Lieux de Culte, Centres de Pouvoir Bouteflika Implore les Zaouïas Le savoir et la religion ont épousé l'air de l'influence pour parvenir à peser dans le choix des hommes. Le chef de l'Etat est le dernier à l'ignorer. Le chef de l'Etat, en visite, hier, dans la wilaya de M'sila, a pris la route par… Djelfa. Avant de saluer la foule du Hodna et inaugurer ses projets, M. Bouteflika a contourné la ville des Ouled Naïl pour marquer une longue halte à la zaouïa locale, Al-Azharia. Visiblement passage incontournable, cette zaouïa a bénéficié d'une présentation fort détaillée de l'agence de presse officielle (APS). Al-Azharia, adepte de l'école Rahmania, fondée au XVIIe siècle par Abderrahmane Boukabrine, est, écrit l'APS, l'une des plus récentes et plus modernes du pays : on y enseigne le Coran et les sciences islamiques à l'aide des méthodes — théologiques — traditionnelles, mais aussi avec le concours du génie de la Toile et de l'informatique. Le président de la République, accompagné des seuls médias publics, s'est rappelé au devoir du ressourcement et du respect de la foi, invoquant pouvoir divin et baraka des lieux. La zaouïa est en fait cet endroit moral où s'exercent à la fois pratique religieuse sacrée et jeux d'influences avérés. Avérés et déterminants dans un pays hanté par l'héritage incandescent du tribalisme et des saints (awliya) craints et vénérés. Un endroit donc spirituel et temporel dont on espère avoir la bénédiction en vue de jours meilleurs, ou de desseins meilleurs, voire de succès améliorés, d'exploits réédités. “Si Dieu voit du bien en moi pour le pays, je servirai mon peuple, sinon je souhaite ne pas passer (en cas de représentation à la présidentielle de 2004)”, avait dit Abdelaziz Bouteflika, à Batna, à la famille de Mostefa Ben Boulaïd. Cet aveu s'apparente, évidemment, à un vœu (pieux). Un vœu dont il désire certainement augmenter les chances (de satisfaction) par le biais de ses nombreuses visites dans les différentes zaouïas du pays. Il s'agit — dans le cas qui nous intéresse — d'un réconfort moral, recherché surtout en cette période de doute, de faiblesse même, selon certains observateurs. Un réconfort qui, en théorie, rend la quête de réélection plus accessible. Concrètement, il l'a maintient en état d'incertitude la plus absolue dès lors que l'avenir est censé appartenir à Dieu, et à lui seul. Ses références au Seigneur ont été vérifiées lors de la dernière guerre du Golfe (comprendre agression américano-britannique contre l'Irak) pendant laquelle le président de l'hyperpuissance américaine, fervent catholique après un premier âge illuminé par l'abus d'alcool, a usé de ses appartenances religieuses pour en appeler à l'aide de l'Enfant Dieu. En rencontrant les notables religieux, y compris dans les régions et les villes dépourvues de zaouïa, M. Bouteflika suggère, légitimement, l'effet d'influence non sans avoir fait valoir son attachement aux valeurs morales de la société. C'est dans ce chapitre qu'intervient le pouvoir tribal de ces lieux de culte et de savoir. Car, en dehors des grandes agglomérations, le choix des citoyens dépend, et dans une large mesure, sinon des décisions du moins des orientations des chefs — religieux — des tribus. En l'occurrence, le souci est de les associer, dans une logique d'ensemble, à vaincre l'adversité, la rivalité et d'abattre la concurrence. Les zaouïas devraient, dans l'imaginaire d'un candidat, combler les cases vides d'un puzzle et compléter les espaces d'une urne transparente. Lyès Bendaoud Djelfa, M'sila, le Président en visite particulière Comme nous l'avions déjà annoncé dans nos précédentes éditions, le président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, s'est rendu, hier, dans la wilaya de Djelfa. Cette visite “particulière” a eu comme seul point une zaouïa, où se sont regroupés les chouyoukhs des zaouïas de la wilaya de Djelfa. Au chef-lieu de wilaya comme à Hassi Bahbah et à Aïn Oussera, les autorités