La loi de finances 2015 sera sans pareille dans les annales de l'économie algérienne. Car à peine signée qu'elle va être réévaluée dans les tout prochains mois pour donner forme à une mouture d'une loi de finances complémentaire. La raison en est que les données sur le marché pétrolier, l'Algérie étant dépendante à 99% de ses exportations d'hydrocarbures, ont été complètement chamboulées en novembre dernier par une chute des cours du pétrole. De 90 dollars en moyenne le baril entre octobre et novembre derniers, les cours en sont réduits à jouer le yo-yo entre 55 et 60 dollars/baril depuis la décision catastrophique de l'OPEP de maintenir inchangé son plafond de production (30 MBJ), alors que le marché est déjà saturé. La chute brutale des prix pétroliers a donc impacté les prévisions de la loi de finances pour 2015. Pour autant, aucune modification n'a été pour le moment envisagée, car cette loi doit être signée et entrer en fonction d'abord. Basée sur un prix du baril à 37 dollars pour un prix de marché de 90 dollars et une parité de 80 DA pour 1 dollar, la loi de finances 2015 consacre quelque 8.858,1 milliards de DA pour les dépenses publiques, en hausse de 15,7% par rapport à la LF de 2014, avec une augmentation de 32,1% des dépenses d'équipement, qui sont de 4.079,7 milliards de DA, et celles pour le budget de fonctionnement de 4.972,3 mds de dinars contre 4.714,5 mds de DA en 2014 (+5,5%). Il y a également 310,5 milliards de DA de provision groupée couvrant les dépenses éventuelles, l'incidence de la révision de la définition du salaire minimum garanti (SNMG) avec l'abrogation de l'article 87 bis, ainsi que d'autres dépenses liées à la protection des personnes âgées et l'impact éventuel lié aux fluctuations des cours du blé et de la poudre de lait sur le marché international. Les dépenses liées aux salaires dans la fonction publique sont estimées à 2.104,4 milliards de DA. Par contre, les déficits seront au rendez-vous en 2015. Les recettes budgétaires escomptées par la loi de finances sont de 4.684,6 milliards de DA contre un budget global pour les dépenses publiques de 8.858,1 mds de dinars, soit un déficit budgétaire de 4.173,3 milliards de DA (22,1% du produit intérieur brut (PIB)). Le Fonds de régulation des recettes (FRR) devrait s'établir à 4.429,3 milliards de DA à fin 2015 contre 5.284,8 mds de DA à fin 2014, et devra dès lors financer à hauteur de 83,3% le déficit du Trésor public (3.489,7 milliards de DA). La croissance économique devrait s'établir à 3,4% en 2015 et à 4,25% hors valeur ajoutée générée par les hydrocarbures, alors que l'inflation prévue se situe à 3% contre 3,5% en 2014. Pour les transferts sociaux, la loi de finances 2015 prévoit un montant de 1.711,7 mds de dinars, soit 9,1% du PIB, en hausse de 6,4% par rapport à la LF 2014. HANTISE DES DESEQUILIBRES BUDGETAIRES Sur les 1.711,7 mds de dinars, 65,3% iront au soutien aux familles, à l'habitat et à la santé et 13,2% pour les subventions des prix des produits de base (céréales, lait, sucre et huile alimentaire). Le crédit à la consommation devrait être rétabli, selon la loi de finances 2015 qui, par contre, consacre une hausse des importations de marchandises de 4,54% en volume et de 6,2% en valeur (65,44 milliards de dollars). Seul problème, c'est que les recettes pétrolières pour 2014 ne seront que de 60 milliards de dollars, en baisse de deux milliards de dollars après la chute des cours, selon le ministre de l'Energie. Avec l'annonce de mesures d'urgence exceptionnelles par le gouvernement pour amortir le choc de la baisse des prix du brut, des arbitrages douloureux sont à prévoir. Car la hausse en valeur des importations prévues pour 2015, face à la baisse des cours du brut, ne permet plus de financer de larges pans de l'économie nationale. Ce qui devrait générer, très probablement, une loi de finances complémentaire à la fin du 1er trimestre pour corriger les écarts et déséquilibres budgétaires entre secteurs et réaffecter les dépenses publiques selon les priorités. Ce qui est sûr, c'est que le budget de l'Etat pour 2015 sera revu en fonction des nouvelles données du marché des hydrocarbures et, en parallèle, la mise en place d'une batterie de mesures urgentes pour rééquilibrer les déficits. A commencer par consommer les fonds du FRR et un appel plus large aux réserves de change pour éviter l'effondrement de l'économie nationale, en attendant un possible redressement des cours entre 2015 et 2016.