L'éventualité que la capitale de l'Union européenne vive encore de longues semaines l'état d'urgence décrété le week-end dernier n'est pas exclue. Bruxelles, si tranquille et accueillante, baigne dans un climat de tension extrême. L'alerte générale pour «risque imminent d'attentats terroristes», décrétée le week-end dernier sur toute la région bruxelloise, a été prolongée jusqu'à lundi prochain. Le niveau maximum (4) reste en vigueur dans la capitale de l'Union européenne, tandis que le reste du pays est lui aussi en alerte niveau 3. Cependant, le Premier ministre belge, Charles Michel, a annoncé hier soir la réouverture des établissements scolaires et universitaires pour ce mercredi et la remise en marche progressive du métro de la capitale belge. Dans la foulée, les responsables de la sécurité et de la justice ont annoncé avoir mené près d'une vingtaine de perquisitions entre Bruxelles, Charleroi et Liège et avoir interpellé pas moins de 29 personnes suspectes. Bilan : au soir de ce même lundi, une seule personne a été mise en examen, 5 maintenues en garde à vue et le reste libéré. Dans ce coup de filet narré à grands cris et en boucle dans les médias belges, pas de trace du principal suspect recherché, Salah Abdeslam, impliqué dans les attentats du 13 novembre qui ont frappé Paris. Du coup, l'éventualité d'une prolongation de cet « état de siège » au-delà de lundi prochain n'est pas exclue, d'autant plus que des armes, de l'argent (26.000 euros chez un suspect) et même une ceinture d'explosifs semblable à celles utilisées à Paris ont été découverts ce lundi. En réalité, l'Organe indépendant de l'analyse de la menace terroriste (Ocam) autant que les responsables politiques sont coincés dans un véritable dilemme : faut-il annoncer la normalisation de la situation lundi prochain alors que le principal suspect, Salah Abdeslam, court encore dans la nature ? Et puis, annoncer la levée de l'état d'urgence pour lundi prochain supposerait que les services de sécurité en auront fini avec tout risque terroriste y compris la neutralisation de Salah Abdeslam. Sur quelle base les responsables politiques promettent la fin de l'alerte maximale, alors que c'est l'Ocam, organe indépendant des pouvoirs politiques qui évalue le risque terroriste ? Le Premier ministre belge explique cet engagement par la mobilisation de plus de policiers et agents de la sécurité et surtout leur répartition à travers Bruxelles en fonction d'un classement des zones à risque ou degré de sensibilité. Dans ces circonstances, la capitale belge et européenne vivra-t-elle un état de siège permanent sans le déclarer officiellement ? En clair, avoir pour une longue durée des policiers devant les écoles et centres commerciaux, des militaires devant les « zones sensibles », et elles sont si nombreuses à Bruxelles, installer des contrôles rapprochés partout dans les salles de cinéma, théâtres, musées, etc., n'est-ce pas rien d'autre qu'un état de siège ? Ces interrogations légitimes ont déjà installé un climat de psychose et de peur dans la population. Et c'est peu dire lorsque l'on passe en revue le bilan de cette alerte générale lancée depuis samedi dernier. Hormis la récolte d'armes, aucune « prise » sérieuse dans les milieux terroristes ou dans ceux des courants de l'islamisme radical mis sous surveillance depuis de nombreuses années. Si les responsables de la sécurité et de la justice demeurent vigilants et s'attellent à leurs tâches, les responsables politiques à divers niveaux remettent sur la table leur programme de « dé-radicalisation » en mobilisant les acteurs de la prévention, de l'éducation et de la culture. Là aussi, le débat est vif. Certains pensent qu'il faut plutôt œuvrer à la prévention pour éviter que des jeunes ne soient pris dans les rets des filières djihadistes, laissant entendre qu'un jeune radicalisé est irrécupérable, alors que d'autres estiment plus efficace de mettre le poids des moyens et mesures sur les filières djihadistes. D'autres encore font le lien entre le grand banditisme, les réseaux de la haute criminalité et ceux de l'islamisme radical, etc. Le débat part dans tous les sens et traduit on ne peut mieux le désarroi des responsables à tous les niveaux face à l'ampleur du phénomène djihadiste et terroriste. A entendre dire certains responsables et analystes médiatiques, personne ne soupçonnait l'ampleur du phénomène. Jusqu'à hier, la question relative à l'activisme des courants salafistes impliqués dans la dérive des jeunes dans la violence terroriste n'a pas soulevé de vraies réponses. Bruxelles attend avec angoisse lundi prochain pour revenir à son climat insouciant et bon enfant.