locales ont procédé au “transport” des écoliers pour remplir les trottoirs ; il fallait coûte que coûte “bien” accueillir le Président-candidat en “pèlerinage”, mais l'indifférence des citoyens a été une nouvelle fois au rendez-vous, bien que les fameux “redresseurs” ont eu recours à tous les moyens pour mobiliser les citoyens. Mais en vain. C'est vers 10h que le véhicule présidentiel est arrivé à la zaouïa, située à la sortie ouest de la ville de Djelfa. La couverture médiatique pour cette visite n'a été autorisée qu'aux médias publics. C'est dans la mosquée de cette zaouïa que le président Bouteflika s'est entretenu longuement avec les chouyoukhs des zaouïas, avant de leur remettre une lettre dans laquelle il leur a fait tous les “éloges” du monde. Bouteflika leur a, entre autres, promis une seconde visite. À noter qu'au moment de cette rencontre, Saïd Barkat et Saïd Bouteflika, le frère du Président, ont préféré rencontrer quelques “redresseurs” qui espéraient un “regard” du Président-candidat. Par ailleurs, le wali de Djelfa, qui aurait fourni de grands efforts pour sommer les 36 P/APC de la wilaya à signer une motion de soutien à Bouteflika pour un second mandat, a été visiblement à bout de nerfs. Certaines sources proches de la wilaya nous ont informé que le premier responsable de leur wilaya n'a pas beaucoup apprécié “cette visite particulière pour la zaouïa”. Enfin, le cortège présidentiel a quitté Djelfa vers 11h10 pour se diriger vers la zaouïa d'El-Hamel dans la wilaya de M'sila, où Bouteflika effectuera une visite de travail et d'inspection. Lotfi G. L'APN Examine les Ordonnances Controversées du Président Les Députés du FLN au centre de la Bataille La reprise, aujourd'hui, des travaux de l'Assemblée populaire nationale est très attendue. Attendue parce que le palais Zighoud-Youcef devrait, théoriquement, se transformer en une arène politique où s'affronteraient les députés du FLN, fidèles à Benflis, et ceux qui ont enfourché le cheval de la dissidence pour prêter main forte au président Bouteflika. Et le contexte s'y prête véritablement. En l'occurrence, la présentation de onze textes législatifs sous forme d'ordonnances émanant du président Bouteflika est de nature à soulever la protesta des élus FLN. Mais, pas seulement. Il y a d'abord le fait que ces textes découlent d'un usage exagéré par le président de la République de ses prérogatives constitutionnelles. Conscient que ses “projets de loi” avaient peu de chance d'être adoptés suivant le circuit législatif habituel, le chef de l'Etat a profité de l'intersession de l'APN pour les placer via ordonnances. Il y a ensuite, et c'est sans doute l'aspect le plus important, la nature même de ces textes. Un projet aussi important que la gestion de la monnaie et du crédit par exemple, avec toutes les répercussions qui pourraient découler de son adoption, nécessite une large concertation. En l'espèce, l'abrogation du fameux article 192 qui fait obligation aux entreprises exportatrices de passer par la Banque d'Algérie est, aux yeux des spécialistes, la voie royale pour la fuite des capitaux. Un projet extrêmement dangereux qui, s'il est adopté, risque de dresser un voile épais sur la destination des recettes en devises de nos entreprises. Le FLN tient là une belle occasion aujourd'hui, au mieux d'empêcher son adoption, au pire d'imposer un débat sur cette question. Fort de son opposition désormais frontale à Bouteflika, le groupe parlementaire du FLN, qui détient une confortable majorité, devrait faire étalage de sa force, ne serait-ce que pour riposter à la campagne déclenchée contre leur parti par le cercle de Bouteflika depuis l'annonce du congrès extraordinaire, mais surtout la désignation de Benflis comme le candidat officiel du parti à la présidentielle d'avril 2004. C'est dire qu'en théorie, mais en théorie seulement, la bataille s'annonce rude entre les partisans de Bouteflika et ceux de Benflis, et l'hémicycle Zighoud-Youcef