La reprise de Palmyre des mains de Daech par l'armée gouvernementale syrienne ainsi que les défaites militaires infligées aux hommes d'El Baghdadi en Syrie et en Irak n'ont été rendues possibles que grâce aux combats au sol, presque un corps à corps, soutenus il est vrai par les frappes aériennes. L'intervention de la Russie a été prépondérante dans l'équilibre des forces, dans un premier temps, en tenant en respect les forces de la coalition anti-Daech qui avaient également El Assad en point de mire, puis dans la contre-offensive opérée par l'armée de Damas. En Libye, la situation est plus compliquée puisqu'en l'absence d'un gouvernement d'union nationale effectif, toute intervention militaire occidentale reste du domaine de l'aventurisme. Si en théorie ce gouvernement existe, né au Maroc en vertu d'un accord parrainé par l'ONU, sa légitimité pose problème. Et un gros. En effet, l'Occident ne veut pas revivre le scénario syrien en engageant la bataille sur deux fronts. Et contre Daech et contre Tripoli qui a clairement affiché son refus de toute intervention qu'elle n'aurait pas cautionnée en amont et sa volonté de la combattre la considérant comme force d'occupation. Et ce qui complique davantage la situation, à l'avantage de Daech, c'est cette incapacité chronique du gouvernement de Fayez al-Sarraj, presque imposé par la force des choses aux Libyens par la coalition anti-Daech, à gouverner réellement. Un gouvernement mis en place à la suite d'un accord politique signé fin 2015 au Maroc par des députés de Tripoli, non reconnu par la communauté internationale, et de Tobrouk, malgré l'opposition des chefs de ces institutions. Au milieu, des ministres qui ne résident même pas en Libye, au même titre que leur chef, qu'on cherche à installer dans la capitale libyenne. Un scénario au forceps pour donner une légitimité internationale à l'intervention occidentale en Libye et surtout pour unifier une force armée capable de prendre le relais sur le sol comme ce fut le cas pour l'Irak et la Syrie, toutes proportions gardées. En plus de reconnaître ce gouvernement comme leur seul interlocuteur légitime en Libye, les grandes puissances se sont engagées à lui fournir un soutien financier, voire une assistance militaire pour lutter contre Daech qui menace les champs pétroliers du pays. Mais à trop vouloir tirer sur la corde, elle risque de se rompre et le recul serait encore désastreux pour les Libyens qui peuvent se balancer dans une troisième guerre civile pour peu que la mise en place du gouvernement en question se fasse à la force des armes à Tripoli. Un scénario très envisageable puisque Fajr Libya, une coalition de milices dont certaines islamistes qui contrôlent la capitale depuis 2014, a décrété «l'état d'urgence maximal». Les observateurs se demandent, légitimement, si la communauté internationale est prête à intervenir militairement contre les milices de Fajr Libya pour imposer le gouvernement d'union nationale. Et c'est là tout le danger.