La surprise n'en était pas une, mais les observateurs en déduiront que le président Bouteflika, qui a abandonné sa plainte dans son affaire avec le quotidien français Le Monde, en est sorti le grand vainqueur. Hier mardi au tribunal correctionnel de Paris, les avocats du président algérien, Chems-eddine Hafiz et Basile Ader ont annoncé que le président Bouteflika a retiré sa plainte pour diffamation contre le journal français Le Monde. Selon ses avocats, «le dossier était bien ficelé et le procès était gagné d'avance par le plaignant». A la présidente du tribunal correctionnel de Paris qui demandait si un accord entre les parties n'aurait pas pu être conclu avant, l'un des avocats du président algérien, Me Basile Ader, a expliqué que cette «décision toute récente», et «magnanime» tenait au fait que le journal avait présenté ses excuses au président algérien. « Par souci d'exactitude», le quotidien avait également publié un rectificatif, a déclaré l'avocat du Monde, Me Christophe Bigot, saluant dans ce désistement un «apaisement bienvenu pour tout le monde». La première audience procédurale et de fixation de la date du procès de cette affaire s'était déroulée le 3 juin 2016, une audience au cours de laquelle les avocats des deux parties ont été informés par la juge de la date du procès. Les autorités algériennes, rappelle-t-on, avaient déposé la plainte au lendemain de la publication, le 5 avril 2016, par Le Monde d'un article intitulé «L'argent caché des chefs d'Etat» dans l'affaire des «Panama papers». Le Monde avait illustré sa 'Une'' sur le dossier des Panama Papers et la corruption de chefs d'Etat africains dont l'argent a été placé dans des paradis fiscaux, par la photo du président Bouteflika, sans que le nom du président ne revienne dans l'article en question. Dès lors, le président Bouteflika s'est considéré diffamé par l'association de sa photo à celles de chefs d'Etat cités dans ce scandale international des Panama Papers. Il a réclamé au titre de l'action publique, une condamnation du directeur du Monde à un euro symbolique pour diffamation ainsi qu'une publication judiciaire en première page du journal. Le président Bouteflika a également demandé au tribunal de condamner le prévenu et la société éditrice à verser 10 000 euros au titre de l'action civile. La plainte du président algérien indiquait qu'''il est directement imputé au requérant d'être détenteur de comptes personnels au Panama, au travers de sociétés écrans, qualifiés par le journal lui-même d'argent caché, c'est-à-dire nécessairement constitutifs de fraude fiscale''. Mais, rapidement, le journal Le Monde avait apporté des précisions sur sa Une, et a écrit que 'contrairement à ce que la photo en «Une» du Monde du 5 avril a pu laisser croire, le nom du président algérien, Abdelaziz Bouteflika, n'apparaît pas dans les Panama Papers''. Et, le 6 avril 2016, le quotidien le plus réputé de la presse française, publiait en page 8 un entrefilet de quelques lignes indiquant qu'il s'agissait d'une erreur. En plus, le directeur du journal, Jérôme Fenoglio, avait adressé le 7 avril 2016 une lettre à l'ambassade d'Algérie en France, dans laquelle il avait exprimé ses regrets pour le rapprochement malencontreux avec le président Bouteflika, dont le nom n'est pas mentionné dans les fichiers des Panama Papers. Par ailleurs, lors de la première audience, l'avocat du quotidien français, Christophe Bigot, avait déclaré à la juge que la défense du journal n'a pas encore mûri ses arguments, une façon de dire simplement qu'il n'existe aucun argument valable pour défendre l'auteur de la diffamation. La décision de Bouteflika d'abandonner sa plainte contre Le Monde, est par ailleurs bien 'appréciée'' à Paris. Lors de la visite du Premier ministre français Manuel Valls à Alger le 11 avril 2016, des journalistes du quotidien français s'étaient vu refuser un visa pour se rendre dans le pays. L'ex-Premier ministre Abdelmalek Sellal avait souligné qu'»un journal respecté et respectable a porté atteinte à l'honneur et au prestige» du président algérien «de manière gratuite».