devrait être le théâtre d'une guerre déclarée entre deux camps, dans un prolongement parlementaire d'un duel politique inédit au sein du vieux Front. Les députés du FLN iront-ils cependant jusqu'à bloquer l'adoption des ordonnances gênantes ? La réponse à cette question est “hasardeuse”. Même si Benflis avait lui-même déjà critiqué l'usage immodéré par le Président des ordonnances pour contourner l'Assemblée FLN, même si le contexte politique plaide on ne peut mieux pour une opposition frontale au Président, il n'est pas sûr que les élus du Front aillent jusqu'au bout. Même si, dans l'entourage de ce parti, on ne craint plus désormais l'éventuelle dissolution de l'APN par Bouteflika si ses projets venaient à être bloqués. Si, officiellement, aucune consigne de vote n'a été donnée aux députés, les parlementaires du FLN pourraient être tentés — par souci de stabilité des institutions ou par calcul politique — par un compagnonnage en votant tout simplement les ordonnances controversées de Bouteflika. Dans un cas comme dans un autre, les dividendes politiques tirés à l'issue de cette confrontation parlementaire risquent de peser dans la balance en cette période de précampagne électorale. Pour les uns et pour les autres. HASSAN MOALI Communiqué du Groupe parlementaire du FLN “ Nous Serons Objectifs et Responsables ” Le groupe parlementaire du FLN, qui s'est réuni, hier, à l'Assemblée populaire nationale, a décidé de ne pas rejeter les ordonnances présidentielles. Dans un communiqué parvenu à notre rédaction, les élus de la formation de Ali Benflis affirment qu'ils traiteront les textes soumis à l'APN de manière “objective et responsable”, et ils feront en sorte que “l'intérêt général soit préservé pour faire échouer la culture du complot qui vise la stabilité des institutions de l'Etat, notamment l'institution législative”. Dans le communiqué rendu public à l'issue de sa réunion, le groupe parlementaire du FLN souligne “la solidité des rangs de leur parti et de ses élus et dénonce les tentatives vaines d'empêcher la tenue du congrès extraordinaire”. Les parlementaires du vieux parti, qui saluent l'approbation à l'unanimité des congressistes de la candidature de Ali Benflis à la prochaine élection présidentielle, rendent “hommage aux honorables et courageuses positions des hommes de la justice qui ont fait face aux tentatives qui visent à porter atteinte à la neutralité et à l'indépendance de la justice pour réaliser des objectifs politiques”. Le groupe parlementaire réaffirme que “les chargés de missions et les comploteurs qui ont voulu exercer des pressions sur les élus du FLN ont échoué”. R. N. Le Chef de l'Etat a entame, Hier, sa Tournée dans la Wilaya de M'sila Escales Religieuses et Bain de Foule Entre deux visites aux zaouïas de la région, le Président a pris le temps de prendre un bain de foule à Boussaâda. Il n'a pas, cependant, répondu à la demande des habitants d'élever leur ville au rang de wilaya. Ce n'est pas par “des vivats Bouteflika” que les citoyens de Boussaâda ont accueilli, hier, le président de la République, à l'occasion de sa visite de deux jours dans la wilaya de M'sila, mais par des retentissants “Boussaâda wilaya”. C'est dire que la grande foule qui s'est agglutinée, dès les premières heures de la matinée, sur les trottoirs de la ville n'est pas venue acclamer le Président-candidat, mais interpeller un homme qui, à leurs yeux, a le sésame pour réaliser un rêve vieux d'une trentaine d'années : le statut de wilaya pour la daïra de Boussaâda. Un statut synonyme pour les Boussaâdis de la fin de la précarité de leurs conditions de vie. Hommes, femmes, vieilles et enfants n'ont que ces deux mots magiques sur les lèvres : Boussaâda wilaya. Ceci dit, la plupart de ceux qui ont été mobilisés pour offrir au Président un bain de foule sont des adolescents et des écoliers. Selon certains, le wali a sillonné depuis deux semaines beaucoup de communes invitant la population à