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Pourquoi ne veut-on pas changer ?
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 07 - 04 - 2016

«Il est manifeste qu'un seul homme en apparence désarmé, mais qui ose crier tout haut une parole véridique, qui soutient cette parole de toute sa personne et de toute sa vie, et qui est prêt à le payer très cher, détient, aussi étonnant que cela puisse paraître et bien qu'il soit formellement sans droits, un plus grand pouvoir que celui de milliers d'électeurs anonymes». (1) Si j'ai repris à mon compte cette citation du penseur et homme politique tchèque Vaclav Havel (1936-2011), c'est pour souligner à quel point l'occupation de l'espace public par les masses et l'engagement de tout un chacun dans la société est non seulement le signe de l'éveil des consciences mais aussi et surtout le prélude au progrès. La contribution citoyenne, fût-elle celle d'un simple individu, à l'édification de la citadelle nationale est nécessaire. Rappelons à ce titre le célèbre vers «le petit caillou» du poète libanais Elia Abu Madhi (1889-1957). Celui-ci (le petit caillou) se plaignait à longueur de journée de l'inutilité de son existence sur terre, souhaitant quitter à tout prix le mur du barrage qui soutint «La Ville Blanche». Or, dès son départ, des inondations emportèrent cette dernière. C'est dire combien chaque citoyen, peu importe son rang ou son statut, vaut son pesant d'or. En effet, constater qu'aujourd'hui l'algérien est fataliste fend le cœur et nous plonge dans le découragement et la lassitude. Un fatalisme qui s'accompagne le plus souvent de fausse religiosité et de formules de bondieuseries telles que «Allah Ghaleb», «Mektoub» «Maâlich», etc. Mais pourquoi ne réagit-on pas à ce qui nous touche et nous blesse? Pourquoi laisse-t-on la solidarité traditionnelle qu'on a héritée de nos grands-parents s'étioler? Pourquoi manque-t-on de volonté, d'organisation et de mobilisation?
Pourquoi ne pense-t-on pas à changer les choses, du moins dans le rêve, et aller de l'avant? Sommes-nous des ruraux, des citadins, des sous-développés, des modernes, des tribalistes, des régionalistes, des nationalistes, des mondialistes, etc? Où nous classons-nous pardi? Et puis, pourquoi les autres avancent (je pense ici aux pays émergents ou développés pourtant moins dotés pour la plupart de ressources naturelles par rapport à nous) alors que nous, nous reculons? Pourquoi... et pourquoi? S'agit-il d'un problème d'idées, de prédisposition au changement, de coutumes archaïques, de culture, de civilisation, etc.,?
Des questions de ce genre en Algérie, on en trouve chaque jour des dizaines, voire peut-être des centaines! Mais pas de retour d'ascenseur ni d'action par la suite. Des questions d'autant plus intéressantes qu'elles soulèvent le nœud gordien de notre malheur : l'inaction de la société civile, la pulvérisation de l'autorité des pouvoirs locaux, l'absence de comités de quartier, le blocage, sitôt qu'elles émergent, de toutes les initiatives citoyennes, l'amoncellement des problèmes de mentalité, de comportements et du manque du savoir-vivre, la corruption qui progresse, la routine bureaucratique qui tue, etc.(2). Cette inertie tantôt voulue et «préméditée» d'en haut, tantôt venant spontanée d'en-bas s'inscrit malheureusement dans la durée. Elle se pose d'abord au niveau individuel. Comment? Invité récemment sur un plateau-télé d'une chaîne privée, un député algérien s'est interrogé comment un citoyen peut-il aller au théâtre ou au cinéma, si tant est que les deux d'ailleurs existent, alors que celui-ci n'arrive pas à joindre les deux bouts vu la cherté de la vie ni ne mange parfois à sa faim. Face à son interlocuteur qui insiste sur le rôle de la culture dans la société, le député maintient le cap et défend jusqu'au bout son point de vue. A bien y regarder, les deux intervenants ont raison et en même temps tort d'autant que si l'on veut avancer, il faut bien d'abord se cultiver, connaître ses repères, ses droits, ses devoirs, etc., et si l'on veut se cultiver, il va falloir disposer au moins d'un minimum social, un seuil de survie, de l'argent quoi! Bref, dans un cas comme dans l'autre, le citoyen est appelé à réclamer et à chercher ses droits, manifester sa désapprobation et protester auprès des services publics, des collectivités locales et des exécutifs communaux lorsqu'il se rend compte que ceux-ci sont inopérants ou dès qu'il se confronte à des anomalies administratives. En un mot, il s'agit d'une mobilisation individuelle, puis collective «des énergies plurielles» dans les normes pour le bien-être de tous. Or la vacance injustifiée de nos pouvoirs publics sur le terrain social est un handicap majeur pour l'ouverture culturelle ou la démocratie participative. Le laxisme, l'incompétence managériale et la corruptibilité des cadres étatiques ont enterré à jamais les discours officiels, déjà si velléitaires, sur la proximité, le développement, la bonne gouvernance et le reste. Ce ne serait pas du tout étonnant alors si la délinquance gagnait de plus en plus du terrain dans nos cités, nos villes et même dans nos propres villages. En somme, tout étant lié : la pauvreté, l'inculture, le chômage, l'insertion dans la société, la violence, le sous-développement...la dictature.
