Amnesty International a dénoncé, encore une fois, les multiples atteintes à la liberté d'expression et à la liberté religieuse en Algérie, à travers son rapport annuel, rendu public hier, lors d'une conférence de presse tenue à l'hôtel Sofitel. Pour Hassina Oussedik, directrice d'Amnesty Algérie, rien n'a bougé en matière de liberté d'expression et de respect des croyances religieuses, «14 projets de modification de lois ont été examinés entre 2015 et 2016, mais aucune modification n'a été apportée aux lois régissant la liberté d'expression ou la liberté de culte», regrette-t-elle, ajoutant que «l'interdiction de manifestation à Alger est toujours en vigueur, et ce depuis 15 ans, sans raison valable». Pour Hassina Oussedik, «le blocage est total à ce niveau», et le comble, selon ses propos, est l'arrestation en masse de la communauté ahmadie en Algérie. Elle a précisé qu'une cinquantaine de personnes du courant Al-Ahmadiya, ont été arrêtées par les services de sécurité et pas plus tard qu'avant-hier, les services de sécurité ont encore une fois procédé à l'arrestation de 11 membres de ce courant, dans la wilaya de Chlef. La directrice d'Amnesty International a affirmé que son organisation est en contact avec ces personnes qui ont été arrêtées par les services de sécurité «mais si Amnesty ne s'est pas prononcé auparavant, c'est parce que ces derniers ne voulaient pas qu'on communique sur leur affaire», affirme-t-elle. Si pour les services de sécurité la communauté ahmadie est une secte qui exerce illégalement et dans la clandestinité, et si la Ligue des droits de l'homme, qui vient de rendre public un communiqué, ce courant essaie de séduire les jeunes Algériens, notamment les chômeurs, les personnes pauvres et illettrés, et qui procèdent à la collecte de l'argent clandestinement au profit de leur courant, qualifié de dangereux; pour la directrice d'Amnesty International, «Al-Ahmadia est un courant religieux». Hassina Oussedik a tenu à préciser qu'il s'agit «d'un courant minoritaire de l'islam» et «qu'il existe une pluralité dans la religion musulmane, qu'il faut tout simplement respecter». Pour elle, «il faut considérer ce courant, comme on considère d'autres courants dans la religion musulmane», en donnant comme exemple la pluralité qui se manifeste à travers les zaouïas. Et d'affirmer que tout courant religieux qui n'incite pas à la haine ou au terrorisme, ses adeptes ne doivent pas faire l'objet de poursuites par les services de sécurité ou par la justice. La directrice d'Amnesty International ferme la parenthèse en affirmant qu'Al-Ahmadiya «est un courant minoritaire et non pas une secte». Amnesty a cité également le cas de Slimane Bouhafs qui a été condamné par le tribunal de Sétif, en août dernier, à cinq ans de prison, et ce pour avoir «dénigré l'islam et insulté le Prophète Mahomet (Mohamed, QSSL) dans les messages qu'il avait partagés sur Facebook». Pour Hassina Oussedik, ces personnes ne doivent pas être poursuivies, si la liberté d'expression et de religion est respectée en Algérie. Pour elle, les services de sécurité contrôlent et surveillent constamment les réseaux sociaux, comme partout ailleurs. L'ONG a également évoqué le cas du journaliste indépendant Mohamed Tamalt, qui a été condamné, en juillet, à deux ans d'emprisonnement pour «outrage» envers le président et les institutions publiques, en raison de messages qu'il avait publiés sur Facebook et sur son blog à propos de la corruption et du népotisme de personnes haut placées au sein du gouvernement et de l'armée. Amnesty International retrace les faits, «sa peine a été confirmée par une cour d'appel en août, à la suite d'une audience lors de laquelle il a accusé des gardiens de prison de l'avoir battu. Il avait débuté une grève de la faim en juin, lors de son arrestation. Tombé dans le coma en août, il est décédé à l'hôpital en décembre». Cette ONG internationale continue à dénoncer le fait que les autorités n'ont pas mené d'enquête adéquate sur les allégations selon lesquelles il aurait été battu en détention, sur son traitement en prison et sur sa mort. Pour la directrice d'Amnesty International, si la législation algérienne garantissait la liberté d'expression, on ne serait jamais arrivé à cette situation, d'où la nécessité, selon elle, de revoir l'article 144 bis du code pénal.