La tension actuelle sur le lait en sachet, observée ces derniers jours, dans plusieurs wilayas, en particulier dans la wilaya d'Alger, n'a pas lieu d'être, estime le ministre de l'Agriculture Abdeslam Chelghoum, pour qui cette pénurie est «organisée». «Je suis formel : dans les conditions actuelles, il ne peut pas y avoir de pénurie de lait et si celle-ci venait à se manifester, cela voudra dire qu'elle est organisée», a-t-il soutenu, lors d'un point de presse, à l'issue d'une visite de travail, jeudi, dans la wilaya de Aïn Defla. Selon le ministre de l'Agriculture, département en charge de la filière lait, la quantité (de poudre de lait, Ndlr), qui est, aujourd'hui, attribuée aux laiteries, suffit largement à couvrir les besoins de la population, en sachets de lait. «La survenue d'une pénurie ne pourra qu'attester que le produit attribué n'a pas été utilisé à la fin à laquelle il était destiné initialement.» «Les informations dont je dispose attestent que l'organisme chargé d'attribuer des quotas de poudre de lait aux laiteries, fussent elles publiques ou privées, ont pêché par une exagération dans l'utilisation de ce produit par rapport à la consommation de la population», a-t-il précisé. Il a, cependant, reconnu que le ministère n'a fait que rationnaliser les attributions et procéder à la redistribution de la poudre de lait, en fonction de paramètres rigoureusement définis, affirmant que son département « ne restera pas les bras croisés dans le cas où la preuve d'une manoeuvre venait à être démontrée ». De son côté, le directeur général de l'Office national interprofessionnel de lait (ONIL), Fathi Messar, a affirmé que cette pénurie de lait en sachet n'est pas due à une réduction des quotas de poudre de lait, mais a été provoquée par certaines laiteries. C'est le résultat d'une enquête ayant constaté des irrégularités, a-t-il ajouté. Les commerçants et revendeurs au détail du lait en sachet, à Alger, ont pointé du doigt un rationnement de la poudre de lait aux laiteries pour expliquer cette « énième »' pénurie de lait en sachet. Or, « il n'y a pas eu de réduction de quotas, mais un réajustement », reconnaît M. Messar. Dans la capitale, l'ONIL a réduit de 6% les quotas de poudre de lait aux laiteries. « Ce qui est insignifiant par rapport aux 2.220 tonnes distribuées, mensuellement, à travers les laiteries de la wilaya d'Alger », a-t-il dit, avant de relever que « cette légère réduction ne peut pas créer une telle perturbation ». Selon lui, il s'agit « plutôt de la provocation », et précise que ce ne sont pas toutes les laiteries qui sont concernées par cette réduction. Le directeur général de l'ONIL a expliqué, en outre, que cette « ponction a été opérée suite aux résultats de l'enquête menée par une commission intersectorielle pour vérifier l'utilisation et la traçabilité de la poudre de lait subventionnée, par l'Etat et vendue aux transformateurs pour produire du lait en sachet. » Il accuse en outre « certains producteurs, qui essayent de mettre la pression pour que nous revenions sur nos décisions ». « Il y a des intérêts qui ont été touchés par cette enquête, ce qui a provoqué cette perturbation », affirme M. Messar en assurant que les quantités produites, quotidiennement, suffisent largement pour couvrir la demande, alors que l'Office dispose également, d'un stock de poudre de lait, lui permettant de couvrir la demande jusqu'en juin 2017. L'enquête de la commission intersectorielle a touché plus de 100 laiteries privées et publiques et a révélé « beaucoup d'irrégularités » dans l'utilisation de la matière première subventionnée destinée à la production du LPC, selon M. Messar, dont la fraude dans la quantité de poudre utilisée pour la production du lait en sachet, qui est inférieure aux normes exigées. En clair, les soupçons vont vers l'utilisation de cette poudre « gagnée » sur un litre de lait en sachet pour la production de produits dérivés (fromage, yaourts, petit-lait, lait caillé...). Sur les 190 laiteries de la filière, l'Onil est lié à une centaine de transformateurs dont 15 unités publiques, qu'il approvisionne en poudre de lait destinée, uniquement, à la production du lait en sachet. Le kilogramme de poudre de lait est cédé par l'Office à 157 DA, alors qu'il est acheté sur le marché international à plus de 300 DA le kg. Le montant de la subvention de lait s'est établie à 32 milliards de DA, en 2015 contre 47 milliards DA en 2014. Les importations de poudre de lait ont été, par ailleurs réduites, de 34,2% en valeur et 18% en volume, au 1er semestre 2016. Selon un bilan des douanes, la facture des importations de lait a baissé à 414,2 millions de dollars, au 1er semestre 2016 contre 630 millions de dollars à la même période, en 2015, soit une baisse de 34,2%. En volume, ces importations, au 1er semestre 2016 sont de 172.902 tonnes contre 210.303 tonnes, en 2015, soit une réduction de près de 18%. La production laitière actuelle de l'Algérie est estimée à 3,5 milliards de litres de lait cru par an. Elle en importe l'équivalent de 1,5 à 2 milliards de litres, sous forme de poudre, alors que la consommation est estimée à plus de 5 milliards de litres/an, selon des chiffres du ministère de l'Agriculture.