La Fédération algérienne du médicament (FAM), qui regroupe plusieurs associations du secteur de la santé, a qualifié la situation de «grave». «Pas moins de deux cent-dix (210) DCI (dénomination commune internationale) font défaut sur le marché et que les professionnels du secteur -médecins et pharmaciens- n'arrivent plus à trouver pour répondre aux besoins de leurs patients», selon la FAM qui a organisé hier une conférence de presse à l'hôtel Hilton d'Alger. Pour comprendre un peu l'ampleur de la gravité de la situation, il faut savoir qu'une DCI englobe à elle seule plusieurs marques et types de médicaments. Ce ne sont donc pas 210 médicaments qui manquent sur le marché mais des centaines ! «L'importance de ces ruptures de stocks est telle qu'elle fait courir des risques considérables à un nombre croissant de citoyens qui, à travers l'ensemble du territoire national, n'arrivent plus à se procurer les médicaments qui leur sont prescrits ou qu'ils ont l'habitude de prendre pour poursuivre leur traitement et qui sont d'une importance vitale pour leur santé», a tenu à préciser la Fédération algérienne du médicament. Même si le ministère de la Santé n'a pas été accusé frontalement par les conférenciers, il n'en demeure pas moins que c'est la gestion de ce département qui est remise en cause et qui est, selon eux, derrière cette grave rupture de médicaments dans notre pays. Selon la FAM, toutes ces perturbations ont pour origine des restrictions inédites qui, depuis plusieurs mois, affectent la délivrance des autorisations d'importation aussi bien pour les produits finis que pour les intrants et matières indispensables à la fabrication locale. Ces restrictions prennent la forme de décisions administratives unilatérales portant aussi bien sur des baisses incompréhensibles des quantités à importer ou d'affectations arbitraires de quotas de produits à tel ou tel opérateur. Conjugué, selon la même source, avec les retards pris pour la délivrance d'autorisations de programmes d'importation pour lesquelles les demandes avaient été déposées au cours du second semestre de l'année 2016, cela a créé de graves désordres sur le marché. Abdelouahed Kerrar, le président de l'UNOP (Union nationale des officines en pharmacie) affirme que la moitié des programmes qui devaient être signés ce mois de février par le ministère de la Santé ne le sont pas encore. «Une rupture de stock encore plus grave attend les Algériens le mois d'avril prochain si des solutions ne sont pas trouvées dès maintenant», avertit M. Kerrar qui évoque une gestion archaïque du secteur de la santé, même si, dit-il, des efforts sont faits par certains au sein du ministère. «Nous pensions qu'avec notre industrie pharmaceutique, le problème des ruptures de stocks était révolu», dit le président de l'UNOP qui pointe également un doit accusateur à l'endroit des importateurs et des producteurs locaux pour des «défaillances avérées». Le président de l'UNOP appelle le ministère de la Santé à lancer la concertation avec les professionnels du secteur et à prendre sérieusement en considération leurs suggestions. La vie de millions d'Algériens en jeu Nabil Mellal, le vice-président de l'UNOP est allé encore plus loin. Sa communication autour du problème des médicaments donne froid dans le dos. La situation dans quelques mois ne sera pas très loin de celle que vivent les Vénézuéliens, d'après sa présentation. «Ce qui se passe actuellement n'est que la face visible de l'iceberg», dira-t-il en soulignant que la vie de millions d'Algériens est en jeu. D'après lui, la rupture des stocks concerne même les hôpitaux. Plusieurs médicaments indispensables pour la survie des malades ne sont pas disponibles actuellement dans plusieurs hôpitaux du pays. Les trois mois de stocks de médicaments tel qu'exigé par la réglementation sont épuisés. M. Mellah sous-entend que s'il y a encore des médicaments dans les pharmacies c'est parce que les producteurs nationaux ont fait des prévisions pour 6 mois de stock. En fait, a-t-il développé longuement lors de son intervention, à lui seul le dédouanement des médicaments, de la matière première ou des intrants pour la fabrication du médicament est devenu une véritable expédition. «Nous travaillons dans un environnement terrible», lâche le vice-président de l'UNOP qui évoque une «réglementation complètement déphasée». «C'est la 5ème ou 6ème fois que nous vivons une rupture de stock de médicaments alors que les solutions existent pour éviter de telles situations», ajoute M. Mellal qui déplore le fait que les responsables des départements concernés n'ont jamais appris les leçons du passé. Hassiba Boulmerka, présidente d'ADPHA (association algérienne des distributeurs pharmaceutiques) et Fayçal Abed, président du SNAPO (Syndicat national algérien des pharmacies d'officine) ont également abondé dans le même sens. Ils ont évoqué une «urgence extrême». «Nous ne sommes pas responsables de ce qui va arriver», dira Boulmerka. «Notre point de vue, à la FAM, est que ces désordres persisteront tant que l'administration en charge de réguler le marché continuera à triturer en permanence des règles et des procédures qu'elle a elle-même édictées et à les changer à chaque fois au pied-levé pour des motifs obscurs et sous couvert de réaliser des économies de devises», est-il écrit dans un communiqué distribué à la presse. Les professionnels tenaient à informer publiquement toutes les instances concernées sur les menaces sérieuses que la désorganisation des circuits commerciaux fait peser sur l'approvisionnement régulier du marché. «S'agissant de la recherche d'économie de devises, notre association qui s'y est investie depuis de longues années, est particulièrement bien placée pour savoir que c'est un enjeu extrêmement sérieux qui se décline dans des politiques intelligentes et résolues impliquant aussi bien l'Etat que les entreprises, des politiques à déployer sur le moyen et long terme pour faire face à des acteurs puissants sur le marché pharmaceutique mondial. Elle ne peut pas se confondre avec quelques mesures de rationnement», poursuit la même source qui met clairement en garde que ce mode de gestion, s'il devait perdurer, signifie clairement que les ruptures actuelles sont appelées à s'aggraver et que le marché est appelé à revivre le cycle des pénuries chroniques que chacun avait cru définitivement révolu.