Un taux de chômage et d'inflation en hausse, des déficits budgétaires qui restent «larges», un ralentissement de la croissance hors hydrocarbures, une dette publique en augmentation et des réserves de change en chute libre, c'est le verdict du FMI après avoir diagnostiqué l'Economie nationale. La mission qu'il a chargée de le faire, a séjourné à Alger, du 7 au 20 mars, et s'est entretenue avec les autorités, dans le cadre des consultations annuelles qu'il mène au titre de l'article IV de ses statuts. Dirigés par Jean-François Dauphin, les émissaires de l'institution de Bretton Woods ont basé leurs entretiens sur «l'ensemble des mesures appropriées pour faire face à la baisse des cours du pétrole.» Jean-François Dauphin a animé, hier, un point de presse à l'hôtel El Aurassi, pour en préciser les points forts. " L'Algérie reste confrontée à des défis importants posés par la baisse des cours pétroliers. L'activité économique a été globalement, résiliente mais la croissance s'est ralentie dans le secteur hors hydrocarbures, sous l'effet de la réduction des dépenses et est estimée à 3,4% pour 2016, " fait-il savoir en préambule. Les appréciations du FMI, en chiffres, «le taux d'inflation est passé de 4,8% en 2015 à 6,4% en 2016 pour atteindre 8,1% en glissement annuel, en janvier 2017.» «Le taux de chômage s'est accru à 10,5%, en septembre 2016 et reste, particulièrement, élevé chez les jeunes (26,7%) et les femmes (20,1%). » «Malgré un certain redressement des finances publiques, en 2016, les déficits budgétaires et courants restent larges et la dette publique a augmenté.» «Les réserves internationales, bien qu'encore abondantes, ont chuté de 30 milliards de dollars et se chiffrent, maintenant, à 113 milliards de dollars (hors DTS).» Le FMI reconnaît à l'Algérie que «les effets d'ajustement, au choc pétrolier, se poursuivent, les autorités ont réduit, de façon notable, le déficit budgétaire, en 2016, et ont adopté un ambitieux plan de redressement des finances publiques pour la période 2017-2019, elles ont, aussi, progressé dans l'amélioration du climat des affaires et œuvrent à une stratégie, à long terme, pour transformer le modèle de croissance du pays, de manière à promouvoir l'activité du secteur privé et la diversification de l'économie.» Emprunts extérieurs et cession d'actifs publics Il accorde, en parallèle, un bon point à la Banque d'Algérie qui, dit-il, " adapte ses instruments de politique monétaire au resserrement des conditions de liquidités. " Le FMI affirme, cependant, que "le défi à ce stade est de choisir une combinaison de politiques économiques qui facilite l'adaptation durable de l'économie, au choc pétrolier, au moindre coût en termes de croissance et d'emploi. " Sa mission recommande au gouvernement d'opter pour un redressement des finances publiques, dans la durée car, rappelle Dauphin "les cours du pétrole devraient rester bas et les réserves d'hydrocarbures ne sont pas inépuisables. " Cet effort de redressement devrait, alors, "reposer, essentiellement, sur les leviers suivants : l'élargissement de l'assiette fiscale grâce, notamment, à l'amélioration du recouvrement de l'impôt et à la rationalisation des exonérations fiscales, la maîtrise des dépenses courantes, le remplacement progressif des subventions à l'énergie qui sont coûteuses et bénéficient, surtout, aux ménages aisés, par un soutien direct aux personnes les plus défavorisées, l'amélioration de l'efficacité et la réduction du coût des dépenses d'investissement. " Il convient, estiment les missionnaires du FMI, de " préserver l'investissement dans la Santé, l'Education et les systèmes de protection sociale bien ciblés. " Et aussi de "soutenir ces efforts en continuant à améliorer le cadre de gestion budgétaire et par un suivi attentif de la montée des risques budgétaires. " Le FMI affirme qu'il est " important d'éviter une réduction trop abrupte du déficit des finances publiques, pour atténuer le risque d'un très fort ralentissement de la croissance. " Au regard "du niveau relativement bas de la dette publique ", la mission pense que " l'Algérie pourrait se permettre d'engager un redressement un peu plus progressif des finances publiques que ne le prévoit le budget à moyen terme actuel, et ce, en prenant en considération une gamme plus large d'options de financement y compris les emprunts extérieurs et la cession d'actifs publics. " Ce qui pourrait sous-entendre qu'elle n'exclut pas le recours des autorités algériennes à l'endettement extérieur. Le FMI ne doit, d'ailleurs, observer scrupuleusement que cet aspect des finances Pour l'instant, l'institution de Bretton Woods affirme soutenir«fermement les autorités dans leur intention de rendre l'économie moins tributaire des hydrocarbures et de libérer le potentiel du secteur privé.» C'est ce qui lui permettra, selon lui, de «disposer d'un vivier durable de création d'emplois au-delà de l'horizon des réserves prouvées du pétrole et du gaz.» Nécessité de mise en place d'un cadre de résolution des crises Il lui recommande, à cet effet, d'" entreprendre des réformes structurelles de vaste portée, d'améliorer le climat des affaires et l'accès au crédit, de renforcer la gouvernance et la transparence, de rendre le marché du travail plus efficace, de veiller à ce que les compétences acquises grâce au système éducatif et recherchées par les étudiants, correspondent aux besoins des employeurs, de promouvoir la participation en plus grand nombre des femmes, à la vie active, et d'ouvrir plus largement l'Economie aux investisseurs étrangers.» Pour lui " la stratégie d'ensemble devra être conçue et séquencée, de telle sorte que les réformes se renforcent mutuellement, et que le poids de l'ajustement économique soit équitablement partagé. " Il convient, souligne-t-il " d'agir sans tarder car il faut un certain temps pour que les réformes structurelles produisent leurs effets. " Un ajustement qu'il veut qu'il soit soutenu par les politiques monétaires, financières de change. La valeur du dinar doit alors être révisée. " La poursuite des efforts en vue d'aligner le dinar sur la situation fondamentale de l'économie, combinée à des mesures visant la résorption du marché des changes parallèles favoriserait l'ajustement budgétaire extérieur, " soutient la mission. Elle encourage l'introduction " à juste titre " par la Banque d'Algérie des opérations d'open market qui devraient, selon elle, devenir son principal instrument de politique monétaire. Jean-François Dauphin fera savoir, à la presse, que la BA a réinitialisé ces opérations, avant-hier (dimanche). Il pense que " la valeur du dinar devra dépendre de l'ensemble des politiques économiques mises en œuvre, son taux de change réel devra se rapprocher de sa valeur d'équilibre. " Pour lui, la BA devra être prête à resserrer la politique monétaire, au vu des tensions inflationnistes croissantes. " Il estime que " le secteur bancaire est dans l'ensemble bien capitalisé et rentable mais le choc pétrolier a accru les risques de liquidités, de taux d'intérêts et de crédit. " Il conseille, alors, " d'accélérer le passage à un système de supervision bancaire basé sur les risques, d'affermir le rôle de la politique macro-prudentielle, de renforcer la gouvernance des banques publiques et de mettre en place un cadre de résolution des crises. "