Le choix du président de la République du ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme pour assurer l'intérim du ministre du Commerce n'a rien d'anodin. «Il est justifié par des raisons importantes,» nous renseigne un responsable d'une importante institution. C'est sur une décision «réfléchie» du chef de l'Etat que Abdelmadjid Tebboune a été désigné, mercredi dernier, intérimaire de Bakhti Belaïb, qui depuis, plusieurs jours, se trouve à Paris pour des soins intensifs. Le ministre du Commerce a de sérieux problèmes de santé, depuis près d'une année. Ses déplacements dans la capitale française pour des soins sont devenus, depuis, réguliers. Belaïb s'était même trouvé très mal lors d'un des derniers conseils des ministres. Il avait, alors, été évacué vers l'hôpital militaire de Ain Naâdja et transféré, plus tard, sur Paris. C'est ce qui s'est aussi passé il y a près de trois semaines. Bien que les médecins avaient interdit toute visite au patient, le Premier ministre avait tenu à se déplacer à Ain Naâdja pour s'enquérir, en personne, de son état. L'on lui reconnaît une grande disponibilité à aider son ministre depuis qu'il sait qu'il est souffrant. Abdelmalek Sellal a été, ainsi, le seul responsable à l'avoir vu avant son évacuation sur Paris à bord d'un GLAM. C'est le président de la République qui avait instruit son personnel pour que Belaïb soit, pour cette fois, transporté par un avion appartenant au Groupe de liaisons aériennes ministérielles (GLAM). (Pour ses précédents déplacements, le ministre prenait des vols réguliers). «Il faut admettre que l'humanisme du président de la République n'a pas de limite, il a donné des instructions fermes pour que le ministre du Commerce soit bien pris en charge, » nous dit le même responsable. Humains qu'ils sont tous les deux, Bouteflika et Sellal ménagent beaucoup Belaïb. Ils savent que le ministre du Commerce, malade qu'il est, n'a jamais rechigné sur l'effort pour redresser un secteur qui souffre d'une grande anarchie. Le choix de Tebboune et l'urgence du logement Il est vrai que tout le monde s'attendait à ce que Bouteflika remplace Belaïb, carrément, par un nouveau ministre. Mais le fait de lui désigner, seulement, un intérimaire prouve, un tant soit peu, que le président tient à lui et ne pense pas pour l'heure, à cette option. Il sait, aussi, que même s'il est malade, Belaïb a besoin de travailler, après ses séances de soins et de contrôle. Au-delà de son utilité pour le secteur, «Belaïb a besoin de cette espèce de thérapie que les médecins conseillent à tous les cas, » nous disent les spécialistes. Le maintien de Belaïb, comme ministre du Commerce , pourrait, par ailleurs, démontrer que le président de la République ne pense pas à remanier le gouvernement Sellal, du moins avant les élections législatives p,révues au mois d'avril prochain (voir Le Quotidien d'Oran' du 8 janvier 2017). L'on nous affirme que pour lui désigner un intérimaire, le choix devait se faire entre le ministre de l'Industrie et des Mines et celui de l'Habitat et de l'Urbanisme. « Mais très vite, le président avait tranché en faveur de Tebboune parce qu'il gère un secteur d'une importance cruciale à ses yeux,» nous disent nos sources. Il est connu que Bouteflika voue une grande confiance à Tebboune pour lui avoir confié, depuis des années, un secteur comme l'Habitat dont le poids dans la préservation de la paix et la cohésion sociale est inestimable. «Le président veut que Tebboune réalise tous les programmes de logements inscrits jusqu'en 2019, » estiment nos sources. En gérant le Commerce, le ministre de l'Habitat devra veiller, selon nos interlocuteurs, à réguler convenablement les approvisionnements en matériaux de construction. Il sera probablement, appelé à accélérer «la machine» en matière de contrôle de «qui importe quoi dans ce domaine et ce en prenant de nouvelles décisions.» Ceci même s'il a déclaré, dès son installation comme intérimaire de Belaïb, que : « je n'apporte rien de nouveau, je continuerai ce que faisait Bakhti. » Il dira ,cependant, que « nous nous devons d'œuvrer pour réduire les importations et encourager la production nationale, il faut réduire, davantage, les importations des produits superflus...» Le ministre de l'Habitat face aux frasques du Commerce Tebboune sait que le secteur du Commerce est rongé par les pratiques illicites, la corruption et les passe-droits. Sa gestion pour le conformer aux règles de la concurrence, de la qualité et des prix raisonnables ne se fait pas sans pressions. Bakhti Belaïb en avait dénoncé, publiquement, l'existence sur ses cadres. Il a fait de sa ténacité à débusquer «les gros bonnets », une règle. Pis, c'est à travers les nombreux rouages de son secteur que les transferts illicites de devises, sur la base de fausses facturations et de déclarations en douanes, atteignent des montants faramineux. C'est, justement, pour avoir osé imposer une réglementation contraignante aux importateurs que les services du ministère du Commerce pâtissent d'agissements illégaux. Belaïb a eu à imposer, déjà, en 1997, la valeur administrée, un moyen, pensait-il, pour obliger à une évaluation légale des prix des produits importés et contrer ceux, très bas, déclarés par les importateurs. Il connaît donc bien ce secteur pour l'avoir pratiqué au temps du Président Zeroual, dans une période où les barons de l'import-import profitaient du climat sécuritaire délétère qui endeuillait le pays, pour arnaquer l'Etat et amasser des fortunes. Des fausses déclarations, aux gros cailloux mis dans des containers importés pour en augmenter le plus possible le poids et le décliner, en transferts de devises fortes, le ministère du Commerce en a vu de toutes les arnaques. Ce n'est pas une mince affaire pour Abdelmadjid Tebboune d'en diriger les services, en plus de l'Habitat où il reçoit très souvent des tuiles sur la tête... Il devra, fortement, prier (vœu largement partagé) pour que Bakhti Belaïb se rétablisse vite et revienne à ses fonctions.