La diplomatie sahraouie a du pain sur la planche après la visite «historique» du SG de l'ONU dans la région en vue de relancer le dialogue entre le Polisario et le Maroc. L'actualité, pourtant, est venue des monarchies du Golfe, à leur tête Riyad, dont l'ambassadeur à Rabat a tendu la perche aux Marocains en leur promettant d'investir prochainement dans les principales villes du Sahara. Dans les bagages saoudiens, les capitaux en provenance du Koweït, du Qatar et des Emirats. Face à ce renvoi d'ascenseur, Mohamed VI a mis 1.500 soldats à la disposition de la coalition menée par l'Arabie saoudite pour aller combattre au sol contre le Yémen. Un communiqué du ministère sahraoui des Affaires étrangères exhorte les parties du Golfe à renoncer à leurs projets d'investissement «illégaux» dans les territoires occupés qui constituent «une violation flagrante de la charte des Nations unies et de la légalité internationale ». Le communiqué évoque « la décision de la Cour pénale internationale, la Cour de justice de l'UE, l'avis de l'ex-secrétaire adjoint aux affaires juridiques ainsi qu'aux appels du secrétaire général de l'ONU et des organisations internationales » appelant « à la préservation et la protection des ressources du peuple sahraoui jusqu'à la décolonisation de ce territoire ». Le Polisario demande à ces parties de plutôt œuvrer « à faire avancer le processus de paix ( ) en soutenant les efforts de l'ONU pour la relance des négociations pour l'organisation d'un référendum d'autodétermination du peuple sahraoui ». Conscient que son appel ne sera certainement pas pris en compte par les pays du Golfe, le Polisario a affirmé qu'il prendra, face à ces violations, « toutes les mesures nécessaires et saisira les juridictions internationales », comme ce fut le cas pour la Cour de justice de l'Union européenne. La CJUE, rappelons-le, a annulé l'accord agricole entre l'UE et le Maroc conclu en 2012 suite à une plainte déposée par le Polisario au motif que l'accord incluait le Sahara occidental occupé. De son côté, le ministre sahraoui délégué pour l'Europe, Mohamed Sidati, a lancé, hier, un appel à l'UE pour soutenir efficacement les résolutions de l'ONU qui pourvoient à l'autodétermination de son peuple. Dans une lettre adressée à la Haute représentante de l'UE aux Affaires étrangères et la Politique de sécurité, Federica Mogherini, Sidati met Bruxelles devant ses responsabilités et l'invite à ne pas faire cas de la « propagande de Rabat » qui vise à « faire obstruction au processus de paix mis en place par l'ONU ». Rappelant la décision de la CJUE, il a estimé que l'Europe ne doit pas permettre au royaume marocain d'« agir dans l'impunité, ni céder à ses pressions grossières ». Rabat avait décidé de geler ses relations avec Bruxelles aux lendemains du verdict de la Cour de justice européenne. Le ministre sahraoui a également mis en garde l'UE contre la tentation de « faire obstacle aux décisions de la Cour de justice », l'invitant plutôt à « les mettre en application en excluant désormais le Sahara occidental de tout accord » avec le Maroc. Le conseil de l'UE avait fait appel de la décision d'annulation de l'accord agricole conclu avec le Maroc. Sidati a tenu à rappeler clairement en direction de Bruxelles que « le Maroc ne dispose d'aucun droit d'exploiter ses richesses naturelles ou autres ». Dans sa lettre à Federica Mogherini, le ministre plaide aussi la cause des prisonniers politiques sahraouis détenus dans les prisons marocaines. Il a demandé aux instances de l'UE d'intervenir pour procéder à la «libération immédiate » de ces prisonniers et de « cesser toute répression » à l'encontre des populations civiles. Selon Sidati, 59 prisonniers politiques sahraouis sont aujourd'hui dans les prisons du royaume et plusieurs sont morts par négligence ou mauvais traitements dans ces mêmes prisons depuis 2013. De leurs côtés, les prisonniers politiques sahraouis du groupe de Gdeim Izik, incarcérés à la prison de Salé au Maroc, ont entamé le 1er mars dernier une grève de la faim illimitée pour protester contre leur détention arbitraire depuis plus de 5 ans. Tous, civils et militants pacifiques, pour la liberté et l'autodétermination du peuple sahraoui, ils ont été condamnés par un tribunal militaire le 17 février 2013 à des peines allant de 20 ans jusqu'à la perpétuité, sur la seule base d'aveux obtenus par la police sous la torture, comme l'ont attesté les accusés sans que les juges aient estimé utile d'enquêter sur ce point.