Au ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, le ton est formel : il n'y a ni rupture, ni pénurie de médicaments. «Il n'y a pas de rupture de médicaments», a affirmé hier dimanche à la radio nationale la conseillère au cabinet du ministre de la Santé, Mme Badra Benkedadra. «Les opérateurs, eux, annoncent qu'ils pressentent une rupture au mois d'avril. Mais, je vous dis qu'actuellement, il n'y a pas de rupture» de médicaments, a-t-elle ajouté estimant que «cette rupture annoncée ne devrait pas tenir la route, dès lors que les programmes 2017 ont été donnés aux opérateurs, une partie fin 2016 et une partie a été libérée dernièrement». «Les opérateurs doivent détenir des stocks d'au moins six mois( ) mais on n'en est pas là, car les programmes ont été libérés. Les dispositions du cahier des charges pour les importateurs stipulent notamment que ceux-ci doivent détenir des stocks de sécurité qui couvrent jusqu'à six mois », explique Mme Badra Benkedadra. Elle rappellera que «les opérateurs disent que ces programmes ont été libérés tardivement». Mais, elle est catégorique, et dément les affirmations des opérateurs : la première partie des programmes (d'importation) a été libérée fin décembre dernier. La polémique sur une prochaine 'grave'' pénurie de médicaments est née il y a une semaine après l'avertissement lancé par des associations professionnelles, dont l'UNOP et la FAM. Dans une conférence de presse organisée mercredi dernier, la Fédération algérienne du médicament (FAM), qui regroupe plusieurs associations du secteur de la santé, avait qualifié la situation de 'grave''. «Pas moins de deux cent-dix (210) DCI (dénomination commune internationale) font défaut sur le marché et que les professionnels du secteur -médecins et pharmaciens- n'arrivent plus à trouver pour répondre aux besoins de leurs patients», explique la fédération. De son côté, le président de l'UNOP, Abdelouahab Kerrar, a affirmé que la moitié des programmes qui devaient être signés ce mois de février par le ministère de la Santé ne le sont pas encore. «Une rupture de stock encore plus grave attend les Algériens le mois d'avril prochain si des solutions ne sont pas trouvées dès maintenant», a-t-il prévenu, évoquant une gestion archaïque du secteur. Au ministère de la Santé, on balaie toutes ces affirmations d'un revers de la main. «Ce sont les pharmaciens d'officine qui parlent de pénurie», souligne la conseillère au cabinet du ministre de la Santé pour qui «il y a un problème dans toute la chaîne de la distribution des médicaments. Même la distribution en gros connaît des problèmes». Installée après des années d'attente, l'Agence nationale du médicament n'aura qu'un rôle mineur dans cette crise. Mme Benkedadra indique que «ces problèmes sont pris en charge par le ministère». Elle a par ailleurs rappelé que les pouvoirs publics travaillent à la réduction de la facture des importations du médicament qui a atteint les trois milliards de dollars en 2016. «Nous œuvrons à ce que la disponibilité du médicament dépende de moins en moins des importations. On met tout en œuvre pour augmenter la production locale pour approvisionner nos officines et les pharmacies des hôpitaux». Elle précisera que «ce n'est pas dans l'immédiat que l'on ira vers une réelle substitution des importations par la production locale. Cela demandera du temps, environ cinq années». Quant aux importations, elle a relevé qu' «il faut aller vers des médicaments autres que ceux que nous produisons aujourd'hui». Actuellement, il y a 80 producteurs de médicaments et 40 importateurs, dont des producteurs. «On a atteint les 65% de production de médicaments localement, affirme Mme Benkedadra, et le reste sont des importations». Revenant sur les affirmations des opérateurs quant à une prochaine pénurie de médicaments, la conseillère au ministère de la Santé se pose la question de savoir «qui a intérêt à répandre la rumeur de la pénurie de médicaments». «Il y a peut-être des tensions pour un produit, mais pas de pénurie», ajoute-t-elle se contentant de dire que «je ne saurais répondre sur ceux qui ont intérêt à répandre cette rumeur». Pour elle, «quelque chose ne tourne pas rond, car ce sont les producteurs qui annoncent la rupture. Ce n'est pas normal qu'un opérateur annonce une rupture, alors qu'il est censé assurer l'approvisionnement du marché, d'où cette question de savoir s'ils ont réellement la capacité d'assurer l'approvisionnement du marché». Mme Benkedadra a expliqué enfin que le ministère «va revoir ce dispositif, et cela est en cours». Dans un communiqué distribué mercredi à la presse, la FAM écrit que «notre point de vue est que ces désordres persisteront tant que l'administration en charge de réguler le marché continuera à triturer en permanence des règles et des procédures qu'elle a elle-même édictées et à les changer à chaque fois au pied-levé pour des motifs obscurs et sous couvert de réaliser des économies de devises».