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Ahmed Ouyahia : «Amender une constitution n'est pas un crime»
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 06 - 01 - 2016

«Ce n'est pas un changement de Constitution, c'est un enrichissement qui l'adapte à des circonstances», a déclaré le directeur de cabinet de la présidence de la République. Le ministre
d'Etat qualifie ce projet de «contrat social national rénové» et pense qu'il passera devant le Parlement vers la mi-février.
Le directeur de cabinet de la présidence de la République a animé, hier, une conférence de presse à la résidence El Mithak autour de l'avant-projet de révision de la Constitution. «Je peux être violent dans ma réponse», a-t-il prévenu lorsqu'il lui a été demandé ce qu'il pensait de l'opposition qui dit de ce projet que «c'est un non-événement». Il rappelle que le président de la République a demandé «à tout le monde» de participer dans la révision de la Constitution «parce qu'il ne voulait aucune exclusion, le pays a besoin de rassemblement (…).» Et à ceux qui pensent que «ce n'est pas une Constitution consensuelle», Ouyahia répond «70 à 80% des propositions des personnes, partis, organisations et associations qui ont participé aux consultations ont été reprises dans ce projet». Il estime «si un groupe a refusé de participer, et dit que le pouvoir et les institutions sont illégitimes, la légitimité est donnée par le peuple algérien souverain». Ouyahia rebondit et lâche «ceux qui font de leur propos sur la vacance du pouvoir un programme politique, ça ne mènera pas loin». Il affirme alors «la preuve que le président de la République gère le pays, il reçoit, il suit le travail du gouvernement (…).» Interrogé sur l'existence ou pas de garde-fous pour assurer l'inviolabilité de la Constitution, Ouyahia dit d'abord «je peux qualifier cette Constitution de contrat social national rénové». Pour lui, «la matrice constitutionnelle du pays est restée la même depuis l'indépendance, celle de 76 a repris le modèle de 63 en lui apportant des éléments, celle de 89 a repris la matrice de 76, et 96 a repris celle de 89, en 2001 et 2008, il y a eu un seul amendement (…).» Il affirme alors «l'acte d'amender une constitution n'est pas un crime». La Constitution révisée n'a rien, selon lui, d'une nouvelle Constitution. «On n'a pas changé de Constitution depuis l'indépendance, c'est la même Constitution mais amendée», indique-t-il.
«L'INVIOLABILITE DE LA CONSTITUTION EST UN VECU COLLECTIF»
Il estime qu' «un bouleversement de la Constitution signifierait qu'on a changé de régime, mais on est toujours dans un régime semi-présidentiel». Pour cette fois aussi «ce n'est pas un changement de Constitution mais un enrichissement qui l'adapte aux circonstances», dit-il. «Cette révision est profonde, pas pour répondre aux attentes permanentes de l'opposition mais elle l'est pour la vie des citoyens», ajoute-t-il encore. Le respect ou «l'inviolabilité de la Constitution est un vécu collectif», pense-t-il. Il tente d'en synthétiser les nouveautés et affirme «elle encadre beaucoup plus les droits de l'opposition, elle apporte des garanties supplémentaires à la transparence des élections et consacre la justice sociale et les droits et libertés des citoyens». Il dit encore «l'applicabilité de la Constitution, c'est nous tous».
A une question sur le scepticisme de l'opposition à propos de la transparence des élections, il interroge «la mise en place d'une commission indépendante constitutionnalisée, sans compter les amendements de la loi sur ce sujet en 2004, 700.000 personnes ont encadré les élections, si tout ça ne suffit pas ?!? (…)» Il en conclut «on ne veut pas que l'Algérie parte vers l'anarchie». Il fait savoir qu'il existe 75 partis politiques en Algérie. «S'il y en a encore plus, à quoi cela va changer les aiguilles d'une montre pour le pouvoir ?», interroge-t-il. Parce que pour lui «c'est la justice qui règle les problèmes pas les meetings». Et à propos de l'interdiction des marches dans Alger, il souligne «tant qu'elles se tiennent dans les 47 wilayas, elles se passent bien mais dès qu'elles sont à Alger, on veut casser les vitres parce qu'il y a la presse, en 2014 d'ailleurs, il y a eu des manifestations fascistes». Il estime qu' «une manifestation sereine, c'est une culture, c'est une mutation».
