En principe, l'ère de la «chkara», les gros paiements et les transactions commerciales en cash de plusieurs centaines de millions de dinars, est révolue. Le gouvernement veut dorénavant plus de traçabilité sur les mouvements d'argent et de capitaux. Une plus grande transparence dans les transactions financières également. A partir du 1er juillet prochain, pour l'achat de biens immobiliers, tout paiement égal ou supérieur à 5 millions de DA doit être effectué par des moyens de paiement scripturaux à travers les circuits bancaires et financiers. Ce seuil est fixé à un million de DA pour l'achat de véhicules neufs, de matériels roulants neufs et d'équipements industriels neufs, notamment. Un nouveau décret exécutif, publié dans le JO N.33 du 22 juin, correspondant au 5 ramadhan 1436, en précise les contours. Ainsi, l'article 2 de ce décret stipule que «tout paiement égal ou supérieur aux montants ci-après, doit être effectué par des moyens de paiement scripturaux à travers les circuits bancaires et financiers: cinq millions de dinars (5.000.000 DA) pour l'achat de biens immobiliers, un million de dinars (1.000.000 DA) pour l'achat de yachts ou bateaux de plaisance avec ou sans voile, avec ou sans moteur auxiliaire, de matériels roulants neufs et d'équipements industriels neufs, de véhicules neufs, de motocyclettes et de cyclomoteurs soumis à immatriculation, auprès des concessionnaires automobiles ou autres distributeurs et revendeurs agréés ; de biens de valeur auprès des marchands de pierres et métaux précieux ; d'objets d'antiquités et d'œuvres d'art, meubles et effets mobiliers corporels aux enchères publiques». Ainsi, l'achat d'une voiture par des particuliers auprès des concessionnaires doit se faire dorénavant par chèque ou autre mode de paiement bancaire, à l'exception de l'argent liquide, comme cela se faisait jusque-là pour certains concessionnaires qui exigeaient du cash. Par ailleurs, l'article 3 de ce décret exécutif relève que «tout paiement égal ou supérieur à un million de dinars (1.000.000 DA) effectué en règlement des services fournis par les entreprises et professions non financières prévus à l'article 4 de la loi n° 05-01 du 27 Dhou El Hidja 1425 correspondant au 6 février 2005, modifiée et complétée, susvisée, doit être effectué par les moyens de paiement scripturaux». L'article 4 de ce décret définit par ailleurs ce qu'il entend par moyens de paiement scripturaux: il s'agit de «tous les instruments qui permettent le transfert de fonds à travers les circuits bancaires et financiers, notamment le chèque, le virement, la carte de paiement, le prélèvement, la lettre de change, le billet à ordre, et tout autre moyen de paiement scriptural prévu par la loi». L'article 6 de ce même décret rappelle que les «administrations publiques, les organismes publics, les entreprises gérant un service public ainsi que les opérateurs publics et privés sont tenus d'accepter les règlements des transactions, des factures et des dettes par les moyens de paiement scripturaux, conformément à l'article 4''. Le non respect de cette disposition entraînera, explique le même décret, des sanctions qui entrent dans le cadre de la «prévention et de la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme» (art.7). Ce décret a été signé le 16 juin dernier par le Premier ministre. LES EXPLICATIONS DE M. BENKHALFA Commentant les dispositions de ce décret qui, en fait, sonne la fin du trabendisme financier et rend moins opaque le système commercial et financier algérien, le ministre des Finances Abderrahmane Benkhalfa prévient qu'elles «ne sont pas en faveur des comportements anti-économiques. Elles s'adressent tout d'abord à ceux qui sont dans la légalité. Nous ne travaillons pas pour les cas d'exception, il faut positiver les choses et parler objectivement. Cette mesure est destinée aux citoyens respectables et non pas pour des cas d'exceptions». Selon le ministre, «'les banques ouvriront leurs guichets à partir du 1er juillet prochain pour recevoir tous les fonds qui sont hors circuit bancaire». En outre, cette mesure «vise à assurer le confort au citoyen, à sécuriser ses transactions et à les rendre plus faciles», a-t-il précisé jeudi, en marge d'une séance parlementaire au lendemain de la publication du décret exécutif rendant obligatoire les paiements scripturaux pour les transactions de plus de un million de dinars. Cette disposition, a-t-il par ailleurs expliqué, entre dans le cadre de la généralisation et le développement des moyens de paiement modernes à travers les circuits bancaires et financiers. «Cette mesure concerne tous les citoyens qui sont dans la légalité, qui ont des liquidités et qui veulent continuer à travailler. Et ces citoyens vont avoir plus de facilité dans les banques pour que ces liquidités soient traitées par chèque ou par virement», relève M. Benkhalfa. Pour préparer la mise en œuvre de cette nouvelle disposition, une réunion est prévue prochainement avec les établissements bancaires et financiers. Une précédente disposition, qui imposait le paiement par chèque pour des transactions de plus de 500.000 dinars avait provoqué la colère des commerçants et grossistes, suivie d'une hausse des principaux produits de consommation, ce qui a provoqué des manifestations de protestation à Alger notamment, en 2011, au moment du « printemps arabe ». Le gouvernement avait reculé et retiré cette loi. Assisterons-nous à un autre bras de fer entre partisans de la ch'kara, de l'informel, et gouvernement ?