Paradoxale est la situation en Libye. En effet, la communauté internationale, l'Algérie y compris, attend avec impatience la formation d'un gouvernement d'union nationale. Mais les raisons diffèrent. Pour la coalition militaire anti-Daech, la légitimité d'un gouvernement reconnu par tout le monde lui conférera ce parapluie juridique pour intervenir en force contre les hommes d'El Baghdadi qu'on estime entre 3.000 et 5.000 combattants. La pression exercée sur Daech en Irak et en Syrie, notamment après l'intervention russe, a en effet poussé l'organisation terroriste à changer de terrain de jeu. Les champs pétroliers libyens et l'absence d'un Etat fort font le reste. Par contre, pour l'Algérie, la Tunisie et quelques rares autres pays, la présence d'un gouvernement d'union nationale rendra au pays un début de stabilité qui pourra lui permettre de combattre Daech. La communauté internationale, tout en appelant à agir dans l'urgence, rappelle les conséquences d'interventions sans lendemain causant plus de dégâts qu'elles n'en résolvent. La référence est toute faite à l'intervention militaire française, forçant la main à l'Otan, détruisant la Libye à l'instigation d'un intellectuel fantoche. Si en apparence la solution militaire est celle préconisée, la situation sur le terrain est loin de répondre à une unanimité autour de cette option. Les deux gouvernements en place dans la région, celui de Tobrouk, reconnu par la communauté internationale et défendu par les hommes du général Hafter, et celui de Tripoli, l'instance politique des milices islamistes de Fajr Libya, sont contre une intervention étrangère, chacun pour des raisons qui lui sont propres. Tobrouk refusant toute opération sans son quitus au préalable alors que Tripoli promet de combattre toute invasion étrangère. C'est dire si la situation est inextricable en présence de deux gouvernements diamétralement opposés dans l'attente d'un gouvernement d'union nationale qui doit avoir la bénédiction de Tobrouk et Tripoli. La coalition, qui sait qu'elle ne peut théoriquement pas intervenir en dehors de l'autorité onusienne, fera-t-elle fi de la légitimité internationale en intervenant en Libye ? La tentation est grande quand on connaît l'arrogance américaine qui frappe là où elle estime qu'il y a danger contre ses intérêts. La coalition ne veut surtout pas s'embourber dans le désert libyen et envoyer ses soldats sur le sol d'où ce gouvernement qui doit unifier tous les combattants libyens pour les envoyer aux premières lignes contre Daech. L'intention première est de trouver «un partenaire viable sur le terrain» comme les Kurdes ou les armées régulières en Irak et en Syrie. Quant aux mises en garde de l'Algérie, elles compteront pour du beurre pour peu que les Américains décident d'attaquer.