Cette organisation doit sa force aux divisions qui minent le pays et à la multiplication des milices qui s'allient entre elles au gré des intérêts du moment et des fragiles équilibres tribaux. La ville de Syrte est totalement tombée, hier, entre les mains des terroristes de l'organisation de l'Etat islamique (EI/Daech), ont rapporté les médias libyens en ligne. Les dernières brigades de Fajr Libya n'ont pas résisté longtemps devant l'assaut de Daech qui s'est emparé, dans la matinée d'hier, d'une station de production d'électricité située dans la partie ouest de cette ville côtière, qui constitue un des plus importants bassins pétroliers du pays. Ce qui expliquerait, en partie, la volonté de Daech à s'y établir, aidé, selon plusieurs sources, par les partisans de l'ancien régime du défunt guide Mouammar Kadhafi, lui-même natif de Syrte. Cette analyse recoupe aussi avec les récentes informations faisant état d'une éventuelle intervention militaire américaine ciblée contre les positions de Daech, sous prétexte de protéger les installations pétrolières contre ce mouvement terroriste. L'Etat islamique a usé du même stratagème en Irak et en Syrie où il se finance grâce aux revenus engrangés de l'exploitation du pétrole, vendu au marché noir à des prix très bas. Les éléments de Daech s'étaient déjà emparés de la base aérienne d'Al-Qardabia, où se trouve aussi l'aéroport international de Syrte, à l'issue d'un meurtrier face-à-face avec la brigade 166 de Fajr Libya, la coalition de milices islamistes qui a formé un gouvernement parallèle à Tripoli depuis septembre dernier. La chute du dernier bastion de Fajr Libya, à Syrte, va beaucoup peser sur les discussions qui auront lieu, aujourd'hui, à Berlin, entre les membres du Conseil de sécurité de l'ONU, les délégations libyennes et les pays voisins de la Libye. Alors qu'une nouvelle mouture du plan de sortie de crise pacifique a été soumise par l'ONU aux délégations libyennes à Skhirat (Maroc), cette nouvelle victoire de Daech à Syrte remet sur la table la question d'une intervention étrangère ciblée en Libye. Car cette organisation terroriste a fait part de son intention d'étendre son territoire dans le nord du pays. Dans son viseur, il y a deux principaux objectifs : la capitale Tripoli et Benghazi. Daech peut compter sur ses éléments qui contrôlent Darna (Est), qu'il a déclarée comme la capitale du califat autoproclamé en Libye, pour se lancer dans la conquête de Benghazi, contrôlée en partie par l'armée libyenne de Khalifa Haftar et d'autres milices issues de différentes tribus et sensibilités politiques libyennes. Les cibles choisies par cette organisation sont aussi en lien avec le contrôle des champs et ports pétroliers, majoritairement situés dans la partie nord du pays, appelée le "Croissant pétrolier" et s'étendant justement de Syrte jusqu'à Benghazi. Dans ce bassin, les villes d'Al-Sadra, de Ras Lanouf et d'Al-Bariqa, qui disposent d'importantes infrastructures portuaires, sont le programme de conquête de Daech dans les jours et semaines à venir. Si aucune avancée politique n'est enregistrée d'ici à la semaine prochaine, les terroristes de l'EI continueront d'étendre leur territoire vers l'Est libyen. Car l'organisation de l'Etat islamique doit sa force aux divisions qui minent le pays et à la multiplication des milices qui s'allient entre elles au gré des intérêts du moment et des fragiles équilibres tribaux. L.M.