LE PASSAGE DEVANT LE PARLEMENT VERS LA MI-FEVRIER
Le candidat à la présidentielle doit être algérien et vivant en Algérie ou ne vit pas à l'étranger depuis plus de dix ans est une des dispositions retenue dans le nouveau texte. «Et là, c'est la foi la plus faible (oua hadha adhaaf el imane)», dit-il. Ouyahia n'aime pas qu'on parle de 2ème république parce qu'explique-t-il «à chaque nouvelle république, il y a une explosion avant, c'est une expression héritée de la France».
Il pense que le projet révisé pourrait «sous toute réserve», a-t-il précisé, passer devant le Parlement au plus tard à la mi-février. Il passera avant en janvier, «comme projet de loi en Conseil des ministres».Tout de suite après, il sera remis par le président au Conseil constitutionnel pour avis. «Il doit voir si le projet ne remet pas en cause les équilibres et les relations entre les pouvoirs, s'il ne touche pas aux fondamentaux de l'Etat, aux libertés des citoyens, ce qui prendra 10 ou 15 jours», dit Ouyahia. Si le Conseil constitutionnel en atteste la fiabilité du texte dans ce sens, il laisse le projet passer devant le Parlement réuni, sinon, il sera présenté au niveau des deux chambres, chacune à part et s'il est amendé, son adoption se fera par référendum. Le conférencier pense cependant qu' «il y a davantage de raisons pour que le texte passe par le Parlement (sécurité du pays, conséquences d'une crise financière très complexe…)».
Le président de la République aurait, ainsi, selon lui, «respecté la Constitution». Aux questions «pourquoi Madani Mezrag a-t-il été reçu pour les consultations autour du projet et en a-t-il reçu une copie ? Ouyahia répond comme pour ne pas en porter la responsabilité «c'est devenu un fantôme pour la presse, et c'est la presse qui l'a fait».
«POURQUOI UNE OPERATION SUICIDE ?»
Il note par ailleurs que «tout ce qui concerne la justice sociale, la lutte contre la corruption (…), c'est constitutionnalisé». L'Etat continuera de garantir le logement aux couches défavorisées et encouragera en parallèle, selon lui, les coopératives immobilières. «Dans le quinquennat en cours, l'Etat a réservé 3000 milliards de dinars au logement, mais il faut savoir que l'ère du populisme est appelée de plus en plus à fondre d'elle-même.» Il rappelle l'augmentation du prix des carburants qu' «on importe pour 5 milliards de dollars dont 2 vont aux pays de l'Afrique du Nord». La nouvelle Constitution refuse, selon lui, «l'ingérence dans notre économie, tant que nous restons en capacité de souveraineté, personne ne viendra nous dicter quoi que ce soit, avoir de l'association (51/49), parce qu'on a besoin de savoir-faire.»
Au passage, il note que «l'égalité des salaires entre les femmes et les hommes date de l'indépendance, 40% du corps des magistrats sont des femmes, nous avons 5 femmes générale dans l'armée ».
Pourquoi Bouteflika a-t-il attendu de si longues années pour rendre publique cette révision ? «De 99 à 2000, il avait des priorités, la sécurité et la paix, la relance économique, la résolution de nombreux problèmes, en 2011, il y a eu les révoltes dans le monde arabe, mais durant toute cette période, il a fait adopter 12 lois », rappelle Ouyahia.
Probable dissolution du Parlement ? «Elu en 2012, politiquement, l'exécutif a une majorité en son sein, pourquoi alors une opération suicide ?», interroge-t-il. Il ajoute «n'attendez pas du président qu'il touche à la légitimité des institutions».
L'officialisation de tamazight lui fera dire que «pour que ça soit effectif, il faut attendre pour en faire une langue unifiée (kabyle, tergui, chaoui…).» La Constitution prévoit d'ailleurs à cet effet l'institution «d'une académie d'experts pour promouvoir la langue, non de politiques», précise Ouyahia.


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