réserver au Président un très bon accueil. Même les communes qui ne sont pas concernées par la visite sont approchées. Comme Msif, Sidi Amer, Tamsa… Aussi, il y avait beaucoup de monde au bain de foule d'hier. Portraits du Président entre les mains, les Boussaâdis ont pris part, joyeusement, à la grande kermesse. Chevaux, barouds et troupes folkloriques, égaillant les présents de leurs airs et de leurs danses, étaient de la partie. Du folklore sur du folklore. Avant d'échouer à Boussaâda, Bouteflika s'est permis une incursion à la zaouïa de cheikh El-Azhari, le fondateur de la tariqa Rahmania, pour rejoindre juste après la commune d'El-Hamel (Boussaâda). Après une série de baptisations et d'inaugurations dans cette localité, Bouteflika ralliera une autre zaouïa à la réputation bien établie, la zaouïa d'El-Hamel. Il est accompagné de plusieurs ministres : Rachid Harraoubia (Enseignement supérieur), Saïd Barkat (Agriculture et Développement rural), Nadir Hamimid (Habitat), Chérif Abbès (Moudjahidine), de son frère Saïd Bouteflika et du général Fodil Cherif. On susurre que le fils du patron de cette zaouïa est un député RND. Elle s'est donné un projet d'élargissement de la mosquée et de création d'un institut islamique dont le coût est estimé à 42,9 milliards de centimes. Le Président mettra-t-il les mains à la poche afin d'aider cette zaouïa à concrétiser son projet ? Personne ne le sait. Les responsables de la zaouïa disent n'avoir reçu aucune promesse dans ce sens. Il reste que sa virée dans ce lieu de culte, accrédité d'une autorité morale certaine, n'est pas indemne de tout calcul électoraliste. Etant établi qu'en politique rien n'est le fait du hasard, deux visites dans les deux lieux de culte de Djelfa et de Boussaâda en une demi-journée est un fait éminemment politique ; Bouteflika compte sur le soutien des zaouïas pour se donner un second mandat. En outre, le Président s'est rendu dans l'après-midi d'hier à Sidi Aïssa pour inaugurer d'autres projets. Idem pour la ville de M'sila où il s'est offert un bain de foule. Arab Chih SAID BARKAT L'A DECLARE HIER “Les “redresseurs” entameront d'autres procédures” Saïd Barkat, le ministre de l'Agriculture et animateur du mouvement de “redressement” du FLN, a improvisé un point de presse. “Le mouvement de redressement est sur la bonne voie. C'est un mouvement spontané. On vous montrera ensuite de quoi nous sommes capables”, a-t-il assuré. Pour lui, la tenue du congrès extraordinaire du FLN et le plébiscite de la candidature de Ali Benflis sont un “non-événement”. Un brin ironique, il qualifiera la tenue du congrès extraordinaire de “jeu de cache-cache sur les escaliers”, en l'assimilant à de l'irresponsabilité. L'action en justice par “des militants de plusieurs wilayas est intervenue après l'absence de réaction du ministère de l'Intérieur”, a indiqué Barkat. Tout comme il a promis le lancement d'autres procédures. Quand ? “Le moment venu. Lorsque la justice tranchera. Mais, une chose est sûre, on ne s'arrêtera pas. Nous userons des moyens les plus légaux et démocratiques pour restituer le FLN à ses militants”. Après quoi, il lâchera cette phrase : “Si je suis sur la bonne voie, tant mieux pour le parti. Si j'ai failli, je ne suis pas le seul.” Comme pour convaincre que le mouvement de redressement s'élargit, il révélera aux journalistes qu'à Djelfa pas moins de 35 communes et une APW ont rejoint le mouvement de Belkhadem. Hier, le responsable local du mouvement de redressement du FLN dans la commune d'El-Hamel, Rahmaoui Cheikh, a déployé une opération de charme en direction de certains cheikhs de la zaouïa d'El-Hamel. Il n'a pas cessé de critiquer et de vilipender les penchants dictatoriaux de Benflis, avant de leur dire que nous sommes pour Bouteflika. Selon certaines indiscrétions, les “redresseurs” de cette wilaya ont installé plusieurs kasmas parallèles. La dernière en date est celle de la ville de M'sila, qui est intervenue vendredi. A. C.