Dans le sillage de la guerre livrée aux transferts de capitaux vers l'étranger, l'APS a appris que la direction générale des douanes (DGD) a transmis à la justice, en 2015, plusieurs dossiers dont ceux de trois sociétés d'importation de ciment accusées d'avoir transféré illicitement près de 30 millions d'euros. Cité par l'Agence, un haut responsable de la DGD explique le modus operandi des importateurs frauduleux démasqués suite à un contrôle effectué a posteriori par les services des douanes. Ces trois opérateurs, qui effectuaient leurs achats auprès de fournisseurs en Italie, les facturaient en Suisse pour transférer les devises vers leurs comptes personnels. La suite de l'enquête, par les mêmes services, a également décelé des infractions de change commises par ces mêmes importateurs de ciment en matière de majoration de valeur. Ainsi, 18 millions d'euros ont-ils été transférés par l'une des trois sociétés poursuivies dans 41 dossiers contentieux portant, entre autres, sur des surfacturations. Elle a recouru à une majoration de valeur de 1,476 million d'euros pour l'importation d'une unité mobile d'ensachage qui a été par la suite abandonnée au port sans faire l'objet d'une déclaration de dédouanement alors que le montant en devises a été transféré vers la Suisse. La même société a déclaré plus de 500.000 euros comme le montant d'une centrale à béton mobile importée alors que le prix réel ne dépasse pas les 180.000 euros. Quant aux deux autres importateurs, l'un a transféré illégalement plus de 10 millions d'euros et fait l'objet de 25 dossiers contentieux, tandis que l'autre a transféré, dans les mêmes conditions, un million d'euros et est poursuivi dans deux dossiers de contentieux. Les pénalités encourues par les trois sociétés dépassent les 14 milliards de DA, précise la DGD. Une autre société qui a importé deux grues est également dans le collimateur des services des douanes qui ont transmis à la justice son dossier portant sur une infraction de change liée à une majoration de valeur de plus de 1,6 million d'euros. Des affaires qui renforcent un peu plus les certitudes du ministre du Commerce, Bekhti Belaib, qui avait déclaré que sur les quelque 60 milliards de dollars du volume global des importations, environ 30% sont entachés de fraude fiscale et de fuite des capitaux vers l'étranger. Une déclaration qui avait suscité une polémique poussant le ministre à «corriger» le tir. Il dira, devant le Sénat, que ses propos ont été mal interprétés par les médias et qu'il fallait comprendre que ce pourcentage représente le montant des factures d'importations et ne faisait pas, «référence au montant global des importations» expliquant cette nuance par le fait que «50% des importations sont effectuées par des entreprises publiques». Cette chasse à la fraude passe, selon Belaïb, par la suppression du Crédit documentaire (Credoc) qui reste, rappelons-le, un moyen de paiement «imposé aux importateurs». «J'ai dit et je redis : il faut sortir du Credoc pour permettre aux importateurs de récupérer leur argent au cas où ils se font arnaquer par leurs fournisseurs en achetant des produits contrefaits ou non conformes», avait-il insisté. Le Credoc, défendu par le gouvernement Sellal, impose de payer à l'avance la marchandise importée, ce qui est supposé éliminer de fait les paiements frauduleux. Les importateurs algériens ont contourné cette contrainte en faisant des virements au profit d'entreprises qu'eux-mêmes lançaient à l'étranger sous des prête-noms, le plus souvent des proches. Par ailleurs, dans le même cadre, en vue d'assainir le commerce extérieur et la sphère commerciale en général, le ministère du Commerce, la DGD et les Impôts (DGI) ont signé, il y a quelques jours, deux accords de coopération pour consolider leurs relations autour de quatre axes jugés importants. Il s'agit de la protection de l'économie nationale, de la santé et de la sécurité du consommateur, la répression des fraudes et les échanges d'informations relatives au commerce extérieur dont les importations essentiellement. Rappelons en outre qu'une brigade centrale mixte avait également été installée par le ministre du Commerce pour une enquête nationale approfondie aux ports, ports secs, aéroports, postes terrestres et entrepôts sous douanes pour s'enquérir des cargaisons bloquées définitivement dans les principaux ports de commerce depuis le début de cette année.