2006 d'une ordonnance contre le prosélytisme évangéliste. L'ancien archevêque d'Alger, Mgr Henri Tessier, en avait été particulièrement affecté et il s'interrogeait sur les obscures raisons de cette montée d'agressivité contre l'Eglise catholique. Un de ces journaux avait poussé l'outrecuidance jusqu'à affirmer que Mgr Tessier réclamait la restitution des églises transformées en mosquées depuis l'indépendance. Une campagne immorale de ce genre qui s'était arrêtée, de manière aussi inexplicable qu'elle avait été déclenchée, devrait nous être épargnée sous l'actuel ministre. C'est déjà un progrès en soi que l'Etat, formel ou «profond», s'abstienne de jouer sur un terrain déjà occupé par des salafistes bornés ou des imams cathodiques qui ne craignent rien, pas même le ridicule. Ces progrès dans le discours - qui sonne agréablement dans les oreilles des «modernes» - ne doivent pas être l'arbre qui cache la forêt. En Algérie, un salafisme prétendument «scientifique» et «apolitique» a été encouragé pour contrer l'islamisme politique dans ses différentes variantes. Une démarche à courte vue. Tout comme d'ailleurs la relance des zaouïas dans les années 90 avait été pensée dans une même optique politique. Ce sont des imams salafistes faussement «scientifiques» qui ont trouvé «normal» de se distinguer en restant assis au moment d'une levée de l'emblème national. Ces imams qui voyaient dans ce cérémonial de l'emblème national une «bidaa» (une invention) sont le produit de l'enseignement qu'ils reçoivent. Ce courant véhicule strictement les mêmes manières de penser que le ministre vient, une nouvelle fois, de fustiger dans un prêche à la mosquée de Paris. Le ministre y a parlé d'une pratique «dénaturée», «dévoyée», éloignée de la «voie du juste milieu». Mohamed Aïssa est un universitaire qui a passé suffisamment de temps au ministère des Affaires religieuses avant d'en devenir le ministre pour savoir que de très nombreux imams sont dans cette même posture. Ils reproduisent le même discours qui se déverse des chaînes satellitaires avec une obsession, très suspecte, sur la femme et la menace, existentielle, qu'elle représenterait pour l'homme et la oumma ! Il n'est pas inutile qu'un ministre se charge de développer un discours avenant et ouvert. Mais il n'est pas inutile non plus de souligner que les vrais changements prennent du temps, ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas les entamer. Il y a, tout le monde le sait, un gros problème dans la qualité de la formation des imams. C'est à ce niveau qu'il faut agir pour que les vendredis ne soient plus, comme c'est souvent le cas aujourd'hui, une litanie de mises en accusation des pères et des frères qui ne «tiennent pas leurs filles ou leurs sœurs». A côté de ces discours frustres qui sont martelés et banalisés dans les mosquées, le discours «progressiste» du ministre qui plaît aux «modernes» ne pèse pas dans la balance.