Dans un récent ouvrage, l'intellectuel et traducteur japonais Nobuaki Notohara aura mis en exergue quelques unes des failles du Monde Arabe. Le problème de «l'honneur» dans la société figure en première position. Il aurait selon l'auteur profondément fragilisé les relations sociales entre les individus, les familles et les Etats. (3) En ce sens que le recours par la communauté des citoyens à des moyens coercitifs non légalisés mais s'inspirant de leur substrat tribal s'est transformé en rituel. Cela relève à l'évidence «des survivances de la culture tribale» dans le sang et des graves dérives du patriarcat traditionnel. Le plus dramatique, c'est lorsque ces métastases s'agrègent à l'absence de la justice. Et l'absence de justice mène à l'anarchie. Le résultat est un secret de Polichinelle : le sacrifice des génies par des élites serviles, l'exil des hommes de valeur et la domination de la médiocratie que favorisera «le meurtre de la raison» et la répression érigée en moyen du règlement des conflits sociétaux. Comment tout cela était-ce possible? Notohara est catégorique là-dessus : le rejet de la critique. Les Arabes ne se remettent jamais en cause, ne corrigent pas leurs erreurs, ne regardent pas en arrière ni ne se projettent dans leur psyché et l'avenir. Ils sont hors d'eux-mêmes, hors de l'histoire, hors du circuit de la civilisation, hors de la modernité. Or quand on puise ses idées de l'extérieur de nous-mêmes et de notre environnement, on s'épuise et on s'éteint de l'intérieur dans la mesure où l'on porte sur les épaules «une identité d'emprunt», du moins symboliquement, qui pèse trop sur notre subconscient mais qui ne résiste guère à nos maux, les vrais.
Ce faisant, on vit tels des OVNI dont les ailes sont alourdies par nos peurs, nos vulnérabilités, nos fragilités, nos défaillances, nos errements historiques. Des tares qui nous tiennent, malgré nous, compagnie et dont on serait dans l'incapacité de disséquer ni d'affronter les conséquences! L'auteur aura constaté que partout où il était allé depuis 1974 (il a pour rappel séjourné dans les pays arabes pendant un peu plus de 30 ans), les Arabes abusent de la notion de démocratie alors que cela ne signifie dans leur réalité subjective qu'une seule chose : la répression et l'absence de démocratie.
