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Bedoui à M'Sila: Boussaâda, les promesses et... le terrorisme routier
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 25 - 03 - 2017

Trois accidents se sont produits jeudi dernier sur un tronçon d'à peine dix kilomètres de la route reliant M'Sila à Bordj Bou-Arréridj. Il venait de commencer à pleuvoir sous de terribles rafales de vent.
De retour à Alger après avoir effectué une visite de travail de deux jours dans la wilaya de M'Sila, le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales a dû ce jour-là constater sur place que les lois promulguées jusque-là n'ont que peu d'effet sur le terrorisme routier. Faut-il rappeler qu'une nouvelle loi sur la sécurité routière vient à peine de paraître dans le Journal officiel et donc entrée en vigueur de facto. Il était un peu plus de 18 h quand le cortège officiel de Nouredine Bedoui avait quitté le siège de la wilaya où la visite de travail a été agrémentée par un déjeuner où trônait une succulente chakhchoukah à la viande du mouton de Ouled Djelal, bien pimentée comme le veut la tradition de la région. Des vents terribles ont commencé à souffler faisant tourbillonner poussières et divers résidus avec en prime les fameux sacs plastiques.
Sur la route, le trafic était tout de suite devenu très dense. Les camions-citernes et autres «gros porteurs» de marchandises avançaient à peine parce que la route était devenue glissante dès les premières pluies. Les véhicules particuliers doublaient dangereusement de virage en virage. Les carambolages étaient inévitables. Trois accidents en l'espace d'une petite heure sur un trajet d'à peine 10 km. Le drame. Se trouvant sur cette route, Nouredine Bedoui a dû certainement penser qu'il faut appliquer davantage de lois et règlements répressifs pour dompter les âmes criminelles des chauffards. Le ministre a pu constater aussi que la route ruisselait de traces d'huile «lâchée» par les moteurs de camions ou de voitures. Ce qui signifie que le contrôle et la maintenance se font à pied-levé. Il avait promis jeudi matin que «nous allons installer la délégation nationale de prévention routière avant la fin de l'année en cours ainsi que son délégué. Elle est mise sous la responsabilité politique du Premier ministre et celle exécutive du ministre de l'Intérieur».
L'élégance d'un ministre
Au fur et à mesure que le cortège officiel avançait, la conduite devenait de plus en plus dangereuse. Derrière, bien derrière, le bus transportant les journalistes qui avaient couvert la visite, arpentait difficilement la route. L'aiguille du cadran basculait entre 20 et 30 km/h. Le chargé de communication du ministère de l'Intérieur contacte par téléphone les journalistes pour leur apprendre que le ministre a ordonné à son chauffeur de s'arrêter pour que le bus puisse rejoindre le cortège. Attentionné qu'il l'a toujours été, Bedoui ne voulait plus avancer sans savoir où était le bus des journalistes. Le danger des accidents pointait à chaque tournant. Tout le cortège officiel s'arrête sur le bord de la route. L'un des véhicules de la gendarmerie qui l'escortaient a fait demi-tour pour escorter le bus. Le ministre a exigé que le bus se place devant le cortège et que son véhicule se mette à l'arrière pour s'assurer que les journalistes étaient bien là. Depuis sa nomination, Bedoui est devenu «la coqueluche» des journalistes. Ils l'apprécient depuis son arrivée au ministère de l'Intérieur pour son humilité, sa disponibilité à répondre à toutes leurs questions, son sens de l'écoute, l'attention qu'il accorde à la communication, l'élégance en plus. Bien que beaucoup se plaignent du rythme effréné de travail qu'il impose durant ses visites sur le terrain, ils veulent faire partie de ses déplacements parce qu'il communique bien, sans complexe.
Les pluies continuaient à tomber durant tout le voyage de M'Sila vers Alger, le ministre «encadrera» le bus des journalistes jusqu'à Alger.
