Les circonstances de l'attentat raté du Thalys Amsterdam-Paris ont, comme souvent dans ces cas, soulevé des questionnements dans les réseaux sociaux. Vrai attentat raté ou manipulation ? L'échec de l'acte terroriste sur le train Thalys Amsterdam-Paris de vendredi dernier n'a pas manqué de remettre à flots, encore une fois, la théorie du « complot » : coïncidence de la présence de militaires américains dans le wagon où se trouvait le terroriste, son « pédigrée » vite communiqué aux médias, notamment le fait qu'il est connu, fiché et signalé à toutes les polices d'Europe, son profil typé : marocain, barbe, fréquentation et voyage en Syrie etc. Tout cela sonne, selon les tenants de la théorie du complot, comme un « montage » de quelques services secrets, notamment américains, pour maintenir la tension sécuritaire en Occident, justifier les lois liberticides et les violations de la vie privée des gens et, bien sûr, légitimer les guerres menées ou soutenues par les Occidentaux en Syrie, Irak, Libye, Yémen..etc. S'il n'est pas toujours exclu que les services secrets et de propagande soient derrière des manipulations de situations complexes liées à des stratégies sécuritaires ou de défense « d'intérêts d'Etat » ou même à des opérations de déstabilisation d'un adversaire, il est tout aussi stupide de nier l'existence de réseaux terroristes et de bandits qui agissent, eux aussi, pour leurs propres intérêts maffieux, idéologiques et politiques ou encore par simple haine de la société conventionnelle. Il arrive régulièrement que ces deux mondes, celui de l'action clandestine des services spéciaux des Etats et celui du terrorisme et du grand banditisme se croisent et s'affrontent. Il arrive que leurs intérêts pour des actions ponctuelles et ciblées se rejoignent que ce soit dans des situations de guerre ou de violence « révolutionnaire » dans n'importe quelle contrée du monde. On parle alors de manipulation, d'utilisation des réseaux maffieux ou terroristes et de leur infiltration par les services spéciaux des Etats. Les doutes, les questionnements, les suspicions sont certes inévitables tant les situations de violence, de guerre civile ou de guerre classique sont traumatisantes, complexes et insupportables à l'entendement des citoyens : comment des gens ordinaires peuvent en arriver à un tel degré de sauvagerie, de haine et de violence envers d'autres gens qui ne sont en rien responsables des injustices et crimes contre lesquels les terroristes disent se battre ? Ces questionnements et doutes sont compréhensibles et courants dans ce genre de circonstances. En revanche, le risque est que la théorie du complot prenne le pas sur la réalité des faits et des enjeux jusqu'à dédouaner les terroristes des actes qu'ils commettent ou, pire, leur donner raison. Et c'est un segment stratégique utilisé par la propagande terroriste : semer le doute dans la population jusqu'à l'amener à justifier leurs tueries, y compris de populations pauvres et isolées. Oui, les services secrets occidentaux, en particulier américains, sont impliqués dans bien de manipulations, de coups d'Etat et sont derrière des mouvements insurrectionnels ou rebelles dans bien des contrées où leurs intérêts sont mis en danger, mais le fait terroriste, d'obédience islamiste notamment, est indéniable, réel et l'Algérie qui l'a vécu dans sa chair peut en témoigner : le radicalisme islamiste et violent est un courant, lui aussi mené et soutenu par des obédience aujourd'hui identifiées, dont le courant radical wahhabite. Là aussi, s'il est prouvé que le wahhabisme radical est derrière la bigoterie qui inonde les sociétés musulmanes fragiles, rien ne dit que ce sont les Etats wahhabites tels l'Arabie Saoudite ou le Qatar qui programment intentionnellement et à leur escient l'islamisation rétrograde, intégriste et haineuse des sociétés musulmanes des pays arabes ou d'Occident. Et quand bien même ce serait le cas, qui oblige les sociétés des autres pays arabes à accepter et à adhérer à ce courant obscurantiste ? Nous sommes aujourd'hui dans un monde complexe, intégré et intégrant, un village planétaire sous la pression d'une mondialisation tous azimuts, économique, culturelle, technologique etc. Se retrancher, sempiternellement et uniquement derrière l'accusation de « l'autre » pour ses propres malheurs est une fuite devant ses propres responsabilités. Le Coran depuis les siècles lointains ne dit-il pas : « Dieu ne changera rien dans un peuple jusqu'à ce qu'il change -le peuple- ce qu'il a en lui ? ». Entendez sa conscience et sa façon de s'organiser et de vivre ensemble. Quelle âme musulmane sensée ne se sent-elle pas touchée, blessée à chaque fois qu'un acte terroriste dans un pays musulman ou non est attribué à un terroriste se réclamant de l'islam ? Mais cela nous autorise-t-il à douter et remettre en cause les faits, hélas, bien réels pour les attribuer à un complot, une manipulation ?