L'Algérie a perdu un temps précieux pour n'avoir pas su amorcer le virage de la diversification économique au moment où elle disposait de ressources abondantes. Elle se voit contrainte, maintenant, de devoir le faire dans un environnement interne et externe beaucoup plus hostile. C'est en substance le constat fait hier par les membres du cercle d'action et de réflexion autour de l'entreprise (CARE) à l'occasion d'une conférence-débat organisée à l'hôtel Sofitel d'Alger. Les chiffres, qui commencent à être publiés par les institutions officielles, donnent déjà une idée de l'ampleur des déficits prévisibles qui affecteront gravement, pour cette année 2015, les échanges extérieurs du pays, la balance des paiements comme le budget général de l'Etat, de l'avis de ce club de chefs d'entreprises et d'experts en économie, présidé par le patron de NCA Rouïba, Slim Othmanie. Ce dernier, comme à son accoutumée, n'a pas été «complaisant» en affirmant qu'il n'existe malheureusement aucune vision économique du gouvernement alors que, soutient Slim Othmani, la logique aurait voulu qu'il y ait une concertation entre, d'un côté, les gouvernants, et de l'autre, les acteurs de la sphère économique et de la société civile. «Depuis plusieurs années maintenant, le Club n'a pas cessé d'alerter sur les fragilités du modèle d'organisation de l'économie de notre pays, ainsi que sur les menaces qui pesaient sur elle du fait de son excessive dépendance à l'égard du prix des hydrocarbures sur le marché mondial», note par ailleurs le CARE dans un communiqué qui souligne en ce sens que le club de réflexion qui s'efforce de traduire l'inquiétude montante des entreprises algériennes, sait combien celles-ci risquent d'être secouées violemment par le mouvement récessif prévisible qui se profile à l'horizon. «Celui-ci n'est pas inévitable, pour peu que les autorités publiques fassent preuve de courage et de résolution face aux défis immenses qui nous attendent», ajoute la même source qui soutient que le projet de loi de finances complémentaire qui est actuellement discuté au sein du gouvernement, offrait de ce point de vue, une opportunité que ce dernier semble avoir de la peine à saisir. Les quelques mesures annoncées jusque-là sont manifestement en net décalage par rapport aux vrais enjeux et ne permettent pas de créer le choc salutaire du changement espéré. Le patron de NCA Rouïba, dans sa réponse aux interrogations des journalistes sur la «frilosité» des IDE (investissement directs étrangers) ces dernières années, a, à ce sujet, été très franc en soulignant clairement qu'il faudrait désormais «arrêter de fonctionner sur la base de règles qui ne sont pas écrites». Slim Athmani qui déplore l'absence de «consensus» entre notamment les opérateurs économiques et les responsables du secteur, plaide pour le retour du financement étranger pour faire face au déficit des recettes de l'Etat en soulignant par ailleurs au passage que l'endettement ne doit plus être perçu comme un «traumatisme» comme c'était le cas dans les années 1990 avec le FMI. Son collègue du même club, Mouloud Hedir, qui prévoit un déficit budgétaire global de l'ordre de 31 milliards de dollars durant cette année, avertit que la politique de subvention tous azimuts menée par le gouvernement risque de provoquer un clash économique encore plus désastreux que celui vécu il y a une vingtaine d'années.