Le vice-président du Conseil économique et social (CNES) Mustapha Mekideche ne prend pas de gants pour dénoncer des lobbies et des 'intérêts'' qui bloquent l'économie nationale, et profiteraient même de la crise économique actuelle. Il a indiqué hier mardi à la radio Chaîne 3 concernant le modèle de croissance que le gouvernement a proposé pour sortir de la dépendance des hydrocarbures que la vraie question est ''l'effectivité de sa mise en œuvre et son agenda'', d'où la nécessité de faire des priorités dans cet agenda'', a-t-il ajouté. Il s'interroge : 'cela fait deux ans que la crise née de la baisse des prix des hydrocarbures s'est développée, qu'a-t-on fait pour prendre la mesure de la crise ?'' Pour lui, 'il faut faire un premier bilan, car l'ampleur et la durée de la crise a été sous estimée.'' Ce n'est que dans la loi de finances 2016 qu'on a pris la mesure de l'ampleur de la crise'', a-t-il estimé avant de relever que le déficit budgétaire pour 2016 sera revu à la hausse, et va passer d'une prévision de 25 milliards de dollars à 30 milliards de dollars en fin dexercice. Dès lors, 'il va falloir donc trouver d'autre recettes budgétaires, l'inertie fait que l'on a du mal à mettre en place les engagements budgétaires, améliorer le climat des affaires'', souligne M. Mekideche qui constate que 'cela n'a pas bougé, dont le foncier qui traine, on ne voit pas les choses aller aussi vite que prévu, on perd trop de temps, les viscosités bureaucratiques l'emportent''. En fait, constate le vice-président du CNES, 'le foncier est pris en charge par les finances, mais on sent que les choses ne bougent pas, il faut faire sauter ces verrous''. Il fait en outre le constat amer que 'deux ans après le début de la crise, notre capacité de résilience a baissé, et il faut que d'autres moteurs de la croissance soient allumés, car sur le plan du diagnostic, tout le monde est d'accord, mais sur la mise en œuvre, il y a des inerties, des lobbies, et il faut mettre à plat ces questions'', affirme t-il, avant de préciser qu'''il faut aller au fond des choses et dire les choses comme elles sont.'' Sur les subventions de l'Etat, il estime qu'il faut 'faire la mise à plat des subventions, la lutte contre le gaspillage, dont l'énergie'', car selon lui, 'les prix restent faibles pour l'électricité et les carburants'', avant de relever que la hausse des prix de l'électricité préconisée par l'ex-PDG de Sonelgaz et actuel ministre de l'Energie Nouredine Bouterfa 'est une démarche tout à fait acceptable.'' 'Etre un modèle social, ne doit pas signifier gaspillage'', estime le vice-président du CNES pour qui il faut mobiliser les élites politiques sur ce dossier, car il relève qu'il y a 'des comportements politiques qui n'ont aucune relation avec la crise économique.'' Pour lui, 'les solutions ne sont pas seulement techniques, mais politiques également, il faut un dialogue politique pour trouver les minimas pour sortir de la crise'', préconise t-il, avant de constater que 'sur le plan politique, les choses sont loin de ce qu'elles doivent être'', et même si les prochaines échéances électorales sont proches, cela ne l'empêche pas de rappeler que la crise économique 'devrait faire l'objet d'un dialogue politique sérieux, pour le reste, que le meilleur l'emporte.'' Sur le code des investissements actuellement en débat, il a souligné que 'la question n'est pas un nouveau texte, mais la mise en œuvre d'une administration réactive aux nouveaux investissements. Ce texte va simplifier les choses plutôt que les compliquer, mais le problème c'est son application pour ne pas freiner l'acte d'investir. Il faut casser ces comportements''. Il a rappelé ainsi la dernière réunion avec les walis pour libérer le foncier, 'mais une année après, on voit qu'il y a des blocages, l'inertie.'' Mustapha Mekideche n'hésite pas à pointer du doigt la responsabilité et le rôle du ministère des Finances dans le règlement de ce dossier, car il a en son sein 'l'administration des domaines, et il doit y avoir des réformes fortes pour faire avancer les choses.'' Sur le chapitre des banques, il souligne également qu'il ne faut pas 'un an pour répondre à un investisseur, s'il est éligible à un crédit bancaire. C'est inacceptable qu'un crédit fasse plus d'un an. Il faut que le métier s'adapte à la réalité du marché, car si la crise s'élargit, elle va toucher les banques.'' Sur les dépenses publiques, il explique que 'la trajectoire actuelle des (dépenses publiques) soit au même niveau que celle de 2016'', car 'en 2018, les marges de manœuvre seront difficiles, et il faut alors que la fiscalité pétrolière arrive à la moitié du budget de l'Etat, et il faut savoir ce qu'il y a comme richesses hors hydrocarbures et les mettre en œuvre sur le terrain.'' Il s'agit là de 'réponses concrètes qu'il faut mettre en œuvre sur le terrain'', explique encore M. Mekideche pour qui 'il faut s'inquiéter pour les trois prochaines années, même si la situation devrait s'améliorer d'ici 2020 sur le plan des prix des hydrocarbures. Mais, en attendant, sur les trois ans qui viennent, si on n'arrive pas à stabiliser la situation en allumant d'autres moteurs de la croissance, on va laminer beaucoup de choses, comme le niveau de vie des ménages, les entreprises .''. Et puis, il y a cette affirmation : 'ce qui m'inquiète, c'est la gestion à court et moyen terme d'ici 2020, les solutions existent, mais le problème, c'est qu'elles touchent des intérêts, et qu'il faut exploser ces verrous pour aller vers des solutions, qui existent.'' 'Comment appeler des entreprises à investir quand elles sont sur des niches de rente, qui leur permettent de produire beaucoup d'argent sans faire beaucoup d'efforts ?'', s'interroge le vice-président du CNES, qui revient sur l'exemple des concessionnaires : 'l'activité a été complètement abandonnée pendant quatre ans sans que cela ne gêne personne, et maintenant on revient aux cahiers des charges, avec les difficultés d'arbitrage car il y a des intérêts derrière et qui sont puissants.'' Pour M. Mekideche, 'libéraliser oui, favoriser l'investissement oui, mais il faut mettre en place les règles du jeu, comme le conseil de la concurrence, qui doit retrouver ses prérogatives pour l'émergence des meilleurs dans les affaires''. En outre, il préconise de rendre transparents les chiffres, 'publier l'ensemble des chiffres pour illustrer l'ampleur de la saignée. Il va falloir fermer ces robinets de rente, et puis, ajoute-t-il, il y a un prix à payer pour cette crise à partir pour l'ensemble des forces sociales, mais pour que cela soit accepté, il faut la transparence et l'égalité.'' Enfin, sur le dernier remaniement ministériel, il estime que 'je ne crois pas que les changements de personnes puissent être la solution à la crise. C'est dans la mise en œuvre réelle que les questions se posent, c'est-à-dire sur la mise en œuvre de la feuille de route de Sellal.''