Bedoui était arrivé à la daïra de Sidi Aïssa mercredi vers les coups de 15h. Il a dû quitter le premier le conseil du gouvernement que Sellal présidait. «Yahyaou ouled bladi, ya thawrat el ahrar, djazairouna», toutes les «symphonies» ont été jouées par un groupe de jeunes musiciens venus l'accueillir sur le perron du magnifique nouveau siège de la commune de Sidi Aïssa. Une véritable œuvre architecturale pensée, dit-on, par Ammari, son PAPC, qui a rappelé dans la moindre alcôve la beauté de la culture arabo-musulmane. «Vous êtes architecte ?», lui avions-nous demandé. «Je suis sociologue», a-t-il répondu avec une pointe de fierté. Les notables ont pris place dans l'enceinte du siège, tout autant que les journalistes, cameramen, photographes.
«Je n'aime pas cet à-peu-prisme !»
«Tout le monde dehors ! » ordonne une voix dans un micro. L'allure empressée, le geste nerveux, le pas agité, l'homme aux cheveux grisonnants est le protocole du wali de M'Sila. Des notables mécontents quittent leurs places. Les journalistes s'exécutent sans poser de problème. L'homme continue de s'agiter. Klaxons et sirènes de sécurité se font entendre. Le ministre est arrivé. Le PAPC lui précisera les revendications de la commune. «L'eau, l'électrification, l'ouverture des pistes, réhabilitation du barrage de la région, couvrir les oueds contre les risques d'inondation(…)». Bedoui veut des précisions jusqu'au détail sur toutes ces questions. «Celui qui ne maîtrise pas les données de son secteur n'a pas à être avec nous, je pose des questions, je veux des réponses précises, je n'aime pas cet à-peu-prisme», lancera-t-il énervé. «Tout aussi aimable et attentif qu'il est, il s'énerve, tape fort sur la table et sanctionne sans hésiter quand il s'agit de travail», nous disent ces cadres. A une journaliste locale qui lui a demandé s'il était possible de doter la wilaya d'un nouveau siège, il répondra : «Il y a des communes qui n'ont pas d'assainissement, d'autres pas d'électrification ni de gaz, et vous voulez qu'on construire un siège qui va nous coûter 100 milliards, serait-il raisonnable ? ». Il promettra aux autorités locales et aux notables de plaider la prise en charge de leurs doléances auprès du Premier ministre. Les habitants réclament avec insistance un hôpital. «Celui en activité est une catastrophe, c'est une construction en préfabriquée qui date de 82, c'est l'horreur…», nous disent des représentants de la société civile. Bedoui assure qu'il mettra en avant les dangers d'un préfabriqué bourré d'amiante pour arracher les ressources pour un nouvel hôpital. Le ministre de la Santé devra, disent-ils, «venir voir comment le secteur qu'il gère pâtit, patauge dans ses rebuts, liquide les patients pour n'être qu'un mouroir officiel pour les indigènes que nous sommes en 2017 dans l'Algérie indépendante de 62». Le PAPC expose au ministre les difficultés de l'investissement notamment la construction d'un abattoir et avouera «on a les mains liées». Par qui ? Peu importe, Bedoui prend en charge et exigera : «Faites-moi une étude et une fiche technique pour un abattoir municipal».
Le ministre visitera une micro-zone devant abriter des petits projets et la création de PME. Il faisait déjà nuit. La petite fille qui lui a remis la gerbe de fleurs avait gelé pendant plusieurs heures. Habillée en robe en froufrou, chaussée de sandales dorées, elle n'avait quand même pas caché sa joie de voir un ministre lui faire la bise.
Des micro-zones pour des petits projets
Avant la fin 2019, Bedoui veut que diverses micro-zones industrielles soient créées et opérationnelles. «Nos jeunes ont besoin de travailler, il faut qu'ils créent de la richesse», dit-il fermement. Les facilitations de procédures, la modernisation de l'administration, la numérisation du service public sont son cheval de bataille. «La première quinzaine d'avril prochain, nous allons commencer la production du permis à point et de la carte d'immatriculation numérisée», assure-t-il. A ne pas confondre, tient-il à souligner, «production et mise en place des mécanismes de leur entrée en vigueur». Le ministre voit grand. «C'est un vœu, un rêve que l'Algérie puisse avoir dans quelques années sa commune électronique, pourquoi pas ?», interroge-t-il. Lors de sa visite d'une plate-forme d'un chantier dans la soirée de mercredi dernier, il exprimera son rêve à haute voix. Sur le ton du «yes, we can ! » d'Obama, il lancera : «J'y crois ! Et fermement !». Il le répètera notamment à propos de la création des micro-zones industrielles sur «les 50.000 lots accordés à cet effet et qui seront financés à partir du fonds de solidarité des collectivités locales». Il veut que les walis boostent les jeunes porteurs de petits projets pour investir. «L'Algérie n'a pas de problèmes financiers, pour peu que les projets soient bénéfiques à l'économie et à l'amélioration du cadre de vie de citoyens», affirme-t-il. Il donnera son aval pour la réalisation de 10 écoles et un lycée dans la wilaya de M'Sila.