Autant dire, pas de livres, pas de cinémas, pas de liberté de parole, pas de droits pour la femme, pas de mixité dans les lieux publics, et surtout beaucoup de prisonniers d'opinion à l'égard desquels la société montre, hélas, peu de compassion et de reconnaissance. Pire, les gens dans les villes ne sont nullement heureux et leur silence en dit long sur leur malaise. Mais ils seraient quand même comme fascinés par l'unicité des modèles, des opinions, des idées, des habits, des habitudes et des mœurs comme celle que manifestent d'ailleurs leurs gouvernants à leur égard en politique. Ils n'accepteraient la différence que si elle était imposée par la force. Et là toute autonomie personnelle perd de son sens, laissant la place vacante à l'irresponsabilité, laquelle devient un dénominateur commun pour des générations de jeunes perdus (là, il cite le saccage des parking publics, le peu de soin porté à l'hygiène des espaces à l'extérieur, les incivilités, etc). Ces réflexes raffermissent somme toute «l'esprit grégaire», déjà latent parmi les populations à cause des effets de la colonisation, les rendant soumises à leurs nomenclatures. Le réquisitoire de l'auteur est dressé, bien sûr, en comparaison avec sa société d'origine. Il affirme par exemple qu'au Japon, le citoyen travaille avec le cœur et n'attend jamais son patron pour le contrôler ou le surveiller. Et s'il montre du zèle et d'enthousiasme, c'est que l'exigence d'être exemplaire et tendre au bien-être collectif fait partie de ses principes. Et que, par-dessus le marché, le sacrifice étant une vertu cardinale. Chose impossible dans la réalité arabe. Les employés font de l'esquive et de «la compétition des égoïsmes» une pratique sportive. En plus, l'oisiveté massive des jeunes étant un fait accompli devant lequel les autorités affichent un mépris et une condescendance inimaginables. En gros, les valeurs de solidarité, de ponctualité et du civisme n'étant guère les mêmes.
«C'est un curieux peuple. Dès leur réveil, ils se consacrent à la perfection de ce qu'ils réalisent. Je n'ai jamais vu une telle discipline. Je suis surpris d'apprendre que le mot «Samouraï» veut dire servir […] Se consacrer entièrement à un ensemble de principes moraux, rechercher la tranquillité de l'esprit...» C'est ce que dit, emprisonné, le personnage du capitaine Nathan Algren, incarné dans le film «Le Dernier Samouraï» du réalisateur Edward Zwick par l'acteur Tom Cruise. Le secret de cette alchimie sociétale superbement réussie ! Le principe du «Bushido». Un précieux code d'honneur tenu pour référence censuelle par tous les japonais et par le biais duquel le guerrier de l'Empire Nippon «le Samouraï» aurait célébré la droiture, la moralité et le courage. Bref, selon cette sagesse ancienne, rien n'est acquis sans des concessions sur soi en faveur des autres et une prise altruiste, pragmatique et effective sur le réel, les traditions, la modernité, les autres, la société et les mortels. C'est pourquoi, il est justement primordial de lier passé et futur, tradition et modernité, mémoire et espoir. Et de tenir compte du fait que la naissance d'hommes providentiels n'est, en aucune façon, une fin en soi en cette ère mondialisée «La globalisation dixit l'essayiste Alain Minc fabrique ses vainqueurs et ses vaincus […] Abonnés au statut de victimes, ces pays n'ont aucun moyen de peser sur le cours des choses, hormis les craintes que suscite une émigration mal-maîtrisée vers les pays riches. Leur arme principale ne leur appartient pas : c'est la mauvaise conscience des nantis»(4). Bien entendu, les pays auxquels se réfère l'auteur sont les nôtres qui se font victimes, se rapetissent et réagissent souvent sous pression au lieu d'agir, leur unique voie vers le salut. Et parallèlement, le défaut de la cuirasse de nos intellectuels, c'est qu'ils s'adressent dans leurs digressions philosophiques à «des peuples imaginaires» qui les rejettent. Des peuples ne pouvant «pragmatiquement» exister car peu structurés, peu mobilisés, peu conscients et surtout peu modernistes. Or c'est faire preuve d'une naïveté extrême et d'une ignorance délibérée que de croire que le changement adviendra dans ces conditions-là.
Renvois
(1) Une citation reprise dans l'excellent ouvrage de Isabelle Fontaine, Le Courage, Comment l'activer? Un Monde Différent, Le Québec, Canada, 2014.
(2) Voir mon article, «Comment la bureaucratie tue-t-elle l'humain en Algérie?», Réflexion du 10 octobre 2015
(3) Nobuaki Notohara, Les Arabes, un point de vue japonais, Dar Al-Jamal, Beyrouth, Liban, 2003
(4) Alain Minc, Ce monde qui vient, Grasset, Paris, 2004


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