Il aura fallu l'indignation suscitée par la caméra cachée d'Echorouk TV à l'intérieur et à l'extérieur du pays pour que l'Etat prenne conscience de la dérive de certaines chaînes satellitaires «tolérées» plus que «agréées» dans le paysage audiovisuel algérien. Le ministère de la Communication a dégainé, avertissant au passage deux à trois sigles. L'Autorité de régulation de l'audiovisuel (ARA), par la voix de son directeur, Miloud Chorfi, a adressé ce lundi un avertissement verbal au directeur de la chaîne de télévision privée KBC (El Khabar TV), Ali Djerri, pour «dépassements répétés» dans les émissions «Allô oui» et «Jornan el-gosto». Le motif de l'ire gouvernementale trouve sa raison dans ce qui est considéré comme un manque de respect pour «des noms et des symboles de l'Etat systématiquement injuriés et tournés en dérision», selon le communiqué rendu public de l'ARA. KBC est ainsi passible de tomber sous le coup «des lois sur l'information et de l'audiovisuel» pour «violation de la déontologie de la profession», a averti M. Chorfi. 24 heures plus tôt, c'est le département de Hamid Grine qui a réagi en premier en sommant les responsables de certaines chaînes de télévision privées d'expurger «sans délai» les grilles de leurs programmes qui font la part belle à la violence et «aux scènes contraires aux traditions et valeurs». La sentence en cas de manquement à l'ultimatum du gouvernement est le «retrait de l'autorisation». Dans le collimateur de la tutelle, cinq autres chaînes de télévision privées de droit étranger (Ennahar TV, Echorouk TV, Dzair TV, El DjazairiaTV et Hogar TV), détentrices d'autorisations provisoires, coupables, aux yeux du département de la Communication, de diffuser des programmes contraires aux mœurs algériennes. Les prime times sont ciblés accusés de «focaliser sur des expressions de violence en banalisant ses différentes manifestations». L'émission «Dans le couloir» de Dzair TV et la Caméra cachée d'Echorouk ont été les leviers de cette montée au créneau officielle pour apologie de la violence. Pourtant le mal est profond et l'indigence de certaines chaînes de télévision privées ne s'arrête pas à la promotion d'une violence verbale et physique insoutenable. Un simple coup d'œil aux grilles de programmation reflète l'incompétence de certaines chaînes incapables de hisser leur niveau d'exigence et se complaisent à du bricolage audiovisuel au grand dam des téléspectateurs algériens. Des productions naïves, des émissions de jeux débiles, une information racoleuse quand elle ne verse pas dans la pure diffamation, ces chaînes ne doivent leur existence qu'au besoin de l'Etat de noyer les canaux de communication sous une montagne de médiocrité. Le fait de tolérer ces chaînes alors qu'elles ne sont pas en conformité, jusqu'à maintenant, avec les exigences du paysage médiatique algérien témoigne encore de cette volonté officielle de noyer et de noyauter l'information au risque de compromettre tout un nouveau secteur.