Mais quel est le sens exact de ce mot ? En arabe, on le traduit de manière impropre par tchipa ou rachwa. La tchipa n'est pas la corruption, mais le moyen par lequel elle s'exerce, son carburant en quelque sorte. Le vocable français a une origine biologique. La corruption est la manière dont un corps se délite, dont les pommes gâtées tombent de l'arbre qui se débarrasse ainsi de ses habitants impropres à la consommation et qui risquent d'entraîner leurs voisins vers le même état. Elle peut désigner aussi la gangrène, ce processus par lequel une partie du corps humain, une jambe le plus souvent, peut être le siège d'une putréfaction progressive que seule une amputation préventive peut empêcher de s'étendre à tout le corps et de lui épargner une mort atroce, dans des vapeurs fétides. Dans le « Gai Savoir », Nietzsche dit de la corruption qu'elle est l'autre nom de « l'automne des peuples ». Au vu de son ampleur, il est à craindre qu'en Algérie, on en soit à l'hiver. La société réagit-elle ? Revenons à Nietzsche et au Gai Savoir. Dans le quarante-troisième paragraphe du Premier Livre, il est question de nous et du wahhabisme ! Ce serait une erreur, nous dit-il, que d'étudier les lois pénales d'un peuple comme si elles constituaient un trait de son caractère. Les lois, ajoute-t-il, ne révèlent pas ce qu'est un peuple, mais, au contraire, « ce qui lui apparaît comme inconnu, étrange, monstrueux, étranger ». Les lois se rapportent ainsi aux exceptions à la moralité des mœurs. Il constate chez les wahhabites deux péchés mortels : adorer un Dieu supposé différent du leur, ou boire du vin. Un Anglais, entendant cela avec étonnement, leur posa la question : «Et qu'en est-il du meurtre et de l'adultère (masculin, s'entend) ?». «Dieu est grâce et miséricorde, lui répondirent-ils. Si l'Anglais en question était de notre temps, il aurait appris, de la bouche des soldats de Daesh, que concernant les décapitations publiques et les bûchers, «Dieu est grâce et miséricorde». Sommes-nous si loin de ces aberrations en Algérie ? Si notre Anglais demandait aujourd'hui quel était le péché qui mériterait qu'on s'y attaquât toutes affaires cessantes, il y a peu de chances qu'on lui cite la corruption, la malvie, le désespoir, le suicide des jeunes, la panne de la justice, celle de l'éducation nationale, ou la mauvaise gouvernance. Pas de danger qu'on lui parle de l'angoisse de l'après-pétrole, autrement dit l'extinction de la ressource qui couvre actuellement 97% de nos achats à l'étranger. L'urgence, c'est de faire cesser la vente légale des boissons alcoolisées, apprendrait-il, en hochant la tête sans doute. Le bon peuple fait campagne pour l'interdiction de la vente de boissons alcoolisées. Il s'y investit totalement. Rien ne le détourne de cet objectif qu'il finira sans doute par atteindre. Pour le reste, la marche au pas cadencé vers le précipice, il vous dira « Dieu est grâce et miséricorde »