Il saisira l'occasion de sa visite sur le terrain pour appeler les 23 millions de citoyens inscrits sur le fichier électoral à voter le 4 mai, jour des élections législatives. «Ce sera un geste fort du citoyen pour contribuer à la préservation de ses acquis, de la sécurité et de la stabilité de l'Algérie (…) les menaces sont là, il y a des pays qui vivent dans des conditions catastrophiques, des camps de toile de réfugiés, c'est l'image qu'on a voulu imposer à l'Algérie… »
La présentation du projet de réalisation de la ligne ferroviaire reliant M'Sila à Boughezoul l'emballera davantage pour vanter les efforts de l'Etat en matière de réalisation d'infrastructures de base. Projet lancé récemment mais programmé depuis plusieurs années. Ceci, pour «contredire ceux qui pensent que l'Algérie a gelé ses projets...» Jeudi matin, Bedoui a rencontré la société civile de Boussaâda, daïra de M'Sila.
Boussaâda gagne la bataille du statut territorial
Bedoui ne les quittera pas sans leur annoncer «au nom du gouvernement» que Boussaada est devenue wilaya déléguée. Il leur promet qu'il reviendra «avant la fin de 2017, -moi ou quelqu'un d'autre- pour installer le wali délégué». En tête, le changement ou remaniement du gouvernement qui devrait intervenir au lendemain des élections. C'est au titre du programme de réorganisation territoriale arrêté par le président de la République lors d'un Conseil des ministres de 2015, que cette daïra devient wilaya déléguée tout autant que d'autres situées dans les Hauts-Plateaux. Boussaâda vient ainsi de gagner une âpre bataille de «reconnaissance» et même de «réhabilitation» dans ses droits de ville ancestrale qui possède d'importants trésors géographiques, historiques et culturels. Elle s'est toujours sentie frustrée tant qu'elle était sous la coupe de M'Sila. Elle se targue même d'être la terre d'origine du «Zviti» ce plat à base de miettes de kesra, épicé et pimenté. «Boussaada est une wilaya déléguée et deviendra dès que possible une wilaya à part entière», rassure Bedoui. II indiquera qu'il a donné des instructions fermes pour ne plus permettre l'exploitation illégale de ses sablières. Il visitera l'entreprise «Faïenceries Algériennes » dont le propriétaire n'est autre que Khieridine Zetchi, nouveau patron de la FAF, «absent en raison des impératifs de ses nouvelles missions», nous dit-on. «Il n'a pas eu un sou de l'Etat, il a tout fait tout seul», affirment ses compatriotes de la région de Bordj Bou-Arréridj dont il est natif.
Pendant le déjeuner de fin de visite, le protocole du wali entre dans la salle en gesticulant. «Arrêtez ! Attendez que le ministre se mette à table !», ordonnait-il à ceux qui avaient commencé à piquer dans les assiettes de salade. La veille, il avait eu une féroce prise de bec avec les journalistes auxquels il avait présenté ses plates excuses. Des têtes de hauts responsables se sont renfrognées. De sévères sanctions allaient tomber. Connu comme un loup blanc à M'Sila, ce «kloufi» en chef a en fin de compte réussi à attendrir les journalistes qui, pourtant, quelques heures avant, lui en voulaient à mort. «Les gens l'apprécient pour sa bonté de cœur et son énergie dans le travail, il est juste nerveux», disent les M'Siliens.
Une belle poignée de main, un large sourire, des assurances, des promesses, en présence de Hadj Mokdad, le wali de M'Sila, la visite de travail s'achève après que le ministre a répondu à de nombreuses questions des journalistes venus assister à la conférence de presse qu'il a animée au siège de la daïra de M'Sila.


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